lundi 8 novembre 2010

Je hais le plancher

Oui. Je le dis bien haut, je l'affirme avec force, avec clarté et conviction : je hais le plancher. Je l'exècre, je l'abhorre, je l'honnis. Du haut de ma stature de bricoleur en phase intermédiaire (c'est à dire qui sait bosser proprement, mais en mettant pas mal de temps), je prends aujourd'hui toute la mesure du défi que représente la pose d'un plancher classique, dans l'environnement somme toute plutôt banal d'un domicile tel que le mien.

Je vais vous dire : j'en défèque des colonnes de Buren tellement c'est pénible. La tâche demande encore plus de patience que d'allumer sa télé, tomber sur un UMP ou un PS et se forcer à l'écouter.

C'est plus éprouvant que d'observer ou écouter Benjamin Lancar, le "président" des Jeunes Populaires, qui a le même rapport au bas peuple que les vassaux du thune-system qu'il singe à la perfection, tandis qu'il régurgite laborieusement les "éléments de langage" dictés par le haut (on dit "propagande" en bon français de France) à la face ébahie d'un auditeur bouleversé par une telle déférence et tant d'amour de la marionnette pour son marionnettiste, et tenter de trouver dans sa rhétorique au formol quelque chose qui ne hurle pas à la face du monde "CREVEZ SOUS LES PONTS, JE CREVERAI SOUS LE FRIC". C'est dire.

Il y avait longtemps que je ne m'étais pas laissé aller à la péroraison. J'aurais bien lâché un peu de fiel sur le sujet tronqué et honteusement présenté des retraites, d'ailleurs. Je suis personnellement convaincu que ce système, directement hérité du Conseil National de la Résistance qui fait ricaner Sarko sur le Plateau des Glières, a de beaux jours devant lui pour peu qu'on prenne la mesure de ce qu'il symbolise et tente d'appliquer : la fameuse Fraternité, le troisième "té" que ces années sombres laissent à son tour couler à pic au profit de la maxime libérale du 3ème millénaire, qui est "Moi d'abord".

La fraternité, ça coûte des ronds. La liberté aussi. Et l'égalité, pareil.

Ca doit être mon côté républicain qui s'exprime. Vous le savez, bande de malheureux qui gâchez vos bons yeux plein de tonus à déchiffrer mes élucubrations en blanc sur fond noir : je crois plus en la république qu'en la démocratie, je crois plus en l'humain qu'en la machine, je crois plus en l'optimisation qu'en la réforme. Et je sais que, quand la télé ou la presse gratos baratine le péquin moyen en présentant l'attirail législatif passé en force comme inéluctable et bon "parce que les autres l'ont fait", et que s'ensuivent des placards publicitaires ou des spots pour Malakoff Médéric et ses "produits financiers de retraite complémentaire" sous le haut patronage du frangin du président, bah ça ne doit rien au hasard.

Les retraites par répartition, c'est pas un cadeau, c'est pas une charge abominable, c'est un principe de société. Liberté, égalité, fraternité. Je ne laisserai pas mourir un petit vieux dans la misère avec 2 sous en poche sous le seul prétexte qu'il n'a jamais fait un boulot hautement qualifié. Je ne laisserai pas des citoyens dans la dèche parce que la société dans laquelle ils vivent ne leur fournit pas de boulot. Face à un délit, je ne mettrai pas en doute la parole du pauvre face au riche, parce que l'extraction sociale n'oblige pas le misérable à mentir et le pété de thune à être honnête. Ni l'inverse.

Et je n'exigerai pas des gens âgés qui ont bossé toute leur vie qu'ils continuent à chercher du boulot bien au delà de l'âge où ils peuvent espérer en trouver, sous prétexte de ne pas encore leur donner leurs allocs de retraite, alors que le pays croule sous le nombre des jeunes qualifiés et qu'on laisse au chômedu, et qui seraient peut être satisfaits, sait-on jamais, d'aller bosser pour payer la retraite de papa et/ou papy. Cette réforme est inégalitaire, elle est partiale et je la juge trompeuse : n'est-ce pas le candidat Sarkozy Nicolas qui jurait avant d'être élu qu'on ne toucherait pas à l'âge de la retraite, et qui renie la confiance que d'étranges hurluberlus ont pu avoir l'idée saugrenue de placer en lui quand il vient chier dans les bégonias de ses futurs retraités électeurs ? C'est pas comme on avait dit, hein ? Bah oui, faut pas donner sa voix à des menteurs. Je pense que le mensonge est constitué, là, non ?

Bref. Je m'égare. Manifestement. D'ailleurs, si je n'avais pas 2 mômes en bas âge et une femme se remettant tout doucement des effets induits de l'accouchement, j'irai manifester chaque fois que ça a lieu. Je l'ai déjà fait une fois cette année. Si je peux, j'y retourne. Mais là je peux pas, parce qu'il y a le plancher.

Je sais pas si je l'ai déjà dit, je hais le plancher. Et je hais les travaux. Depuis la fin 2009, qui a vu se produire dans mon chez-moi un dégât des eaux d'origine aérienne, j'ai dû faire face successivement aux travaux suivants :
- démontage d'une partie de rampant + isolation, pour accéder à la tuile qui fuyait
- réparation de la tuile
- démontage de salle de bains : exit le chiotte, ciao le lavabo, bye la baignoire et Auf Wiedersehn la douche. Ça, c'était pas trop dur, puisque tout ça était couleur Barbie tout pourri, alors virer ce merdier ne fut pas un déchirement.
- dégommage de la faïence murale, du sol plastique, puis du sol carrelé de la salle de bains touchée par la flotte
- à l'occasion d'un déplacement de meuble entre 2 pièces, enlevage de vieille moquette cradingue
- ponçage du plancher planqué par la moquette : je découvre des traces de présence de xylophages nombreux et organisés, dans tous les sols de l'étage
- ponçage de tous les planchers de l'étage, retrait d'une latte de plancher pour évaluer les dégâts : putain, c'est l'infestation
- découverte de xylophages dans des pièces de charpente => destruction de tous les rampants
- démontage des isolants
- nettoyage et aspersion d'insecticide sur toute la charpente cachée
- aspersion d'insecticide sur tous les planchers
- remplacement en urgence d'une deuxième tuile pétée
- perçage et passage de câbles électrique et réseau supplémentaires dans les pièces nues
- remise en place de l'isolant (mettez un masque avec la laine de verre, les mecs, ça arrache la gorge cette merde)
- rajout d'une couche d'isolant mince pour arrêter de perdre la chaleur en hiver, et éviter l'effet sauna en été dans les chambres de mes filles
- mise en place d'une ossature alu avec découpes à la con pour cause de Velux et de pièces mansardées, pour poser des plaques de plâtre
- installation du plâtre pour finir les rampants
- doublage des murs extérieurs avec une couche de plâtre en plus
- réfection d'un mur à moitié pété, bouffé d'humidité par le dégât des eaux
- enduit, lissage, finition, peinture sur les rampants
- appel au secours d'un couvreur pour dégommer une ex-cheminée branlante qui avait été pétée de l'intérieur par le proprio précédent, et qui n'attendait qu'un coup de vent assez fort pour venir s'écraser sur la tête d'un passant malheureux
- installation d'éclairage encastré, pour arrêter de me péter la tête sur les pauvres spots merdiques qui pendouillent des poutres
- calfatage, jointage et reponçage des planchers traités

Il me reste à jointer le plancher d'une pièce, à poser le plancher sur un palier pour remplacer les grosses planches d'agglo dégueu qui étaient là avant (et qui cachaient bien des solives toutes tordues, d'où la difficulté de pose, d'où ma haine pour le plancher), puis calfater, jointer ce qui ne l'est pas encore, poncer partout, peindre les sols partout (parce que sinon on verra les traces d'insecte, même bouchées avec la pâte à joint), poser des plinthes, les peindre, mettre en place les meubles, déménager mes gosses dans leurs piaules. Et évidemment, avec la pièce récupérée, tout recommencer pour avoir enfin un bureau bien bô et où on peut écrire, composer, mixer et travailler.

Du coup, même si j'arrive au bout du plus dur, je ne peux m'empêcher d'haïr le plancher qui me fait encore perdre du temps, de la sueur et des efforts. Si un jour mes filles me claquent que j'ai jamais rien fait pour elles, je crois que je leur ferai bouffer une latte ou deux. Pour qu'elles comprennent.

J'aime pas les travaux qui durent mille ans. J'aime pas en chier tout seul et en pointillés, entre deux biberons ou des jeux avec la plus grande. J'aime pas galérer à tout faire tout seul. Et surtout, surtout, j'aime plus les planchers.

C'est pourquoi je vais conclure avec un haïku instantané, intitulé

A coups de latte
Plancher dévoré
Luttant pour te restaurer
Kess que tu m'fais chier !

--G4rF--

PS : la prochaine fois, on parlera de sécurité sociale et de plomberie

mardi 2 novembre 2010

Que c'est bon !

Non, malgré ce titre racoleur, je ne vous parlerai pas de cul aujourd'hui. Je réserve cela pour une occasion où l'intimité entre toi et moi, ami(e) lecteur(trice), sera à son paroxysme. Comprendre : quand on sera comme 2 cons à lire ici ce que j'y écris, parce que tous les autres seront partis (les ingrats).

Non, non, ce titre évocateur de satisfaction rugissante et de jouissance mal contenue est là pour vous amener à aller voir ça. Ça, c'est une vidéo que Bakchich m'a convaincu d'aller voir.

Tout comme Claire Delavallée nous initiait en son temps à l'usage du propos xyloglotte, Franck Lepage nous y démontre avec brio, au cours de ce qu'il appelle une conférence gesticulée, que la novlangue est là, bien là. Fermement ancrée sur ses pattes courtaudes. Débitant sans mollir sa litanie vide de sens à nos oreilles fatiguées entre deux coupures pub et autres épisodes des Experts Clermont-Ferrand. Cachée derrière des noeuds de cravate, des tailleurs et des broches Chanel.

Je vous recommande également d'aller voir le site du Pavé, et de prendre les 83 minutes nécessaires pour digérer le spectacle "L'inculture" du même Franck Lepage, qui contient le segment précédent. La reconstitution d'Avignon est... que dire... épique ? Epique, oui. Et colégram. :-)

--G4rF--