mardi 13 décembre 2016

Faut pas y aller, c'est nul (et y'a pas d'alcool)

Amis des relations textuelles épisodiques, bonsoir.
"Faut pas y aller, M'sieur Mélenchon !"

Désolé de me faire si rare, c'est une bizarrerie qui m'arrive ces derniers temps puisque j'ai déménagé loin de mon chez-moi historique, je suis en plein emménagement depuis bientôt 4 mois, et en même temps en train de lancer mon activité en freelance, et je suis aussi en train de me remettre la tête à l'endroit après 6 ans et des patates à bosser chez les dingues.
Je suis en train de comprendre qu'il faut vraiment que je lâche mon portable, que je relise des bouquins et des journaux, que je me pousse au cul pour avoir une activité créatrice, bref que je me rende les moyens de faire bien les choses.

Pour mon retour à la vie chronicale (oui, c'est un néologisme, ce sera pas le dernier, na), un p'tit billet vite écrit, vite lu.

Être sans-grade au 21ème siècle (allégorie)

Une question agite actuellement le bocal de nombre de contempteurs du processus politique engagé dans le cadre des présidentielles de 2017 par les partis qui se relaient au pouvoir depuis bientôt 40 ans dans un ping-pong merdique où nous, les couillons d'électeurs, tenons malgré nous le rôle de la balle : on se prend des coups à chaque aller-retour, et chaque point marqué par un camp finit comme un poing dans nos tronches.

Ouille.


Cette interrogation vibrante est la suivante : "pourquoi Mélenchon, qui paraît si bien parti pour représenter une large part de l'électorat de gauche, ne participe-t-il pas à la primaire de gauche ?".

Certains finissent même cette question par la forte exclamation suivante : "..., bordel de merde !", avant d'aller pester contre la racaille des assistés tout en citant des noms d'allocations dont ils ont entendu parler dans Valeurs actuelles ou Challenges, des revues d'une très haute valeur puisqu'avec un seul numéro de Valeurs actuelles on peut facilement allumer 5 feux de cheminée et il reste encore un peu de papier pour caler un pied de table.

Toi qui me lis, sache que cette question, je me la suis moi-même posée, dans un accès de schizophrénie somme toute flippant.
Mais comme dirait Desproges, je suis quand même le mieux placé pour savoir, au fond, à quoi JE pense. Du coup, j'ai réchéfli. J'ai beaaaaauuuuuucooooouuuup réchéfli.
Et maintenant que j'ai bien violenté messieurs Bled et Bescherelle (avec mon réchéflissement) voilà ce que j'en dis, moi, de cette question.

Il a raison de s'en tenir éloigné. Foutrement raison.

D'abord, parce qu'il ne s'agit pas d'une élection représentative.
A la primaire, seuls les électeurs volontaires acceptant de payer peuvent exprimer un choix qui s'imposerait alors (au nom de quelle loi, sinon la loi du milieu politique ?) à tous ceux qui n'ont pas jugé utile d'y aller voter. Vachement propre, vachement juste, tout dans la finesse et dans l'élégance, le procédé.

Ensuite, parce que le terme "gauche" est fort mal employé dans ce contexte.
Notamment quand on voit que le PS est le chef d'orchestre/promoteur de ce... euh... de ce truc.

Petit retour historique : depuis 1981 avec l'avènement de Tonton Mitterrand, le PS a renié petit à petit tout ce qui faisait l'héritage du socialisme en tant que valeur-socle d'un modèle de société, pour céder à tous les caprices des (néo)libéraux.
Aujourd'hui, on constate que le PS, qui fut un temps au pouvoir dans tous les niveaux de l'appareil d'état, gouvernement + assemblées + régions, a appliqué à un chouïa non significatif près la même politique que les sarkozystes qui l'ont précédé.
Parenthèse : dans le style "j'oublie d'où je viens", les sarkozystes aussi étaient nettement différenciés, dans leur vision de l'héritage politique, des gaullistes dont ils se revendiquaient au départ. A ce sujet, et pour mémoire, De Gaulle avait envoyé péter sèchement les USA et leur OTAN, Chirac ne voulait pas en entendre parler... et c'est Sarkozy qui nous y a intégré, en as absolu du retournement de veste qui dans le même temps politique pouvait déclarer via un de ses faire-valoir que son objectif c'était d'en finir avec le programme "les jours heureux" du Conseil National de la Résistance, puis aller faire son homme de valeurs universelles de résistance en allant planter ses talonnettes sur le plateau des Glières.

Le PS n'est plus un parti de gauche. Ce n'est pas non plus un parti de droite, attention.
Naufrageur, c'est un métier.
Non, c'est un parti de néolibéralisme capitaliste sans limite, promouvant un modèle de société imaginé dans les années 30 à l'école de Fribourg --l'ordolibéralisme-- et qui s'avère totalement insoutenable dans un monde aux ressources finies mais à la voracité infinie, où la "bienveillante autorité supérieure" que supposait la théorie ordolibérale est gangrénée par l'accrochage aux plus hautes branches du pouvoir de prédateurs qui se foutent totalement de fracasser le pays sur des récifs si ça peut leur rapporter de la thune quand ils pilleront l'épave.

La présence d'un parti "hors gauche" à des primaires réputées "de gauche" implique que les autres candidats de la primaire acceptent de se soumettre, en cas de victoire du candidat PS, à un idéal politique qui s'essuie les pieds sur le leur.
Pour toute personne se reconnaissant dans des valeurs de gauche, c'est donc un contresens d'y participer.


Troisièmement, parce qu'il me semble relever un consensus dans l'opinion. Ce consensus s'articule comme suit.

Premier point, l'aile gauche du peuple français ne reconnaît pas en Fillon un représentant crédible de l'aile droite du peuple.
Deuxième point, une bonne part des entrepreneurs et de ce qui constitue le "fonds de commerce" habituel de la droite traditionnelle (en mode travail, famille, patrie, non pas façon Pétain, mais façon de La Rocque) ne se reconnaît pas dans l'hyper libéralisme et la destruction des filets de sécurité sociaux français que Fillon promeut, parce qu'ils savent bien qu'ils ont une utilité même s'ils estiment que trop de gens en abusent.
Troisième point, du côté des plus extrêmes, ils ne reconnaissent pas non plus la valeur de Fillon : le FN, qui est de droite extrême, n'a pas été convié à ma connaissance à la primaire de la droite. Ceux qui soutiennent l'héritière de Saint-Cloud peuvent donc se sentir lésés quand on présente Fillon comme le porteur unique et "validé démocratiquement" des idées de droite.

Politique française : le jeu des vieilles ficelles

Il en ressort que si une large part des français pense que le gagnant de la primaire de droite n'est pas un représentant fiable de l'aile droite du peuple et de son "projet", on peut supposer que si Mélenchon gagnait la primaire de "gauche", une large part des français serait légitime à ne pas voir en lui un représentant fiable de l'aile gauche.


Le seul intérêt de l'exercice serait de démontrer par l'absurde la médiocrité du processus de désignation par primaires : pour moi, qui ait la conviction que Mélenchon porte le meilleur programme de société que j'ai lu depuis des années, le fait qu'il puisse gagner la primaire de "gauche" et qu'il en sorte affaibli en serait la preuve la plus éclatante.


Enfin, avec un peu plus de cynisme et en restant plus près des réalités de terrain, il y a aujourd'hui tellement peu de formations politiques qui acceptent de jouer le jeu merdique du PS et de leurs primaires que ce qui devrait être, dans l'idéal, un exercice de confrontation de tendances multiples visant à produire par le débat et le choix du peuple souverain une candidature solide prête à exercer la plus haute mandature, va finir par être un tournoi de foot où seule l'équipe organisatrice est inscrite.
Et où elle gagne.
Par forfait.
Ce qu'il conviendrait donc d'appeler une forfaiture...


J'achèverai en soulignant que Mélenchon a annoncé à de nombreuses reprises qu'il ne participerait pas à ces primaires.
Un renoncement à ce principe fondateur de non-collusion avec l'appareil dominant, même s'il lui offrait des possibilités crédibles de sortir gagnant du scrutin perlimpinpin de la primaire PS, lui coûterait la confiance de ceux qui soutiennent la France Insoumise depuis le début.
Ce serait faire acte de compromission avec ceux-là même dont il dénonce la stratégie de compromis permanent avec tout ce qui leur permet de s'accrocher au pouvoir, en dépit des malheurs qu'ils infligent au peuple et du danger climatique qu'ils laissent venir sans se remuer le train.
Ce serait la fin de la candidature Mélenchon, et sans doute aussi celle de la France Insoumise qui, si elle partage les idées de son candidat, n'a pas selon moi de joker dans sa manche pour le remplacer en cas de trahison de celui-ci.
--G4rF--