mardi 14 février 2017

Tectonique de la culture G

Ouhlàlà c'est chaud.

Prologue


Si vous avez comme moi, ô mes frères et sœurs, eu la chance relative de vivre la décennie ‘80, vous  faites partie d’un groupe de personnes sommes toutes assez large pour tirer par vous-même un constat intéressant sur un sujet de « culture commune » : l’évolution qualitative de la programmation télévisuelle.

En deux mots, ça donne : plus ça va, moins ça va.




L’archipel des Potables dans l’océan Moisi

Le zapping (allégorie)
On pourra objecter, non sans justesse, qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Que certains programmes de qualité particulièrement élevée sont nés depuis cette période et paraissent promis à un bel avenir. Et qu’il faut évidemment compter (et faire) avec « l’air du temps », et je ne parle pas du jus de Nina Ricci.
Pour reprendre une fois de plus une forte parole de feu l’ami Pierrot, la culture, c’est comme la confiture : moins on en a, plus on l’étale.
Il en va de même, dans mon analyse, avec le contenu « valable » qui passe à la télévision. Mais comme on ne peut amincir au-delà d’une certaine limite la couche de contenu qualitatif (sans quoi on lui fait perdre sa qualité), on le saucissonne, on le morcelle, on en sème des miettes un petit peu partout.
Et entre deux îlots de programme valable, on déverse du « filler ». Du remplissage, du pas cher pas intéressant. Du déjà vu, déjà entendu, déjà digéré et rejeté. Bref, de la merde.

Finitude de la création de contenu valable

Prédicat de départ : à un instant donné, dans notre riante contrée, il existe une quantité finie de personnes dont le travail est à 100 % de leur temps de produire des contenus qualitatifs.
Par « produire », j’entends la création scénaristique, la mise en scène de séquence, le tournage d’images, la fabrication d’animations, le doublage de contenus tiers, le sous-titrage, bref, tout ce qui est susceptible d’apporter une « valeur ajoutée », ce terme étant là aussi à comprendre dans le sens noble et non monétaire.
Exemple : si je tape sur un clavier le texte du sous-titrage d’une émission satirique étrangère pour que les idées développées dans celle-ci soient rendues accessibles aux auditeurs français, je crée de la valeur ajoutée. Mais si je fais une compilation de vidéos piquées sur internet de gens qui se fendent le crâne par terre après avoir tenté une figure complexe en skateboard sans casque ni coudière, je crée que dalle.

Créateur de contenu
Revenons au prédicat de départ et développons.
Avec une quantité finies de personnes payées chaque année pour produire du contenu valable, on peut produire une quantité « fixe » de contenu valable.
Or ce contenu est disponible pour être diffusé par des canaux concurrentiels : le programme acheté par le canal A ne sera pas disponible pour être diffusé au même moment par le canal B, qui n’a pas payé assez cher pour l’acheter et le diffuser preum’s.
Le téléspectateur qui zappe sur A verra le programme, celui qui zappe sur B ne le verra pas.
Pour la beauté du geste, mais aussi pour faire avancer dans la compréhension de ma théorie, on peut donc imaginer calculer une moyenne de contenu qualitatif disponible à un instant t pour les spectateurs. Ca s’obtiendrait en divisant la quantité totale de contenu qualitatif par le nombre de canaux concurrentiels disponibles.
Concrètement, ça veut dire que si j’ai 100 programmes intéressants à diffuser et 5 chaînes, ça me fait une moyenne de 20 programmes potables par chaîne. Le spectateur raconte : « j’allume, c’est Derrick, merde, bon bah tant pis, je zappe sur une autre chaîne, y’aura peut être un doc intéressant ou un film ailleurs, je reviendrai ici après Derrick, ils vont quand même pas mettre une autre merde pareille après, tiens un doc sur les pingouins, bof, pourquoi pas, en attendant ».
Et ça veut dire que si j’ai 100 programmes, mais 100 chaînes au lieu de 20, ça fait 1 programme potable par chaîne. Le spectateur raconte : « j’allume, c’est Derrick, merde, je zappe, La petite maison dans la prairie, merde, je zappe, pub, pub, pub, pub, clips putassiers, merde, pub, énième rediff d’un machin d’enquête criminelle, pub, pub, tunnel d’épisodes de Friends, tunnel d’épisodes de Grey’s Anatomy, pub, pub, bon bah j’abandonne, y’a pas un DVD qui traîne ? »

Ca vous parle ?

Tempus fuckit

Continuons dans les maths de comptoir appliquées à la sociologie télévisuelle, et ajoutons une dimension au calcul : le temps, qui est en forme de flèche parce que c’est comme ça, c’est stylé, un point c’est tout.
A la fin des années 80, nous avons 6 chaînes de télévision gratuites en France. Parenthèse : je compte intentionnellement C+ comme gratuite car s’il y a essentiellement du contenu crypté, pas mal de contenu original est diffusé en clair, notamment Les Guignols, paix à leur âme. Parenthèse supplémentaire : "gratuit" est à comprendre comme « accessible sans surcoût », parce que les chaînes sont de toutes façons prépayées par la redevance et/ou la pub. Fin des parenthèses.
Années 80 : 6 chaînes de télé, et un certain nombre de gens dans la population, dont --nous l’avons dit précédemment-- une partie bosse à produire des contenus de qualité.
Trente ans plus tard, dans le courant des années 2010, nous avons… euh… une bonne trentaine de chaînes gratuites et un nombre certes plus élevé de gens dans la population, dont une partie proportionnellement similaire bosse à produire des contenus de qualité.
"Qu'est-ce qu'on regarde, ce soir ?
- La télécommande."

En 30 ans, ça fait 5 fois plus de chaînes. Mais pas 5 fois plus de spectateurs. Et certainement pas 5 fois plus de gens payés à produire du contenu qualitatif. Et plus que jamais, le charmant monde télévisuel s’étripe de son mieux à essayer de capter l’audience du spectateur pour mieux vendre son fameux temps de cerveau disponible aux annonceurs pour vendre des lessives, des bagnoles ou que sais-je.
Donc la tendance dans le temps de ma « moyenne des contenus valable disponibles » est en baisse constante.

Ainsi, aujourd’hui, toute personne cherchant dans un poste de télé autre chose qu’un moyen aseptisé de s’auto-trépaner pour vider sa cervelle d’un quotidien plus ou moins doux --quitte à la remplir alors avec de la merde, parce qu’il faut bien que des gens regardent les pubs entre deux vasouilleries d’Hanouna-- se retrouve à zapper, zapper, encore et encore, sans fin, jusqu'à abandonner sa quête du programme valable ou attirant son intérêt devant le défilé continuel des tunnels de pub et des programmes ultra délayés façon homéopathie genre « Plombiers de l’extrême : le défi ».
Et le spectateur de regarder son récepteur de TV d’un œil blasé et de se dire : « mais au fait, pourquoi je la paie, cette putain de redevance ? ».
Parce que, quand même, y’a la VOD, Netflix, HBO et tout ça.

Théorie

Pourquoi je vous parle de tout ça, moi ?

Pour expliquer le fondement de ma théorie : il existe, à un moment donné, une quantité finie de contenu valable et une quantité variable de contenants. Plus il y a de contenants, moins on y voit de contenu valable.

Je m’en aperçois alors que j’écris, l’allusion à l’homéopathie que j’ai faite ci-dessus est plus juste qu’il n’y paraît.
La médecine allopathique en atteste : une molécule seule de principe actif perdue dans 10 000 milliards de molécules de saccharose n’a pas d’effet thérapeutique démontrable. Ca n’empêche pas les tenants de l’homéopathie de dire que ça marche.
De même, la présence en quantité infinitésimale de contenu valable sert souvent de caution morale de « qualité » à des chaînes dont l’indigence globale saute aux yeux à la lecture des grilles de programme. En clair, s’il glisse sur D8 trois minutes de reportage sur une rétrospective Magritte dans un musée rénové de province, ça suffit au directeur d’antenne pour dire que sa chaîne parle de tout, y compris de culture. Même si c’était il y a 3 mois, dans l’édition de minuit du JT. D’ailleurs, y a-t-il un JT sur D8 ? J’en sais rien, et on s’en tape. C’est assez clair.

Chacun constate que D8 n’est pas une chaîne culturelle.
Car une minute valable noyée dans un siècle de bouse ne permet pas de dissiper le fumet nauséabond de la merdasse petitécranesque.

"Je n'ai jamais autorisé G4rF à mettre ma photo
sur son blog." (B. Benamran)
Corrollaire

De nouveau, où est-ce que je vous emmène, avec ça ?

A une réflexion personnelle qui s’est faite jour sous les quelques cheveux qui me restent, l’autre soir, alors que cherchant le sommeil en vain apparut sur l’écran la vidéo suivante : Vulgarizators – Bruce Benamran. Ceux qui ne connaissent pas ce bonhomme sont invités cordiablement (hé ouais, cordiaBlement, parce que je suis le genre de diable cordiale) à s’abonner à e-penser sur YouTube.

Si vous allez à 13’58’’ vous entendrez l’ami Bruce dire quelque chose qui m’a interpellé. Qu’il y a des cycles sur Internet. Pendant un moment, c’est des lolcats, et puis après c’est chaipuquois, et puis en ce moment c’est la culture et l’éducation.






Eurêka sous la chapka*

Et là, ça m’a percuté.
[AVERTISSEMENT : la phrase qui suit est fort longue, respirez un bon coup avant de plonger, merci]
Fort de ma théorie personnelle sur la dissolution de plus en plus profonde des contenus valables dans les canaux médiatiques gratuits aujourd’hui hyper multipliés, je tire le constat que si des gens comme Bruce Benamran, Patrick Baud, François Theurel, Usul, LinksTheSun, David Louapre et tant d’autres ont la cote en ce moment, c’est probablement parce que leurs productions mises à disposition sur les canaux de diffusion Internet sans passer par le filtre concurrentiel des tuyaux télévisés viennent épancher la soif de culture auquel le contenu valable télévisuel pouvait répondre à une époque, mais ne peut plus répondre parce qu’il est trop profondément dissous dans le jeu de l’audience, de la concurrence et de la rentabilité financière des programmes.
[AVERTISSEMENT : les phrases courtes recommencent, arrêtez d’hyperventiler]
"Who's that G4rF guy ? Any idea, John ?" (J. Stewart)
Là, je parle des français sur Internet, mais il en va de même outre-Atlantique depuis des années avec des programmes télévisuels accessibles sur des chaînes payantes. Le programme « Daily Show » de Comedy Central était un programme humoristique classique pendant des années, mais il est devenu sous l’impulsion de Jon Stewart pendant 16 ans une émission de satire tout à fait percutante et efficace. Il démontrait par la bande l’absurdité des politiques en place là où les medias traditionnels auraient dû le faire et ne le faisaient plus, pour cause de « political correctness ». Son successeur à la barre, Trevor Noah, poursuit dans cette veine et c’est tant mieux.
"Nope. Can't tell you who that is, Jon." (J. Oliver)
« LastWeekTonight », présentée par John Oliver sur HBO, présente des sujets complexes et le fait plutôt très bien (même si leur opinion sur le Brexit, ils auraient pu se la garder car je pense qu’ils se sont complètement gourrés, bien qu’Oliver soit britannique). Et ces sujets complexes ne sont pas boudés par les chaînes gratuites pour cause de trop grande complexité pour leur auditoire ou par défaut de temps d’antenne, mais parce qu’ils ont peur que les gens s’ennuient et zappent. Temps de cerveau disponible...

Revenons aux youtubeurs et assimilés : je ne doute pas que si on effectue l’exercice sur des gens de quelque nationalité que ce soit, qui décident de leur propre chef de proposer du contenu élaboré qu’ils commencent par fabriquer tout seul dans leur coin sur leur temps et avec leur pognon, le succès d’audience étant la seule sanction susceptible de s’abattre sur eux, on retrouvera quelque chose d’approchant.

C’est un fait que les audiences grandissantes des chaînes de vulgarisation démontrent : on va chercher sur les réseaux payants, Internet compris, les contenus qualitatifs que le gratuit ne propose plus à force de se diluer.


Contre-exemple ? Tu peux pas test !

Je mets ce constat à l’épreuve avec une émission de télévision qualitative récente disponible sur la télé gratuite.
"On utilise mon image sans mon consentement, sur ce blog."
(E. Lucet)
Cash Investigation. Challenge accepted.

Je ne m’étendrai pas sur le bien que je pense du programme, c’est assez évident. Je vais en dire un peu de mal, car il faut juger à charge comme à décharge.

Il y a des choses à dire sur le procédé, dont une principalement. On est à fond dans le storytelling façon « Erin Brokovitch » (le film, pas la meuf), c’est à dire un procédé visant à utiliser les ressorts scénaristiques et astuces de conteurs aguerris pour dérouler un tableau cohérent, scénarisé, avec un début, un milieu et une fin, des rebondissements, pour mettre en évidence sous forme d’apothéose la conclusion recherchée. Et surtout pour mener le spectateur à adhérer totalement aux propos tenus, ce qui est une forme de manipulation (à partir du moment où elle n’est pas assumée comme telle, c’est à dire où le programme ne commence pas par : « nous allons vous raconter une histoire »).
A cela, je dirais que ce n’est que justice. Vous le verrez vous-même si vous tentez comme je le fais de temps en temps de rallumer la télé pour voir si ça change dans le bon sens ou pas : de plus en plus de programmes ou sous-programmes officiels (je pense à « l’oeil du JT » de la 2, notamment), nous la jouent storytelling et nous prennent par la main pour raconter d’une voix docte des choses qui peuvent parfois s’avérer parfaitement fausses, mais qui donnent de la difficulté à être combattues parce que « c’était tellement bien dit ».
Donc, niquer les raconteurs d’histoires avec des tours de raconteurs d’histoires, c’est pas très moral, mais ce sont les premiers à tirer qui ont choisi les flingues.
Voilà pour le mal que j’avais à dire.
Il faut surtout retenir le principe fondateur de cette émission, qui est de ne pas prendre le spectateur pour un demeuré, de lui expliquer au maximum les tenants du sujet et leur articulation logique, d’apporter des éléments factuels et chiffrés à l’appui, de prendre le temps de montrer avec le recul nécessaire les implications de ces sujets forcément complexes, et d’amener le spectateur à former sa conclusion (qui sera la même que celle du journaliste, certes), et qui sera globalement « quelle belle bande de salauds ».


"Je n'ai pas demandé à apparaître sur cette page" (Usul)
On reprend point par point : parler aux gens comme à des adultes, détailler les problèmes et leurs articulations, donner des chiffres, prendre du temps… ça ressemblerait pas un petit peu à ces contenus fouillés que l’on trouve sur des chaînes YouTube comme celle(s) d’Usul depuis bien longtemps ?
Et d’ailleurs, en prenant encore un peu plus de recul, ce serait pas tout simplement du journalisme ? Du vrai ? Avec du boulot derrière et tout, où on ne se contente pas de lire 3 fiches et un article Wikipédia avant de demander à un pigiste de torcher le sujet pour faire bouche-trou dans le JT ?

Et pour recadrer cette émission là où j’effectue mon constat sur la culture et où nous allons la chercher, que voit-on sur les autres chaînes quand Cash Investigation passe ? Du divertissement. Du foot. Un épisode inédit d’une série que vous pourrez revoir à un autre moment, dans le meilleur des cas.
Bref, Cash Investigation est un îlot délicieux de l’archipel des Potables, au milieu de l’océan Moisi. CQFD.

Tendances et auto-guidage

De tout cela, on peut tirer deux tendances. Une inquiétante et une rassurante.

Inculture (allégorie)
La première, c’est que définitivement, il est absurde de faire confiance à la télévision pour contribuer même a minima à l’éducation continue des adultes de notre riant pays, ni d’ailleurs des autres pays dits « développés ».
Le règne de la boîte à con est à son apogée, et quiconque se laisse vider la cervelle pour la remplir de TPMP n’aura malheureusement que ce qu’il mérite, c’est-à-dire des anecdotes creuses à raconter pour faire rigoler les potes le jour même et encore, mais rien de durable, rien de palpable, rien sur quoi faire pousser autre chose que des champignons.

La deuxième, c’est qu’il existe une frange assez large de population, qui semble majoritairement regroupée dans les 18-25 ans mais pas seulement, et qui a décidé qu’elle était parfaitement capable d’aller chercher via des canaux de vulgarisation alternatifs (qui n’existaient pas quand j’avais leur âge) des choses pas connes et des idées pas simples. Et cela est possible tout simplement parce qu’il y a des gens qui ont pris le parti (au moins au départ) de la générosité et du travail désintéressé au service de l’amélioration de la connaissance générale.
Autrement dit, la culture G.

Problème, toutefois : il n’y a pas que de bonnes âmes qui publient des podcasts chiadés, mais également un lot de plus en plus massif de rubricards qui ne dépareilleraient pas le JT de 13h de TF1 et des putàclics prêts à tout monétiser une fois leur « trou » virtuel bien creusé.

Il faut donc s’en remettre, et c’est quasiment un acte de foi, à l’intelligence individuelle de la personne qui regarde et qui décide de zapper les vidéos conspirationnistes à 2 boules, mais également à l’intelligence collective des copains qui te disent « hé, t’es gentil, mais sur la vidéo que tu m’as recommandé, le mec il dit que de la merde, tu devrais aller voir Machin ou truc, c’est déjà vachement mieux foutu et moins fake ».
C’est un risque.
Mais je pense qu’on peut considérer ce risque comme modéré.
Après tout, les 18-25 ans dont je parle aujourd’hui, c’était les pré-ados et ados des années 2000. Quand je vois avec quelles merdes télévisuelles ils ont été bercés, quand je me rappelle le désolant niveau de connerie et de bassesse qui définissait déjà le standard des mass media de l’époque, je dois bien reconnaître que je n’aurai pas misé une clochette** sur ceux que j’imaginais rester décérébrés à vie.
My mistake, les jeunes gens, vous êtes nettement moins cons que je ne le craignais. Avec un peu de chance, on arrivera à faire de vous des abrutis comme moi. Peut-être même mieux.

Retour au sérieux.
Doit-on pour autant abandonner tout espoir de mettre gratuitement à portée du plus grand nombre des programmes qui soient « non-à chier » ?

Percer le plafond de verre médiatique

S’il est une chose certaine, c’est que ce mouvement de la culture G (dont les gisements se déplacent au fur et à mesure que les puissances de l’argent la repoussent de ses espaces privilégiés pour y implanter des usines à faire du fric avec les gens) est directement issu d’une orientation politique.

La privatisation des chaînes de télévision.
La mollesse proverbiale du CSA qui n’inflige que pas ou peu d’amendes et ne sait qu’admonester à mi-voix ceux qui font du buzz avec tout et n’importe quoi pour faire de l’audience.
Le haussement de sourcil de spectateur qui en a marre de zapper et se dit qu’il aimerait bien en avoir pour l’argent de sa redevance.
La baisse des budgets culturels.
Les cartes de presse données à des animateurs qui sont moins journalistes que moi.
Le risque issu de la présence de tant de contenus qualitatifs sur des plateformes pour l’instant gratuites (comme YouTube) mais qui t’infligent de plus en plus de pub avant de voir ta vidéo et qui sont mûes par des intérêts financiers privés.

Tout cela dessine un tableau particulier de laisser-aller complet.
Et cela montre aussi que la culture G, désertant les mass media faute d’espace où s’exprimer, devient inacessible à ceux qui vivent loin d’une connexion internet potable, à ceux qui sont trop vieux (dans leur tête ou leur corps) pour prendre le virage de la culture via web.
On crée des écarts, des fossés. Des « fractures » numériques, qui pour le coup deviennent plutôt des fractures culturelles.
C’est minable, surtout pour un pays riche dans lequel le temps d’antenne est disponible à foison.

Nico & Martin, les 2 bons copains.
Cela sert les intérêts des media dominants, puisque c’est leur modèle économique et qu’ils ont toujours (pour l’instant) autant de téléspectateurs.
Et quand on sait que les media dominants appartiennent aux dominants tout court, c’est à dire ceux qui ont assez d’argent pour se payer des chaînes de télé, des journaux, des radios, et pour beaucoup moins cher des hommes politiques dont certains deviennent président (coucou Martin Bouygues!), on constate que cette tectonique de la culture G va continuer à creuser la faille à moins d’un changement venu par le haut du pouvoir.
C’est à dire par ceux qui le détiennent vraiment, mais aujourd’hui n’en font rien : nous.

La leçon des campagnes Sanders et Mélenchon

Avril 2017, c’est demain, même si pour certains, demain c’est loin.

Sur le plan de l’éducation politique, on a une chance assez exceptionnelle cette année, c’est d’avoir encore dans nos mémoires de linotte le coup de tonnerre de l’élection Trump aux stazuni.

La plupart des français, enfin c’est mon sentiment issu du recueil des souhaits de mes entourages à ce moment, auraient vu d’un bon œil Bernie Sanders succéder à Obama.
Cela était devenu envisageable parce que Bernie Sanders a fait un truc nouveau : damer le pion à l’appareil médiatique dominant en faisant de l’éducation politique directe (ou de la propagande directe, question de point de vue) via internet.

Long story short, Bernie Sanders qui n’était pas officiellement intronisé par le parti démocrate s’est fait jeter par celui-ci au profit de Hillary Clinton (dans une primaire à laquelle 30 millions d’américains ont participé avec un système tordu de caucus et d’approbation, sur 251 millions d’électeurs au total). Et Hillary Clinton, avec 3 millions de voix de plus que Trump, perd les élections au profit de celui-ci.

Mais le fait intéressant est que Bernie Sanders, classé à gauche aux USA, a réussi à montrer qu’on pouvait intéresser les électeurs en leur parlant directement, et a constitué une vraie menace dans l’accession au pouvoir de Clinton (qui aurait sans doute mieux fait de laisser la place à Sanders). Le verrou médiatique empêchant un discours différent de passer a été contourné, de la même manière que la culture G le contourne chez nous.

Euh, Jean-Luc, tu t'es pas téléporté au bon endroit...
Côté politique, en France, en ce moment, Mélenchon suit un parcours semblable en terme d’accès le plus direct possible à ses soutiens potentiels via les réseaux sociaux, tout en s’efforçant de ne pas se faire piéger comme Sanders par le jeu de l’élection primaire et en essayant d’élargir l’audience de son programme.

Et ce faisant, il démontre quelque chose que ses compétiteurs à l’élection présidentielle française ont globalement mis de côté parce que trop gadget et pas assez sérieux : les voies d’information hors télévision sont devenus significatives et ont leur efficacité.
Ca peut d’ailleurs se voir par la place qu’a pris dans son meeting holographique le sujet des frontières du numérique et de la politique qu’il compte appliquer à ce sujet.

A part lui, à ma connaissance, aucun des candidats ayant une vraie chance de l’emporter dans le contexte actuel (je mets donc Philippe Poutou et Nathalie Arthaud de côté) n’envisage de façon concrète d’action politique cohérente sur les contenus culturels valables, leur disponibilité numérique et l’encouragement à produire de cette façon.

Où ira la culture G ensuite ?

L’exemple de Norman le montre déjà : placement de produit et accord publicitaire sont déjà susceptibles de gangréner les canaux alternatifs de production de contenu valable, et donc le numérique façon YouTube ou DailyMotion n’est pas le saint graal de la diffusion culturelle.

L’instauration de l’état d’urgence permanent en France, après Charlie Hebdo et le Bataclan, a montré que notre pays n’est pas plus à l’abri qu’une lointaine Corée du Nord d’un arbitraire d’état qui dure, qui dure, qui dure, et donc que rien dans l’appareil actuel ne nous prémunit non plus contre une censure plus ou moins profonde des contenus présentés sur les plateformes du web, car les partisans de l’agrément par le silence trouveront toujours des décideurs d’accord pour tirer d’abord et poser des questions ensuite.
La plaque du web est donc instable.

Avec la baisse des dotations d’état aux communes et la baisse des budgets culturels, les bibliothèques et médiathèques en prennent un coup puisque, en cas de crise, on commence toujours par tailler dans la culture.
Le continent du service public de la culture G est en voie de rétrécissement.

Et d’une façon plus générale, il faut s’inquiéter d’une orientation globale de société dans laquelle le maintien d’un certain niveau de culture générale et l’éducation permanente des adultes à la découverte et la compréhension du monde dans lequel ils vivent passent au second plan des préoccupations.
Cela nous dépossède de notre capacité, en tant que citoyen, à former un avis critique et éclairé, et ne nous laisse plus que des choix à la con écrits par quelqu’un d’autre, façon « Qui veut gagner des millions », dans lesquels il est de notoriété publique que les vrais gagnants sont très, très, très peu nombreux.
Je souhaite personnellement un tremblement de terre, une super éruption qui dégage l’espace encombré par des télé shoppings et des pseudo séries sans épaisseur pour que la culture G reprenne pied dans l’espace médiatique gratuit.
Vous, je sais pas, mais je verrai bien les vidéos d’Usul en première partie de soirée sur ma télé en clair, non ?

--G4rF--

* je présente mes excuses à mes lecteurs pour ce jeu de mots assez pourri, mais que je n’ai pas pu contenir d’avantage. En plus, j’aime pas ça, les chapka. Mais bon, c’est l’hiver, ça meule, alors j’y peux rien, ça a fait schboum là-d’dans.
** oui, parce que je joue à Animal Crossing sur la DS de ma gamine, et j’peux te dire que fabriquer un nouveau pont sur la rivière ça coûte un max de clochettes mon pote, alors t’as intérêt à faire du farming hardcore et plein d’excursions sur l’île avec Tortimer my nigga.