samedi 25 août 2018

Poème express [45/365] - Sainte bagnole

Sainte bagnole
A l'infini s'étalent les mailles d'un filet.
Tenant la terre serrée à la gorge, ce rets
S'en va oblitérant la verdure et les pierres
Sous un ruban bleu-gris qui seulement tolère

Le va-et-vient des machines aux moteurs lancés
Vers le prochain nœud du réseau embolisé.
Pour l'heure elles s'accumulent, crachant dans l'atmosphère
Des vapeurs grises de mécanique en colère

Laissant là, sur les murs, imprégnée dans la suie,
La phéromone acide de millions de fourmis
Parcourant le filet, avec leurs cavaliers,
Dévorant l'asphalte pour plus vite arriver

Au point B où aucun d'entre eux ne restera
Puisque le soir venu, ils reviennent au point A.
Et ce ballet curieux, qui n'a même pas cent ans
Chaque soir s'arrête et chaque matin reprend.

Et nul n'imagine ce que ça pourrait être
De reprendre le rythme de vie des ancêtres
Dont les montures parfois leur refusaient d'aller
En sixième vitesse du point A au point B.

Mais un jour prochain les machines n'auront plus
De quoi faire fumer injecteur et carbu.
S'amoncelant en piles inutiles et informes
Elles mourront bêtement, immobiles et énormes.

Tranquillement le filet sera dévoré
Par les racines, l'herbe, les fleurs ou les navets
Et si nos successeurs retrouvent la raison
Qu'avec tant de panache, nous nous efforçons

D'oublier, debout sur nos accélérateurs
Vers la grande panne sèche dont sonne bientôt l'heure,
Ils iront à pied, à cheval ou en vélo
Et pour les grands trajets, redeviendront sociaux

Et partageront leurs transports en commun
Pour aller partout sans plus dépenser rien
En vignette, assurance, péage et carburant
Et du voyage enfin, ils reprendront le temps.

--G4rF--

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