mercredi 27 décembre 2017

Poème express

17-18

Poudre foudre feu d'enfer
Sourd lourd coup de tonnerre
Fracas muet derrière les yeux
Images de guerre et écran bleu 

Strass gloss brillantes paillettes
Smoking sur robe noire de starlette
Le carmin des lèvres fibrille
C'est dans le vide qu'il s'égosille 

Étendu plat vidé crevé
Chaise, fauteuil puis canapé
Jonglant sur mille canaux d'un doigt
Cherchant où l'ennui ne s'ra pas 

Bilan total somme addition
Rite final des prédictions
Un temps s'achève, un autre vient
Contemporain comptant pour rien ? 

Itère, itère, boucle infinie,
En méta-stase de frénésie
Cent petits tours et puis s'en vont
Vœux de changement, désillusions 

Tombez rideau, videz la scène
Jetez les livrets à la benne
Et gardez vous de recycler
Leurs mots usés et abusés

Des planches, bâtissons des bateaux,
Des décors, faisons nos radeaux
Greffons au ciel en guise d'étoile,
En sémaphore notre idéal
Fin du spectacle prémédité
Tout s'ra maint'nant improvisé
Les applaudissements viendront
Pour chaque miracl' que nous ferons

Et laissons là dans le sillage
Les horoscopes, les faux présages,
Dans l'universelle équipée
Chaqu' jour est la nouvelle année.

--G4rF--

jeudi 7 décembre 2017

Poème express

H.P.

Au fil des portes closes
Et des salles en fureur
A longueur de couloirs
De blocs et d'ascenseurs

Au rythme des grabats
Sur leurs voies de garage
Foule en anonymat
Des blouses en paysage


Kilomètres arides
Linoleum plat
Rampant en tout endroit
Saveur bactéricide

Variables usagers
Parfois en simple escale
Sous les peintures âgées
En ce lieu de tout mal


Près des néons blafards
Éclat du gyrophare
Dans le choc du brancard
Un futur noir ou blanc

Au creux des yeux cernés
Du soignant épuisé
Sur ses sabots usés
Les patients, les patients

--G4rF--


mercredi 6 décembre 2017

Ciao jojo

Souvenir, souvenir...
Contrition forcée ? Très peu pour moi. J'en ai à peu près rien à cirer de Johnny Halliday, mais je ne conchie pas Jean-Philippe Smet non plus, parce qu'il faut distinguer le personnage fantasmé du mec qui l'interprète.

Sur ses chansons ? Il en a composé une seule, je crois, c'était "cheveux longs et idées courtes", chanson dans laquelle il tentait (maladroitement il faut le dire) de faire le clash avec Antoine. Oui, LE Antoine d'Atoll-les-opticiens, qui, dans ses élucubrations, avait dit en évoquant le futur interprète du concurrent Optic 2000 : "tout devrait changer tout le temps / le monde serait bien plus amusant / on verrait des avions dans les couloirs du métro / et Johnny Halliday en cage à Médrano".

Sur l'affaire, ce que j'en dis, c'est qu'Halliday était un bon interprète, il a très bien chanté de très beaux morceaux, il en a aussi massacré des horribles sur scène, et il a su très bien s'entourer du point de vue professionnel, mais sans doute moins bien du côté personnel.

Après, pour ce qui me concerne, le culte de la personnalité et du mythe américain de notre chanteur franco-belgo-suisse national m'a toujours gonflé : pour lui comme pour d'innombrables stars de la chanson, leur succès est dû à leur travail, certes, mais aussi à celui considérablement plus énorme de milliers de bosseurs de l'ombre, des compositeurs aux paroliers en passant par les roadies, les tourneurs et les ingés sons qui, eux, crèveront dans l'indifférence générale alors qu'ils étaient des rouages indispensables pour qu'un mec comme Johnny existe en pleine lumière.
Et je n'ai pas connaissance que le sieur Halliday invitait ses techniciens et ses équipes en vacances sur un yacht à Saint Trop'.

Donc oui, Jean-Philippe Smet est décédé, oui, il ne jouera plus Johnny Halliday, oui les proches sont effondrés, oui les fans sont tristes, oui, qu'on les tous laisse chialer puis s'en remettre comme ils pourront.

Mais oui aussi, tous ceux qui n'en avaient rien à foutre de la surmarketée idole des jeunes ont aussi le droit de se plaindre.
Parce qu'on va de force leur bourrer le mou, les yeux et les oreilles toute la semaine avec du Johnny par-ci et du Johnny par-là, quel grand homme, quel symbole national, violons et tremolos sur toutes les antennes.
Et ça, dans le même pays et la même semaine où par hasard on inhume aussi Jean d'Ormesson, un mec dont l'oeuvre est elle aussi du genre valable (même si je n'aimais pas ses points de vue et ses tendances politiques), mais bon, l'oeuvre de d'Ormesson est moins télégénique, alors on en cause 5 minutes et on retourne à ses petites affaires, vas-y remets moi "Tennessee".

A l'instant, je n'imagine rien de pire que cet exercice d'hommage imposé, ça vous pousse à détester à titre posthume quelqu'un qui ne méritait peut être que votre dédain de son vivant.

Réveillez-moi pour la mort de Damien Saez , de Björk ou de Trent Reznor, là, ça me fera sans doute quelque chose.
--G4rF--

lundi 20 novembre 2017

Poème express

Marcheurs de nuage

Un peu aveugle et sourd
Juste pour un moment
Nez humide et doigts gourds
Il s'approche, marchant

Dans les poches de lumière
Trous dans l'opaque nuée
Cheveux gris, yeux clairs
Venu, parti, passé.

Sorti du mur de ouate
Sitôt y replongeant
Partant de ses pénates
Ou bien y retournant

Un visage inconnu
Croisé sur un trottoir
Dans le brouillard touffu
D'une aube très en retard

Dans nos manteaux, frileux,
Sommes-nous seulement deux
Ou une infinité
Arpentant, engoncés,

De la ville embrumée
Les venelles et passages,
Des marcheurs de nuage
Aimant à s'égarer ?

--G4rF--

jeudi 24 août 2017

Nouvelle

INTOX

Il relut l’ensemble de l’article. Les photos étaient bien choisies, légendées clairement. La vidéo qui accompagnait l’article était plutôt bien ficelée : percutante, avec une bonne musique, elle faisait bien passer le message.
Comme à son habitude, il signa l'article de ses initiales. Ça mettait le lecteur dans l'ambiance.

Il sourit en cliquant sur le bouton « Publier », et attendit quelques instants que l’ordinateur lui indique que son article avait été intégralement transmis.
Après une poignée de secondes, l’article apparut en tête du tableau de bord de son gestionnaire de sites internet : publié à 09h27 sur « cequonvouscache.com ».
Il s’étira, abandonna son ordinateur en cours d'extinction et s’en fut vers l’autre côté de la pièce, où son lit l’attendait, près du réveil dont l’afficheur indiquait 3h41 du matin.

Les signes de fatigue se lisaient clairement sur son visage quand il passa le hall d’entrée. Benoît, qui était à la réception ce matin, lui dit même qu’il faisait peur lorsqu’il le salua tout en tendant son badge devant le lecteur sans contact du premier portique de sécurité.
Après un passage obligé à la machine à café qui délivrait sans discontinuer depuis plusieurs semaines la même lavasse imbuvable qu’il avala tout de même pour satisfaire sa dépendance à la caféine, il s’installa à son poste de travail en posant dans le tiroir sécurisé son téléphone portable, son trousseau de clés et sa montre connectée.
La lumière du tiroir passa du rouge au vert, et l’ordinateur put démarrer.

Et allez, encore un changement de mot de passe… ça ne faisait jamais que cinq fois depuis le début du mois, et ça n’irait sans doute pas en s’améliorant. Connaissant son employeur, le contraire eut été surprenant. Ce que l’absence d’enseigne en façade de l’immeuble tristement normal du XVIIème arrondissement parisien où il se trouvait ne proclamait pas, c’est qu’il travaillait à l’ACSI, l’Agence Centrale de Surveillance de l’Information.
Dans ce poste avancé du renseignement dépendant directement du ministre de l’intérieur, on ne rigolait pas beaucoup quant à la sécurité informatique, même quant on était comme lui rédacteur hors classe et qu’on était une des têtes les plus connues de la boutique, faisant quasiment partie des murs.
Mais cela ne l’empêchait pas de prendre certaines libertés qui jusque là avaient apparemment échappé à la vigilance des cerbères du troisième étage. Tout allait bien...

Il prit quelques instants pour voir discrètement où en était son article publié pendant la nuit : 7800 vues, et ça progressait constamment. Un léger sourire sur le visage, il referma la fenêtre affichant les statistiques et ouvrit sa messagerie interne.
Il sauvegardait sur son poste un dossier proposé par Jérémie, le nouvel arrivant dont il assurait la formation et le contrôle qualité, lorsqu’un message s’afficha en travers de son écran, barrant toutes les autres fenêtres ouvertes.
« Information de service : vous êtes attendu au Bureau de la Supervision (salle 501) ».
Ça, c’était anormal.

Préoccupé, il se dirigea vers l’ascenseur, appela la cabine puis entra en appuyant sur le bouton du cinquième étage. Une collègue qui s’apprêtait à partager le trajet vit le témoin lumineux de l’étage sélectionné, lui fit un sourire contrit et compassé, puis fit demi-tour avec hâte.
Les portes se refermèrent sur lui, seul.

Il n’y avait qu’un unique bureau au cinquième, celui de la patronne, pudiquement habillée d’un titre ronflant de « superviseur » alors qu’elle faisait la pluie et le beau temps dans toute l’agence, y compris ses succursales de métropole et d’outre-mer.
Il la connaissait plutôt bien et n’avait jamais eu de problème avec elle, mais la fatigue de la veille et le stress de cette soudaine convocation se combinaient en une forme de malaise assez angoissant. Se pouvait-il qu’elle sache ? Et si oui, comment ?

« Savez-vous pourquoi je vous ai fait monter ?
- Euh… à dire vrai, je comptais sur vous pour me le dire. »
Elle le dévisagea un instant, un instant juste un petit peu trop long.
Quelque chose n’allait pas.
Elle chassa sèchement une quelconque poussière de la surface de son bureau, saisit son stylo et le pointa dans sa direction :
« - Je sais tout.
- Pardon ? laissa-t-il échapper, son visage déjà blafard blanchissant désormais à vue d'œil.
- Tout. Je sais que vous avez publié cette nuit, depuis votre appartement, depuis un poste non déclaré, un article rempli de balivernes séditieuses sur un site complotiste de premier plan. Je sais que, pour cela, vous avez utilisé des informations dont l’usage est strictement limité aux seuls bureaux de l’agence. Et je sais enfin que vous avez trouvé une façon, assez grossière d'ailleurs si je me fie aux conclusions du Bureau de la Sécurité, de trafiquer l'heure de publication. »

Elle se leva et vint s’asseoir au coin de son bureau, face à lui qui restait silencieux. Plus que de la colère, son visage exprimait étonnamment de la contrariété.
« - Je ne vous apprends rien si je vous dis que ce que vous avez fait là est absolument contraire au règlement, n’est-ce pas ?
- Euh… finit-il par bredouiller.
- Vous savez à quel genre de sanction vos actions dissimulées vous exposent ? »
Il sourit faiblement.
« - Vous… vous allez me virer ?
- Vous virer ? Faites moi rire ! » s’emporta-t-elle en se relevant d’un coup, avant de retourner vers son siège où elle se réinstalla comme un roi sur son trône.

« Il y a quelque chose qui vous échappe, expliqua-t-elle posément après un instant de silence.
« Vous êtes un agent efficace, un très bon agent. Vous faites bien votre boulot, vous prenez de bonnes initiatives, vous avez manifestement le sens et l’intuition qui conviennent à ce job, et si vous vous avaliez autant d’entretiens d’embauche que moi vous sauriez que ce n’est pas donné à tout le monde.
« Mais quelque chose vous échappe. Cela fait quelques années que vous et moi travaillons ensemble ici. Et dès le jour où j'ai pris mes fonctions à la tête de l'agence, je vous ai dit, à vous comme à vos collègues, quel était notre objectif, quelle était aussi notre éthique.
« Or cette éthique à laquelle nous sommes --à laquelle JE SUIS-- attachée, vous ne l'avez pas respectée.
« Mais je vous comprends, vous savez, fit-elle d'un air entendu. Je vous assure que je vous comprends. Comme chacun et chacune de vos collègues à un moment ou un autre de leur carrière, vous avez eu cet élan, un élan sincère, qui vous a fait penser : cette information, ce dossier, je dois les écrire, je dois les faire sortir dès maintenant, le public doit le savoir dès que possible. Et c’est là, votre erreur. »

Elle se pencha en avant vers lui, et reprit d’une voix douce :
« Parce que, voyez-vous, même si je vous comprends, la règle de notre agence est limpide : il est absolument interdit de monter un dossier de désinformation hors de nos bureaux.
Alors considérez ça comme un dernier avertissement avant la commission disciplinaire : cessez définitivement de travailler depuis chez vous.. »


* * *
--G4rF--

lundi 10 avril 2017

Poème express (en prose)

9h15

Ses grandes pattes s'étirent d'un horizon à l'autre.
S'arrachant à la Terre, lentement se redresse.
Un voile devant les yeux.
De la ouate sur le cœur.
Déclencheur, prise de vue, clac !
Première image prise. Floue.
Un tremblement de terre remonte son échine.
Trop dormi, pas assez, peau froissée comme les draps.
Les rouages figés derrière l'os du crâne
Se décoincent en couinant, grippés par la torpeur.
Brûlure accidentelle : un rai de soleil vif
S'échappe des rideaux clos et percute ses cils.
Sa charpente de vieux bois gémit, craque, se plaint.

Premier pas, maladroit.
L'autre suit, sans penser.

Laissant dans la tanière sa mue de plantigrade
Hibernant, il s'avance.
La patte se fait main, qui repousse le voilage.
Matin d'avril sans nuage.
La lumière se déverse, bondit, envahit tout.
Une autre chaleur passe à travers ses yeux clos
Et atteint l'autre, en lui.
Celui qui n'est pas ours.
Le juvénile pilote s'empare des commandes
Du grand exosquelette dont il a hérité.

Regardez, juste là, sous la peau épaissie.
On le voit transparaître.

Il est là, dans ce pli, juste au coin de la lèvre.
C'est lui, là. Qui sourit.
--G4rF--

mardi 14 février 2017

Tectonique de la culture G

Ouhlàlà c'est chaud.

Prologue


Si vous avez comme moi, ô mes frères et sœurs, eu la chance relative de vivre la décennie ‘80, vous  faites partie d’un groupe de personnes sommes toutes assez large pour tirer par vous-même un constat intéressant sur un sujet de « culture commune » : l’évolution qualitative de la programmation télévisuelle.

En deux mots, ça donne : plus ça va, moins ça va.




L’archipel des Potables dans l’océan Moisi

Le zapping (allégorie)
On pourra objecter, non sans justesse, qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Que certains programmes de qualité particulièrement élevée sont nés depuis cette période et paraissent promis à un bel avenir. Et qu’il faut évidemment compter (et faire) avec « l’air du temps », et je ne parle pas du jus de Nina Ricci.
Pour reprendre une fois de plus une forte parole de feu l’ami Pierrot, la culture, c’est comme la confiture : moins on en a, plus on l’étale.
Il en va de même, dans mon analyse, avec le contenu « valable » qui passe à la télévision. Mais comme on ne peut amincir au-delà d’une certaine limite la couche de contenu qualitatif (sans quoi on lui fait perdre sa qualité), on le saucissonne, on le morcelle, on en sème des miettes un petit peu partout.
Et entre deux îlots de programme valable, on déverse du « filler ». Du remplissage, du pas cher pas intéressant. Du déjà vu, déjà entendu, déjà digéré et rejeté. Bref, de la merde.

Finitude de la création de contenu valable

Prédicat de départ : à un instant donné, dans notre riante contrée, il existe une quantité finie de personnes dont le travail est à 100 % de leur temps de produire des contenus qualitatifs.
Par « produire », j’entends la création scénaristique, la mise en scène de séquence, le tournage d’images, la fabrication d’animations, le doublage de contenus tiers, le sous-titrage, bref, tout ce qui est susceptible d’apporter une « valeur ajoutée », ce terme étant là aussi à comprendre dans le sens noble et non monétaire.
Exemple : si je tape sur un clavier le texte du sous-titrage d’une émission satirique étrangère pour que les idées développées dans celle-ci soient rendues accessibles aux auditeurs français, je crée de la valeur ajoutée. Mais si je fais une compilation de vidéos piquées sur internet de gens qui se fendent le crâne par terre après avoir tenté une figure complexe en skateboard sans casque ni coudière, je crée que dalle.

Créateur de contenu
Revenons au prédicat de départ et développons.
Avec une quantité finies de personnes payées chaque année pour produire du contenu valable, on peut produire une quantité « fixe » de contenu valable.
Or ce contenu est disponible pour être diffusé par des canaux concurrentiels : le programme acheté par le canal A ne sera pas disponible pour être diffusé au même moment par le canal B, qui n’a pas payé assez cher pour l’acheter et le diffuser preum’s.
Le téléspectateur qui zappe sur A verra le programme, celui qui zappe sur B ne le verra pas.
Pour la beauté du geste, mais aussi pour faire avancer dans la compréhension de ma théorie, on peut donc imaginer calculer une moyenne de contenu qualitatif disponible à un instant t pour les spectateurs. Ca s’obtiendrait en divisant la quantité totale de contenu qualitatif par le nombre de canaux concurrentiels disponibles.
Concrètement, ça veut dire que si j’ai 100 programmes intéressants à diffuser et 5 chaînes, ça me fait une moyenne de 20 programmes potables par chaîne. Le spectateur raconte : « j’allume, c’est Derrick, merde, bon bah tant pis, je zappe sur une autre chaîne, y’aura peut être un doc intéressant ou un film ailleurs, je reviendrai ici après Derrick, ils vont quand même pas mettre une autre merde pareille après, tiens un doc sur les pingouins, bof, pourquoi pas, en attendant ».
Et ça veut dire que si j’ai 100 programmes, mais 100 chaînes au lieu de 20, ça fait 1 programme potable par chaîne. Le spectateur raconte : « j’allume, c’est Derrick, merde, je zappe, La petite maison dans la prairie, merde, je zappe, pub, pub, pub, pub, clips putassiers, merde, pub, énième rediff d’un machin d’enquête criminelle, pub, pub, tunnel d’épisodes de Friends, tunnel d’épisodes de Grey’s Anatomy, pub, pub, bon bah j’abandonne, y’a pas un DVD qui traîne ? »

Ca vous parle ?

Tempus fuckit

Continuons dans les maths de comptoir appliquées à la sociologie télévisuelle, et ajoutons une dimension au calcul : le temps, qui est en forme de flèche parce que c’est comme ça, c’est stylé, un point c’est tout.
A la fin des années 80, nous avons 6 chaînes de télévision gratuites en France. Parenthèse : je compte intentionnellement C+ comme gratuite car s’il y a essentiellement du contenu crypté, pas mal de contenu original est diffusé en clair, notamment Les Guignols, paix à leur âme. Parenthèse supplémentaire : "gratuit" est à comprendre comme « accessible sans surcoût », parce que les chaînes sont de toutes façons prépayées par la redevance et/ou la pub. Fin des parenthèses.
Années 80 : 6 chaînes de télé, et un certain nombre de gens dans la population, dont --nous l’avons dit précédemment-- une partie bosse à produire des contenus de qualité.
Trente ans plus tard, dans le courant des années 2010, nous avons… euh… une bonne trentaine de chaînes gratuites et un nombre certes plus élevé de gens dans la population, dont une partie proportionnellement similaire bosse à produire des contenus de qualité.
"Qu'est-ce qu'on regarde, ce soir ?
- La télécommande."

En 30 ans, ça fait 5 fois plus de chaînes. Mais pas 5 fois plus de spectateurs. Et certainement pas 5 fois plus de gens payés à produire du contenu qualitatif. Et plus que jamais, le charmant monde télévisuel s’étripe de son mieux à essayer de capter l’audience du spectateur pour mieux vendre son fameux temps de cerveau disponible aux annonceurs pour vendre des lessives, des bagnoles ou que sais-je.
Donc la tendance dans le temps de ma « moyenne des contenus valable disponibles » est en baisse constante.

Ainsi, aujourd’hui, toute personne cherchant dans un poste de télé autre chose qu’un moyen aseptisé de s’auto-trépaner pour vider sa cervelle d’un quotidien plus ou moins doux --quitte à la remplir alors avec de la merde, parce qu’il faut bien que des gens regardent les pubs entre deux vasouilleries d’Hanouna-- se retrouve à zapper, zapper, encore et encore, sans fin, jusqu'à abandonner sa quête du programme valable ou attirant son intérêt devant le défilé continuel des tunnels de pub et des programmes ultra délayés façon homéopathie genre « Plombiers de l’extrême : le défi ».
Et le spectateur de regarder son récepteur de TV d’un œil blasé et de se dire : « mais au fait, pourquoi je la paie, cette putain de redevance ? ».
Parce que, quand même, y’a la VOD, Netflix, HBO et tout ça.

Théorie

Pourquoi je vous parle de tout ça, moi ?

Pour expliquer le fondement de ma théorie : il existe, à un moment donné, une quantité finie de contenu valable et une quantité variable de contenants. Plus il y a de contenants, moins on y voit de contenu valable.

Je m’en aperçois alors que j’écris, l’allusion à l’homéopathie que j’ai faite ci-dessus est plus juste qu’il n’y paraît.
La médecine allopathique en atteste : une molécule seule de principe actif perdue dans 10 000 milliards de molécules de saccharose n’a pas d’effet thérapeutique démontrable. Ca n’empêche pas les tenants de l’homéopathie de dire que ça marche.
De même, la présence en quantité infinitésimale de contenu valable sert souvent de caution morale de « qualité » à des chaînes dont l’indigence globale saute aux yeux à la lecture des grilles de programme. En clair, s’il glisse sur D8 trois minutes de reportage sur une rétrospective Magritte dans un musée rénové de province, ça suffit au directeur d’antenne pour dire que sa chaîne parle de tout, y compris de culture. Même si c’était il y a 3 mois, dans l’édition de minuit du JT. D’ailleurs, y a-t-il un JT sur D8 ? J’en sais rien, et on s’en tape. C’est assez clair.

Chacun constate que D8 n’est pas une chaîne culturelle.
Car une minute valable noyée dans un siècle de bouse ne permet pas de dissiper le fumet nauséabond de la merdasse petitécranesque.

"Je n'ai jamais autorisé G4rF à mettre ma photo
sur son blog." (B. Benamran)
Corrollaire

De nouveau, où est-ce que je vous emmène, avec ça ?

A une réflexion personnelle qui s’est faite jour sous les quelques cheveux qui me restent, l’autre soir, alors que cherchant le sommeil en vain apparut sur l’écran la vidéo suivante : Vulgarizators – Bruce Benamran. Ceux qui ne connaissent pas ce bonhomme sont invités cordiablement (hé ouais, cordiaBlement, parce que je suis le genre de diable cordiale) à s’abonner à e-penser sur YouTube.

Si vous allez à 13’58’’ vous entendrez l’ami Bruce dire quelque chose qui m’a interpellé. Qu’il y a des cycles sur Internet. Pendant un moment, c’est des lolcats, et puis après c’est chaipuquois, et puis en ce moment c’est la culture et l’éducation.






Eurêka sous la chapka*

Et là, ça m’a percuté.
[AVERTISSEMENT : la phrase qui suit est fort longue, respirez un bon coup avant de plonger, merci]
Fort de ma théorie personnelle sur la dissolution de plus en plus profonde des contenus valables dans les canaux médiatiques gratuits aujourd’hui hyper multipliés, je tire le constat que si des gens comme Bruce Benamran, Patrick Baud, François Theurel, Usul, LinksTheSun, David Louapre et tant d’autres ont la cote en ce moment, c’est probablement parce que leurs productions mises à disposition sur les canaux de diffusion Internet sans passer par le filtre concurrentiel des tuyaux télévisés viennent épancher la soif de culture auquel le contenu valable télévisuel pouvait répondre à une époque, mais ne peut plus répondre parce qu’il est trop profondément dissous dans le jeu de l’audience, de la concurrence et de la rentabilité financière des programmes.
[AVERTISSEMENT : les phrases courtes recommencent, arrêtez d’hyperventiler]
"Who's that G4rF guy ? Any idea, John ?" (J. Stewart)
Là, je parle des français sur Internet, mais il en va de même outre-Atlantique depuis des années avec des programmes télévisuels accessibles sur des chaînes payantes. Le programme « Daily Show » de Comedy Central était un programme humoristique classique pendant des années, mais il est devenu sous l’impulsion de Jon Stewart pendant 16 ans une émission de satire tout à fait percutante et efficace. Il démontrait par la bande l’absurdité des politiques en place là où les medias traditionnels auraient dû le faire et ne le faisaient plus, pour cause de « political correctness ». Son successeur à la barre, Trevor Noah, poursuit dans cette veine et c’est tant mieux.
"Nope. Can't tell you who that is, Jon." (J. Oliver)
« LastWeekTonight », présentée par John Oliver sur HBO, présente des sujets complexes et le fait plutôt très bien (même si leur opinion sur le Brexit, ils auraient pu se la garder car je pense qu’ils se sont complètement gourrés, bien qu’Oliver soit britannique). Et ces sujets complexes ne sont pas boudés par les chaînes gratuites pour cause de trop grande complexité pour leur auditoire ou par défaut de temps d’antenne, mais parce qu’ils ont peur que les gens s’ennuient et zappent. Temps de cerveau disponible...

Revenons aux youtubeurs et assimilés : je ne doute pas que si on effectue l’exercice sur des gens de quelque nationalité que ce soit, qui décident de leur propre chef de proposer du contenu élaboré qu’ils commencent par fabriquer tout seul dans leur coin sur leur temps et avec leur pognon, le succès d’audience étant la seule sanction susceptible de s’abattre sur eux, on retrouvera quelque chose d’approchant.

C’est un fait que les audiences grandissantes des chaînes de vulgarisation démontrent : on va chercher sur les réseaux payants, Internet compris, les contenus qualitatifs que le gratuit ne propose plus à force de se diluer.


Contre-exemple ? Tu peux pas test !

Je mets ce constat à l’épreuve avec une émission de télévision qualitative récente disponible sur la télé gratuite.
"On utilise mon image sans mon consentement, sur ce blog."
(E. Lucet)
Cash Investigation. Challenge accepted.

Je ne m’étendrai pas sur le bien que je pense du programme, c’est assez évident. Je vais en dire un peu de mal, car il faut juger à charge comme à décharge.

Il y a des choses à dire sur le procédé, dont une principalement. On est à fond dans le storytelling façon « Erin Brokovitch » (le film, pas la meuf), c’est à dire un procédé visant à utiliser les ressorts scénaristiques et astuces de conteurs aguerris pour dérouler un tableau cohérent, scénarisé, avec un début, un milieu et une fin, des rebondissements, pour mettre en évidence sous forme d’apothéose la conclusion recherchée. Et surtout pour mener le spectateur à adhérer totalement aux propos tenus, ce qui est une forme de manipulation (à partir du moment où elle n’est pas assumée comme telle, c’est à dire où le programme ne commence pas par : « nous allons vous raconter une histoire »).
A cela, je dirais que ce n’est que justice. Vous le verrez vous-même si vous tentez comme je le fais de temps en temps de rallumer la télé pour voir si ça change dans le bon sens ou pas : de plus en plus de programmes ou sous-programmes officiels (je pense à « l’oeil du JT » de la 2, notamment), nous la jouent storytelling et nous prennent par la main pour raconter d’une voix docte des choses qui peuvent parfois s’avérer parfaitement fausses, mais qui donnent de la difficulté à être combattues parce que « c’était tellement bien dit ».
Donc, niquer les raconteurs d’histoires avec des tours de raconteurs d’histoires, c’est pas très moral, mais ce sont les premiers à tirer qui ont choisi les flingues.
Voilà pour le mal que j’avais à dire.
Il faut surtout retenir le principe fondateur de cette émission, qui est de ne pas prendre le spectateur pour un demeuré, de lui expliquer au maximum les tenants du sujet et leur articulation logique, d’apporter des éléments factuels et chiffrés à l’appui, de prendre le temps de montrer avec le recul nécessaire les implications de ces sujets forcément complexes, et d’amener le spectateur à former sa conclusion (qui sera la même que celle du journaliste, certes), et qui sera globalement « quelle belle bande de salauds ».


"Je n'ai pas demandé à apparaître sur cette page" (Usul)
On reprend point par point : parler aux gens comme à des adultes, détailler les problèmes et leurs articulations, donner des chiffres, prendre du temps… ça ressemblerait pas un petit peu à ces contenus fouillés que l’on trouve sur des chaînes YouTube comme celle(s) d’Usul depuis bien longtemps ?
Et d’ailleurs, en prenant encore un peu plus de recul, ce serait pas tout simplement du journalisme ? Du vrai ? Avec du boulot derrière et tout, où on ne se contente pas de lire 3 fiches et un article Wikipédia avant de demander à un pigiste de torcher le sujet pour faire bouche-trou dans le JT ?

Et pour recadrer cette émission là où j’effectue mon constat sur la culture et où nous allons la chercher, que voit-on sur les autres chaînes quand Cash Investigation passe ? Du divertissement. Du foot. Un épisode inédit d’une série que vous pourrez revoir à un autre moment, dans le meilleur des cas.
Bref, Cash Investigation est un îlot délicieux de l’archipel des Potables, au milieu de l’océan Moisi. CQFD.

Tendances et auto-guidage

De tout cela, on peut tirer deux tendances. Une inquiétante et une rassurante.

Inculture (allégorie)
La première, c’est que définitivement, il est absurde de faire confiance à la télévision pour contribuer même a minima à l’éducation continue des adultes de notre riant pays, ni d’ailleurs des autres pays dits « développés ».
Le règne de la boîte à con est à son apogée, et quiconque se laisse vider la cervelle pour la remplir de TPMP n’aura malheureusement que ce qu’il mérite, c’est-à-dire des anecdotes creuses à raconter pour faire rigoler les potes le jour même et encore, mais rien de durable, rien de palpable, rien sur quoi faire pousser autre chose que des champignons.

La deuxième, c’est qu’il existe une frange assez large de population, qui semble majoritairement regroupée dans les 18-25 ans mais pas seulement, et qui a décidé qu’elle était parfaitement capable d’aller chercher via des canaux de vulgarisation alternatifs (qui n’existaient pas quand j’avais leur âge) des choses pas connes et des idées pas simples. Et cela est possible tout simplement parce qu’il y a des gens qui ont pris le parti (au moins au départ) de la générosité et du travail désintéressé au service de l’amélioration de la connaissance générale.
Autrement dit, la culture G.

Problème, toutefois : il n’y a pas que de bonnes âmes qui publient des podcasts chiadés, mais également un lot de plus en plus massif de rubricards qui ne dépareilleraient pas le JT de 13h de TF1 et des putàclics prêts à tout monétiser une fois leur « trou » virtuel bien creusé.

Il faut donc s’en remettre, et c’est quasiment un acte de foi, à l’intelligence individuelle de la personne qui regarde et qui décide de zapper les vidéos conspirationnistes à 2 boules, mais également à l’intelligence collective des copains qui te disent « hé, t’es gentil, mais sur la vidéo que tu m’as recommandé, le mec il dit que de la merde, tu devrais aller voir Machin ou truc, c’est déjà vachement mieux foutu et moins fake ».
C’est un risque.
Mais je pense qu’on peut considérer ce risque comme modéré.
Après tout, les 18-25 ans dont je parle aujourd’hui, c’était les pré-ados et ados des années 2000. Quand je vois avec quelles merdes télévisuelles ils ont été bercés, quand je me rappelle le désolant niveau de connerie et de bassesse qui définissait déjà le standard des mass media de l’époque, je dois bien reconnaître que je n’aurai pas misé une clochette** sur ceux que j’imaginais rester décérébrés à vie.
My mistake, les jeunes gens, vous êtes nettement moins cons que je ne le craignais. Avec un peu de chance, on arrivera à faire de vous des abrutis comme moi. Peut-être même mieux.

Retour au sérieux.
Doit-on pour autant abandonner tout espoir de mettre gratuitement à portée du plus grand nombre des programmes qui soient « non-à chier » ?

Percer le plafond de verre médiatique

S’il est une chose certaine, c’est que ce mouvement de la culture G (dont les gisements se déplacent au fur et à mesure que les puissances de l’argent la repoussent de ses espaces privilégiés pour y implanter des usines à faire du fric avec les gens) est directement issu d’une orientation politique.

La privatisation des chaînes de télévision.
La mollesse proverbiale du CSA qui n’inflige que pas ou peu d’amendes et ne sait qu’admonester à mi-voix ceux qui font du buzz avec tout et n’importe quoi pour faire de l’audience.
Le haussement de sourcil de spectateur qui en a marre de zapper et se dit qu’il aimerait bien en avoir pour l’argent de sa redevance.
La baisse des budgets culturels.
Les cartes de presse données à des animateurs qui sont moins journalistes que moi.
Le risque issu de la présence de tant de contenus qualitatifs sur des plateformes pour l’instant gratuites (comme YouTube) mais qui t’infligent de plus en plus de pub avant de voir ta vidéo et qui sont mûes par des intérêts financiers privés.

Tout cela dessine un tableau particulier de laisser-aller complet.
Et cela montre aussi que la culture G, désertant les mass media faute d’espace où s’exprimer, devient inacessible à ceux qui vivent loin d’une connexion internet potable, à ceux qui sont trop vieux (dans leur tête ou leur corps) pour prendre le virage de la culture via web.
On crée des écarts, des fossés. Des « fractures » numériques, qui pour le coup deviennent plutôt des fractures culturelles.
C’est minable, surtout pour un pays riche dans lequel le temps d’antenne est disponible à foison.

Nico & Martin, les 2 bons copains.
Cela sert les intérêts des media dominants, puisque c’est leur modèle économique et qu’ils ont toujours (pour l’instant) autant de téléspectateurs.
Et quand on sait que les media dominants appartiennent aux dominants tout court, c’est à dire ceux qui ont assez d’argent pour se payer des chaînes de télé, des journaux, des radios, et pour beaucoup moins cher des hommes politiques dont certains deviennent président (coucou Martin Bouygues!), on constate que cette tectonique de la culture G va continuer à creuser la faille à moins d’un changement venu par le haut du pouvoir.
C’est à dire par ceux qui le détiennent vraiment, mais aujourd’hui n’en font rien : nous.

La leçon des campagnes Sanders et Mélenchon

Avril 2017, c’est demain, même si pour certains, demain c’est loin.

Sur le plan de l’éducation politique, on a une chance assez exceptionnelle cette année, c’est d’avoir encore dans nos mémoires de linotte le coup de tonnerre de l’élection Trump aux stazuni.

La plupart des français, enfin c’est mon sentiment issu du recueil des souhaits de mes entourages à ce moment, auraient vu d’un bon œil Bernie Sanders succéder à Obama.
Cela était devenu envisageable parce que Bernie Sanders a fait un truc nouveau : damer le pion à l’appareil médiatique dominant en faisant de l’éducation politique directe (ou de la propagande directe, question de point de vue) via internet.

Long story short, Bernie Sanders qui n’était pas officiellement intronisé par le parti démocrate s’est fait jeter par celui-ci au profit de Hillary Clinton (dans une primaire à laquelle 30 millions d’américains ont participé avec un système tordu de caucus et d’approbation, sur 251 millions d’électeurs au total). Et Hillary Clinton, avec 3 millions de voix de plus que Trump, perd les élections au profit de celui-ci.

Mais le fait intéressant est que Bernie Sanders, classé à gauche aux USA, a réussi à montrer qu’on pouvait intéresser les électeurs en leur parlant directement, et a constitué une vraie menace dans l’accession au pouvoir de Clinton (qui aurait sans doute mieux fait de laisser la place à Sanders). Le verrou médiatique empêchant un discours différent de passer a été contourné, de la même manière que la culture G le contourne chez nous.

Euh, Jean-Luc, tu t'es pas téléporté au bon endroit...
Côté politique, en France, en ce moment, Mélenchon suit un parcours semblable en terme d’accès le plus direct possible à ses soutiens potentiels via les réseaux sociaux, tout en s’efforçant de ne pas se faire piéger comme Sanders par le jeu de l’élection primaire et en essayant d’élargir l’audience de son programme.

Et ce faisant, il démontre quelque chose que ses compétiteurs à l’élection présidentielle française ont globalement mis de côté parce que trop gadget et pas assez sérieux : les voies d’information hors télévision sont devenus significatives et ont leur efficacité.
Ca peut d’ailleurs se voir par la place qu’a pris dans son meeting holographique le sujet des frontières du numérique et de la politique qu’il compte appliquer à ce sujet.

A part lui, à ma connaissance, aucun des candidats ayant une vraie chance de l’emporter dans le contexte actuel (je mets donc Philippe Poutou et Nathalie Arthaud de côté) n’envisage de façon concrète d’action politique cohérente sur les contenus culturels valables, leur disponibilité numérique et l’encouragement à produire de cette façon.

Où ira la culture G ensuite ?

L’exemple de Norman le montre déjà : placement de produit et accord publicitaire sont déjà susceptibles de gangréner les canaux alternatifs de production de contenu valable, et donc le numérique façon YouTube ou DailyMotion n’est pas le saint graal de la diffusion culturelle.

L’instauration de l’état d’urgence permanent en France, après Charlie Hebdo et le Bataclan, a montré que notre pays n’est pas plus à l’abri qu’une lointaine Corée du Nord d’un arbitraire d’état qui dure, qui dure, qui dure, et donc que rien dans l’appareil actuel ne nous prémunit non plus contre une censure plus ou moins profonde des contenus présentés sur les plateformes du web, car les partisans de l’agrément par le silence trouveront toujours des décideurs d’accord pour tirer d’abord et poser des questions ensuite.
La plaque du web est donc instable.

Avec la baisse des dotations d’état aux communes et la baisse des budgets culturels, les bibliothèques et médiathèques en prennent un coup puisque, en cas de crise, on commence toujours par tailler dans la culture.
Le continent du service public de la culture G est en voie de rétrécissement.

Et d’une façon plus générale, il faut s’inquiéter d’une orientation globale de société dans laquelle le maintien d’un certain niveau de culture générale et l’éducation permanente des adultes à la découverte et la compréhension du monde dans lequel ils vivent passent au second plan des préoccupations.
Cela nous dépossède de notre capacité, en tant que citoyen, à former un avis critique et éclairé, et ne nous laisse plus que des choix à la con écrits par quelqu’un d’autre, façon « Qui veut gagner des millions », dans lesquels il est de notoriété publique que les vrais gagnants sont très, très, très peu nombreux.
Je souhaite personnellement un tremblement de terre, une super éruption qui dégage l’espace encombré par des télé shoppings et des pseudo séries sans épaisseur pour que la culture G reprenne pied dans l’espace médiatique gratuit.
Vous, je sais pas, mais je verrai bien les vidéos d’Usul en première partie de soirée sur ma télé en clair, non ?

--G4rF--

* je présente mes excuses à mes lecteurs pour ce jeu de mots assez pourri, mais que je n’ai pas pu contenir d’avantage. En plus, j’aime pas ça, les chapka. Mais bon, c’est l’hiver, ça meule, alors j’y peux rien, ça a fait schboum là-d’dans.
** oui, parce que je joue à Animal Crossing sur la DS de ma gamine, et j’peux te dire que fabriquer un nouveau pont sur la rivière ça coûte un max de clochettes mon pote, alors t’as intérêt à faire du farming hardcore et plein d’excursions sur l’île avec Tortimer my nigga.