lundi 16 décembre 2019

Poème express [229/365] - En deuspi

En deuspi
J'abhorre les jargons, les langages obscurs,
Les savoirs confinés par des mots réservés
La tendance au Babel qui à ce jour perdure
Compliquant le travail pour qui veut s'éduquer

Derrière toutes les sciences le jargon s'abrite
Et crée sa sous-culture élitiste et choisie
Suffisante et pédante, fausse et hypocrite
Au codex chargé de morgue et de mépris

Et pourtant je chéris quelques mots de naguère
Et leurs contreparties des temps les plus récents
Nullement prétentieux, ces argots populaires
Font la nique aux cryptolangages des savants

En jactant l'argomuche, en causant en loucedé
On rend inaccessible aux oreilles altières
Les secrets bien banals de ceux qui vivent à terre
En leur tendant le miroir de l'opacité

J'affectionne ces mots, ce dictionnaire d'en bas,
Qu'on apprend à l'école quand on n'écoute pas,
Des locutions apprises en scred et en deuspi
L'argot est le langage des humbles et des petits
--G4rF--

mardi 10 décembre 2019

Poème express [228/365] - Sweetie

Sweetie
C'est parce que je n'y ai pas pensé
C'est parce que je n'ai rien demandé
C'est parce que tu étais là
Que mon bras s'est posé sur toi

J'ai fait une place dans ma chaleur
Tu en as fait dans ta douceur
Et le souvenir de cet acte
Ce précieux, délicieux contact

Est encore là, en moi, sur moi
Après ces semaines et ces mois
Me consumant à petit feu,
Me consumant, et c'est tant mieux
--G4rF--

lundi 9 décembre 2019

Poème express [227/365] - A peine sortis de la jungle

A peine sortis de la jungle
C'est l'heure de l'internet, du buzz en continu,
Tweet, email et chatpost, story et bien plus
Tellement de mots, de sons, commentaires et images,
Qui dans nos mémoires viennent saturer toutes les pages

Fini le temps lointain de l'éther paisible
Qui bruisse aujourd'hui d'ondes sur toutes les fréquences
Fini de s'informer par des faits, du tangible
La rumeur a détruit cette noble exigence

Le monde pourtant n'est pas devenu frénétique
Parce que les hashtags et les trends l'ont voulu
Il était déjà fou, agité, hystérique
Ca se voyait bien moins, aujourd'hui c'est tout vu.

Que faisons-nous de ça, masse protéiforme
D'informations diverses aux qualités douteuses ?
Au lieu de nous élever, elle nous rend uniforme
Toujours en réaction aux breaking news juteuses

Cette vague nous porte-t-elle, ou nous submerge-t-elle ?
Peut-on s'y appuyer, prendre de la hauteur ?
Ou la subissons-nous, fracassante et mortelle,
Nous tirant vers la bas de toute sa vigueur ?

J'observe l'avalanche du déclin général
La fourmilière humaine attisant en son sein
Un feu consumant tout, insidieux, tumoral,
Dans la fuite éperdue vers toujours plus de gain

En prenant du recul, on le voit apparaître,
Le visage du mal composé de milliards
De brèves, de flashs, de bruit, d'exclu et d'à paraître,
Tous marqués par le sceau d'un mépris sidéral

Pour l'horizon duquel nous nous rapprochons tous
Accélérant chaque jour pour un p'tit sou de plus
Cette ligne de feu délimitant la brousse
Derrière laquelle, c'est sûr, nous n'existerons plus.

Le grand mur est tout proche et seuls quelques-uns freinent
Notre espèce adaptable refuse de s'adapter
Vivant grand train aux frais d'une terre épuisée
Persuadée de vivre toujours, quoi qu'il advienne

Nous étions des symbiotes, nous voilà parasites
Un virus agressif causant sa propre perte,
Myopes et imbéciles qui consomment, phagocytent,
Des Attilas laissant leur terre morte et déserte

Apprendrons-nous un jour ? Saurons-nous évoluer ?
Ou bien finirons-nous dans les marges du cahier
De l'histoire des espèces, rayés d'un trait de plume,
Échec évolutif à l'infamie posthume ?

Serons-nous les plus bêtes des êtres intelligents ?
Pourrons-nous échapper à la condamnation
En cessant de nier notre frêle condition
D'êtres issus du sol, dont nous sommes dépendants ?

A peine sortis de la jungle, si peu évolués,
Nous brûlons la forêt qui nous a fait grandir
Dont dépendent nos vies, nos enfants, l'avenir.
Nos racines hors du sol, nous mourons desséchés.
--G4rF--