mardi 13 décembre 2016

Faut pas y aller, c'est nul (et y'a pas d'alcool)

Amis des relations textuelles épisodiques, bonsoir.
"Faut pas y aller, M'sieur Mélenchon !"

Désolé de me faire si rare, c'est une bizarrerie qui m'arrive ces derniers temps puisque j'ai déménagé loin de mon chez-moi historique, je suis en plein emménagement depuis bientôt 4 mois, et en même temps en train de lancer mon activité en freelance, et je suis aussi en train de me remettre la tête à l'endroit après 6 ans et des patates à bosser chez les dingues.
Je suis en train de comprendre qu'il faut vraiment que je lâche mon portable, que je relise des bouquins et des journaux, que je me pousse au cul pour avoir une activité créatrice, bref que je me rende les moyens de faire bien les choses.

Pour mon retour à la vie chronicale (oui, c'est un néologisme, ce sera pas le dernier, na), un p'tit billet vite écrit, vite lu.

Être sans-grade au 21ème siècle (allégorie)

Une question agite actuellement le bocal de nombre de contempteurs du processus politique engagé dans le cadre des présidentielles de 2017 par les partis qui se relaient au pouvoir depuis bientôt 40 ans dans un ping-pong merdique où nous, les couillons d'électeurs, tenons malgré nous le rôle de la balle : on se prend des coups à chaque aller-retour, et chaque point marqué par un camp finit comme un poing dans nos tronches.

Ouille.


Cette interrogation vibrante est la suivante : "pourquoi Mélenchon, qui paraît si bien parti pour représenter une large part de l'électorat de gauche, ne participe-t-il pas à la primaire de gauche ?".

Certains finissent même cette question par la forte exclamation suivante : "..., bordel de merde !", avant d'aller pester contre la racaille des assistés tout en citant des noms d'allocations dont ils ont entendu parler dans Valeurs actuelles ou Challenges, des revues d'une très haute valeur puisqu'avec un seul numéro de Valeurs actuelles on peut facilement allumer 5 feux de cheminée et il reste encore un peu de papier pour caler un pied de table.

Toi qui me lis, sache que cette question, je me la suis moi-même posée, dans un accès de schizophrénie somme toute flippant.
Mais comme dirait Desproges, je suis quand même le mieux placé pour savoir, au fond, à quoi JE pense. Du coup, j'ai réchéfli. J'ai beaaaaauuuuuucooooouuuup réchéfli.
Et maintenant que j'ai bien violenté messieurs Bled et Bescherelle (avec mon réchéflissement) voilà ce que j'en dis, moi, de cette question.

Il a raison de s'en tenir éloigné. Foutrement raison.

D'abord, parce qu'il ne s'agit pas d'une élection représentative.
A la primaire, seuls les électeurs volontaires acceptant de payer peuvent exprimer un choix qui s'imposerait alors (au nom de quelle loi, sinon la loi du milieu politique ?) à tous ceux qui n'ont pas jugé utile d'y aller voter. Vachement propre, vachement juste, tout dans la finesse et dans l'élégance, le procédé.

Ensuite, parce que le terme "gauche" est fort mal employé dans ce contexte.
Notamment quand on voit que le PS est le chef d'orchestre/promoteur de ce... euh... de ce truc.

Petit retour historique : depuis 1981 avec l'avènement de Tonton Mitterrand, le PS a renié petit à petit tout ce qui faisait l'héritage du socialisme en tant que valeur-socle d'un modèle de société, pour céder à tous les caprices des (néo)libéraux.
Aujourd'hui, on constate que le PS, qui fut un temps au pouvoir dans tous les niveaux de l'appareil d'état, gouvernement + assemblées + régions, a appliqué à un chouïa non significatif près la même politique que les sarkozystes qui l'ont précédé.
Parenthèse : dans le style "j'oublie d'où je viens", les sarkozystes aussi étaient nettement différenciés, dans leur vision de l'héritage politique, des gaullistes dont ils se revendiquaient au départ. A ce sujet, et pour mémoire, De Gaulle avait envoyé péter sèchement les USA et leur OTAN, Chirac ne voulait pas en entendre parler... et c'est Sarkozy qui nous y a intégré, en as absolu du retournement de veste qui dans le même temps politique pouvait déclarer via un de ses faire-valoir que son objectif c'était d'en finir avec le programme "les jours heureux" du Conseil National de la Résistance, puis aller faire son homme de valeurs universelles de résistance en allant planter ses talonnettes sur le plateau des Glières.

Le PS n'est plus un parti de gauche. Ce n'est pas non plus un parti de droite, attention.
Naufrageur, c'est un métier.
Non, c'est un parti de néolibéralisme capitaliste sans limite, promouvant un modèle de société imaginé dans les années 30 à l'école de Fribourg --l'ordolibéralisme-- et qui s'avère totalement insoutenable dans un monde aux ressources finies mais à la voracité infinie, où la "bienveillante autorité supérieure" que supposait la théorie ordolibérale est gangrénée par l'accrochage aux plus hautes branches du pouvoir de prédateurs qui se foutent totalement de fracasser le pays sur des récifs si ça peut leur rapporter de la thune quand ils pilleront l'épave.

La présence d'un parti "hors gauche" à des primaires réputées "de gauche" implique que les autres candidats de la primaire acceptent de se soumettre, en cas de victoire du candidat PS, à un idéal politique qui s'essuie les pieds sur le leur.
Pour toute personne se reconnaissant dans des valeurs de gauche, c'est donc un contresens d'y participer.


Troisièmement, parce qu'il me semble relever un consensus dans l'opinion. Ce consensus s'articule comme suit.

Premier point, l'aile gauche du peuple français ne reconnaît pas en Fillon un représentant crédible de l'aile droite du peuple.
Deuxième point, une bonne part des entrepreneurs et de ce qui constitue le "fonds de commerce" habituel de la droite traditionnelle (en mode travail, famille, patrie, non pas façon Pétain, mais façon de La Rocque) ne se reconnaît pas dans l'hyper libéralisme et la destruction des filets de sécurité sociaux français que Fillon promeut, parce qu'ils savent bien qu'ils ont une utilité même s'ils estiment que trop de gens en abusent.
Troisième point, du côté des plus extrêmes, ils ne reconnaissent pas non plus la valeur de Fillon : le FN, qui est de droite extrême, n'a pas été convié à ma connaissance à la primaire de la droite. Ceux qui soutiennent l'héritière de Saint-Cloud peuvent donc se sentir lésés quand on présente Fillon comme le porteur unique et "validé démocratiquement" des idées de droite.

Politique française : le jeu des vieilles ficelles

Il en ressort que si une large part des français pense que le gagnant de la primaire de droite n'est pas un représentant fiable de l'aile droite du peuple et de son "projet", on peut supposer que si Mélenchon gagnait la primaire de "gauche", une large part des français serait légitime à ne pas voir en lui un représentant fiable de l'aile gauche.


Le seul intérêt de l'exercice serait de démontrer par l'absurde la médiocrité du processus de désignation par primaires : pour moi, qui ait la conviction que Mélenchon porte le meilleur programme de société que j'ai lu depuis des années, le fait qu'il puisse gagner la primaire de "gauche" et qu'il en sorte affaibli en serait la preuve la plus éclatante.


Enfin, avec un peu plus de cynisme et en restant plus près des réalités de terrain, il y a aujourd'hui tellement peu de formations politiques qui acceptent de jouer le jeu merdique du PS et de leurs primaires que ce qui devrait être, dans l'idéal, un exercice de confrontation de tendances multiples visant à produire par le débat et le choix du peuple souverain une candidature solide prête à exercer la plus haute mandature, va finir par être un tournoi de foot où seule l'équipe organisatrice est inscrite.
Et où elle gagne.
Par forfait.
Ce qu'il conviendrait donc d'appeler une forfaiture...


J'achèverai en soulignant que Mélenchon a annoncé à de nombreuses reprises qu'il ne participerait pas à ces primaires.
Un renoncement à ce principe fondateur de non-collusion avec l'appareil dominant, même s'il lui offrait des possibilités crédibles de sortir gagnant du scrutin perlimpinpin de la primaire PS, lui coûterait la confiance de ceux qui soutiennent la France Insoumise depuis le début.
Ce serait faire acte de compromission avec ceux-là même dont il dénonce la stratégie de compromis permanent avec tout ce qui leur permet de s'accrocher au pouvoir, en dépit des malheurs qu'ils infligent au peuple et du danger climatique qu'ils laissent venir sans se remuer le train.
Ce serait la fin de la candidature Mélenchon, et sans doute aussi celle de la France Insoumise qui, si elle partage les idées de son candidat, n'a pas selon moi de joker dans sa manche pour le remplacer en cas de trahison de celui-ci.
--G4rF--

jeudi 16 juin 2016

Poème express

Nation

Un peuple en déshérence
Guidé sans référence
Par les incompétences
Des grands rois du non-sens
Ce peuple c’est la France

Qui oublie trop sa chance :
Liberté, son essence,
Egalité, conscience,
Fraternité, puissance,
Ce peuple c’est la France.

Noyés de bien-pensance
Au lieu de bienveillance,
Humiliés d’indécence
Des teneurs de créance,
Ce peuple c’est la France

De couleurs, toutes les nuances
Toutes les fois, toutes les sciences,
Il le sait d’expérience
Il doit dire la souffrance
Ce peuple c’est la France.

Mépris des gouvernances
Eprises de déchéance
Confites de suffisance
D’inhumaine malveillance
Qui font souffrir la France.

Il n’y a plus de patience
Il n’y a plus d’insouciance
Il n’y a plus de confiance
Le poids des impudences
Fait chanceler la France

Reste alors l’évidence
Ce n’est pas la malchance
Mais la haute délinquance
Des fous de la finance
Qui la détruit, la France

Et le peuple se dépense
Organise sa défense
Contre la présidence
Des riches décadences
Elle se réveille, la France


Elle se réveille, ma France


Elle se réveille, ta France.


--G4rF--

vendredi 20 mai 2016

Appellare flicum ?

Le choix des armes
Étrange pays que le nôtre.
Étrange terre, qui a vu se dérouler le pire et le meilleur dans une histoire maintenant connue et accessible à tous, qui a vu pousser des idées formidables et des infamies sans non, une terre qui devrait donc apprendre à ses enfants que rien n'est jamais tout blanc ou tout noir et que la simplicité des discours cache souvent le manque de profondeur des débats.

Et pourtant, dans le discours médiatique dominant, on nous demande toujours de choisir entre deux camps, de prendre parti pour les uns contre les autres, quand bien même ces camps, composés de citoyens partageant le même problème (en résumé : "PAS CONTENT !") gagneraient à additionner leurs forces plutôt que les soustraire.

Illustration à ma façon.

~ Où l'on applaudit des flics ~
Il y a quelques temps, souviens-toi, dans notre riante capitale, des journalistes et dessinateurs d'un hebdo satirique se faisaient dessouder au nom d'Allah (qui n'avait a priori rien demandé de tel et se porte très bien même quand on le moque).
Consternation mondialisée, peine orchestrée, récupération organisée au plus haut niveau, et 4 millions de personnes défilaient dans Paris, précédés par des chefs d'état qui n'étaient, au mieux, que des suiveurs.

Population unie dans un élan de solidarité non feinte (pour la plupart), on a vu se produire une curiosité exceptionnelle, car des policiers ont été applaudis par les manifestants.

Il faut dire que les flics ont payé un très lourd tribut à l'occasion de ces attentats, et que (comme souvent) ceux qui sont tombés et ont perdu la vie ont eu une attitude nettement plus honorable que leurs divers chefs et représentants qui les encensèrent à l'heure du tombeau.
Donc, je résume façon TF1 : 4 millions de personnes et des flics qu'on aime.

Où l'on maudit des flics ~
Aujourd'hui, comme cela a lieu chaque jour depuis la fin du mois de Mars 2016, des manifestants et des protestataires de toutes chapelles s'insurgent en public contre la loi travail du gouvernement Hollande (soyons clair : Valls est un pion, tout comme Fillon l'était à son tour, dans cette nouvelle mouture de monarchie républicaine. Donc, c'est le gouvernement Hollande).
En marge de ces manifestations, des "casseurs". Je mets les guillemets parce que, quand j'étais môme, on parlait de vandale, et c'est toujours sous ce terme que leurs actes sont sanctionnés en justice.
Car il existe une catégorie bien particulière de français de rue : des gens qui profitent de la grogne populaire et de sa manifestation publique pour aller, visage masqué et bien planqués au coeur des défilés, balancer des caillasses dans les vitrines, faire des rapines, jeter des trucs sur les CRS, bref, foutre le bordel avec un mépris profond pour la cause des manifestants et pour ceux dont la mission est, entre autres, de les protéger, j'ai nommé les CRS.

La castagne s'installe à un tel point que de nombreuses personnes, aspirant noblement à faire valoir le droit républicain à la manifestation, hésitent, car elles ont peur de se retrouver prises dans la nasse comme au pont d'Austerlitz, entre vandales surchauffés et escouades en armure à bouts d'énergie et de nerfs, tous prêts à en découdre.
Avec les inévitables dérapages dont cette image n'est qu'une illustration : bataillon de soldat casqué en armure équipé pour la baston d'un côté, quidams désarmés et bordéliques de l'autre.
Donc, je résume façon BFMTV : quelques centaines de milliers de manifestants (en cumul), et des flics qu'on déteste.

Pour ou contre, pas de nuance ? ~
"T'as de beaux yeux, tu sais."
Que l'on se tourne d'un côté ou de l'autre, on ne pourrait donc se ranger qu'au sein de deux réactions standardisées possibles : on est soit avec les manifestants et contre la police, soit avec la police et contre les manifestants.
C'est d'une stupidité infinie, et comme toujours le diable est dans les détails.

En effet, la réalité ayant le goût douteux d'être un peu plus complexe qu'une mise à jour de statut Facebook disant, au pif, "le gouvernement envoie les flics tabasser les manifestants" pour les uns, ou "partage si tu aimes la police" pour les autres, rappelons ces quelques faits.


Pour ce qui concerne l'actualité :



  • la loi travail pose un problème de société d'une échelle nettement plus large que la tragédie de Charlie Hebdo, et la remise en cause totale des fondements même du code du travail qu'elle engage devrait légitimement mettre TOUS les français dans la rue, car elle menace leur emploi actuel et leur possibilité d'en avoir un meilleur dans le futur.
    En ces temps de repli sur soi et de frilosité citoyenne, bien explicable de la part de gens qui veulent revenir à la maison le soir avec tous leurs morceaux en place, qui ont peur de perdre leur travail en usant de leurs droits citoyens, et à qui les gouvernements successifs mentent effrontément et de plus en plus fort depuis bientôt 40 ans (je parle de ce que je connais) ce qui les dégoûte fatalement de toute idée de s'impliquer, c'est pas étonnant que peu de personnes se bougent.
  • Il serait toutefois gravement crétin de sous-estimer le problème en réduisant les opposants à la loi travail aux seuls manifestants.
    Une lecture attentive des termes du projet de loi, qui provoque des levées de bouclier de tous les côtés de l'hémicycle, amène immédiatement à comprendre que le gouvernement espère (sincèrement ?) entraver la hausse du chômage en... facilitant la fabrication des chômeurs. Soit une mesure au mieux inefficace, mais en tout cas inadaptée, puisque le problème des employeurs n'est au fond pas d'avoir des salariés en trop, mais d'avoir du boulot à leur donner et les moyens de les payer.

    Si on considère les risques encourus, en temps de crise, par un salarié du privé, avec la précarité qui lui pend au nez s'il fait valoir ses droits citoyens en posant problème à son employeur par sa participation à une grève pour dénoncer la stupidité du procédé et la reddition du code de travail devant les revendications du MEDEF, on comprend vite que tous ceux qui n'aiment pas cette loi ne peuvent s'offrir le luxe d'aller dans la rue avec les autres.
    Seuls certains "privilégiés", dont moi actuellement, peuvent y aller et tenter de leur mieux de représenter cette majorité forcée au silence.

  • la loi travail n'est que la partie émergée de l'iceberg.
    Une brève consultation de la définition du concept d'ordo-libéralisme suffira à quiconque me lit à se rendre compte que les politiques menées sous les 2 derniers présidents (pour ne parler que de ceux-là) marquent une sujétion totale à la politique européenne majoritaire, politique ordo-libérale à 100%, qui nie fondamentalement la capacité d'un citoyen à s'emparer d'un sujet de fond s'il ne fait pas préalablement partie d'une élite réputée qualifiée pour le faire.

    Parenthèse intellectuelle et partisane : c'est pas parce que je ne suis pas boulanger que je ne sais pas reconnaître un croissant dégueulasse quand je le mange, c'est pas parce que je ne suis pas musicien que ça m'empêche d'apprécier la richesse d'un compositeur et la pauvreté d'un autre. Par le même principe, je suis autant qualifié que n'importe qui, en tant que citoyen non élitoïde, pour dire que mon pays va mal quand il va mal.

    C'est donc la totalité de la pratique politique qui a court en ces jours de fin de la Vème république qui est remise en cause par les manifestants, dont le mouvement "Nuit debout" me semble constituer un exemple très pertinent de tentative d'autonomie politique citoyenne.


Les français et le(ur)s forces de l'ordre ~
Pour ce qui relève d'un ordre plus général, je relève que les français ne détestent pas vraiment les flics, mais ils détestent vraiment les sales boulots qu'on leur fait faire, et ils détestent encore plus les abus de pouvoir qu'ils peuvent commettre sans être sérieusement inquiétés :
  • quiconque a déjà été victime d'un vol, d'un cambriolage, d'une agression, peut témoigner du fait qu'on a, dans ces moments-là, les plus hautes attentes et le plus vif besoin des forces de l'ordre.
  • quiconque a déjà été victime d'un zèle forcené de la part d'un képi, lors d'un contrôle au péage ou au bord de la route, a déjà eu le déplaisir d'être fouillé 5 ou 6 fois dans la même journée parce qu'il a une sale tête de non-caucasien, a, dans ces moments-là, les plus basses pensées et le plus vif dégoût des forces de l'ordre.
Dans les deux cas, ça se justifie. Ce n'est donc pas la police, en soi, le problème, mais le contexte qui amène à la rencontrer.
 
Bien qu'étant fondamentalement de mauvaise foi, le français moyen sait faire la différence entre le policier d'il y a trente ou quarante ans, avec qui il semblait généralement possible de discuter même quand on était en infraction évidente, et celui d'aujourd'hui, avec qui même si on est en règle, on est en flippe parce qu'avant même de le croiser, il fait peur.

Traduction bisounours : dans un pays normal, ce sont les méchants qui doivent avoir peur du flic.
Moi qui n'ai à peu près aucune saloperie à me reprocher, je ne dois pas avoir peur des forces de l'ordre, et pourtant elles me foutent la pétoche parce que je suis plutôt bien informé et je sais quelles bassesses elles peuvent se permettre sans être inquiétées, ce qui est totalement anormal.

Petit rappel : la répression des manifs,
ça existe, et ça fait des morts.
Mon ancien stagiaire Guillaume, avec sa face de métis qu'il n'avait pas choisi, m'a raconté par le menu ses rencontres déplaisantes avec les douaniers, les policiers, les gendarmes, la brigade du rail... contrôle au faciès, harcèlement, questions déplacées, comportement irrespectueux et familiarités dégradantes, il a eu droit à tout.
Or, c'était un étudiant en informatique parfaitement banal, habillé comme moi, qui comme moi se tapait les trajets depuis sa banlieue pourrie pour venir bosser tous les jours, à l'heure.
Ni pire ni meilleur que ses concitoyens, il n'avait qu'un seul défaut : une peau pas blanche, qui le faisait catégoriser rapidement comme BDM (accrochez vous pour l'acronyme gerbant, ça veut dire "bougnoule de merde", et y'a vraiment des gens dans les forces de l'ordre qui utilisent ce terme et ne se mettent pas à vomir de suite). A sa place, j'aurais pété les plombs plus d'une fois, et j'aurai fini avec des dents en moins au fond d'une cellule, c'est évident.

La cause première de ce qu'il a subi est la nécessité pour les agents du maintien de l'ordre de remplir leurs stats d'un max d'infractions constatées. Or, dans un système comme le nôtre, pas mal de flics fonctionnent en mode "il y a plus de délits chez les non-blancs, donc je contrôle les non-blancs", et si je trouve des délits en contrôlant surtout des non-blancs, ça prouve mon postulat de départ, du coup je contrôle encore plus les non-blancs... Vous voyez où ça coince ? Ce système qui s'alimente lui-même ?

On appelle ça un biais statistique, chez ceux qui s'intéressent aux chiffres et à l'art de leur faire dire tout et n'importe quoi. Et c'est là, selon moi, la cause d'une peur du flic légitimement ancrée chez ceux qui se sentent obligés d'avoir leurs papiers sur eux en permanence pour pas finir au comico à cause du besoin de chiffres des gradés.

Soyons précis, je ne veux pas dire qu'il faut nier la sur- ou sous-représentation d'une partie de la population dans tel ou tel type de délinquance ou de criminalité, et faire preuve d'un angélisme imbécile au bénéfice des "pauvres jeunes des banlieues" ou je ne sais quel concept prémâché pour feignasse qui ne veut pas s'embarrasser des détails et de la complexité de la situation de chacun.
Mais je veux dire que le boulot de la police est de coincer les délinquants, d'où qu'ils viennent, riches ou pauvres, blancs ou pas, et de les amener devant la justice, sans préjugé. Or, dans "préjugé", il y a "jugé", et ça, c'est pas le job du flic.
On pourrait poursuivre avec intérêt le débat sur la difficulté à faire rendre la justice, dont les moyens sont aussi risibles, mais ce n'est pas mon sujet du jour.

Je t'aime, moi non plus ~
Bref.
La maréchaussée, la police nationale, la maison poulaga, la gendarmerie, les flics, les képis, les schmits, les bleus, les poulets... on les appelle comme on veut, mais il reste qu'on a autant besoin d'eux qu'on déteste les avoir en face.

Pourquoi ?
Parce qu'au delà des considérations particulières vues ci-dessus, le français moyen n'est pas en situation d'équilibre face aux représentants de l'ordre.

Pourquoi ce déséquilibre ?
Parce qu'aujourd'hui, ce n'est pas l'ordre républicain que les forces de l'ordre maintiennent, mais l'ordre quasi féodal et antidémocratique qui place les puissants et les "fils de" au dessus des lois et le justiciable lambda au niveau des sous-merdes (t'as qu'à voir comment un petit voleur se prend 2 mois fermes pour avoir fauché du riz et comment un ancien ministre de l'intérieur se permet d'engueuler des flics alors qu'il s'est fait pincer à 170 km/h).
Dans un pays de droit, cela ne devrait pas exister. Et pourtant, cela existe (et, il faut le dire, il y a autant de flics qui font ce qu'ils peuvent pour éviter ces saloperies qu'il y en a pour les multiplier).

Pourquoi cette corruption de la mission première du maintien de l'ordre ?
Parce que la France ne donne pas au policier la possibilité de refuser l'obéissance à un ordre contraire au sens de sa mission première.
Parce que la France ne donne aucun espoir au citoyen lambda de faire valoir ses droits face à un abus des forces de l'ordre (comment dénoncer l'excès de pouvoir d'un flic quand le premier pas pour porter plainte, c'est d'aller au comico ?).
Parce que la France, aujourd'hui, place le policier judiciairement au dessus des citoyens, professionnellement au dessous des citoyens (car le flic mécontent de ses conditions de travail n'a même pas le droit d'ouvrir sa gueule, d'où notamment un taux de suicide énorme), alors que dans un cas comme dans l'autre, et par définition même, la place du policier est au milieu des citoyens.

Le prix du pouvoir : l'exemplarité ~
Voilà un point crucial du problème.
Pour citer du Audiard, "la justice, c'est comme la Sainte Vierge. Si on la voit pas de temps en temps, le doute s'installe.".
Or il semble que la justice soit partie en congé maladie longue durée dans notre riante contrée aux 400 fromages et aux dizaines de procédures rejetées contre des violences policières, même filmées, même avec témoins.
Cela doit cesser si l'on veut espérer rendre son honneur et sa capacité d'action à la profession du maintien de l'ordre dans son entièreté. C'est, fort heureusement, dans ce sens que l'ONU tance la France, pour son abus de cette force dont, il n'y a pas si longtemps, une ancienne ministre des affaires étrangères vantait le potentiel pour mater la rébellion de l'autre côté de la méditerranée, marquant de nouveau la manipulation politicienne qui est au cœur aujourd'hui du schisme entre police et citoyens.

Le dilemme d'être flic ~
Toutefois, il serait über crétin de résumer la problématique à l'aspect intouchable du flic. C'est bien plus profond que cela.
Grattez un peu autour de vous, parlez-en à ceux qui sont dans la profession, et vous obtiendrez le même son de cloche. Être policier, gendarme, CRS ou autre, aujourd'hui, en France, c'est être écartelé entre :
  • une vocation personnelle et/ou une nécessité alimentaire, pour nourrir la famille et les petits ;
  • des exigences de rentabilité professionnelle totalement stupides (quotas d'infraction et primes de performance) et en opposition complète avec la mission du maintien de l'ordre, qui n'a pas besoin qu'on multiplie les délits mais que ceux-ci soient, au moins, maintenus sous un seuil jugé tolérable par la société civile ;
  • un déficit absolu de matériel de travail permettant de bosser normalement.
    Là je pense à mon cousin gendarme qui a raté son départ pour notre réunion de famille parce que sa bagnole de fonction, à l'agonie à force de mauvais entretien et d'usage excessif, est tombée en rade sur l'autoroute alors qu'il emmenait un détenu à une audience.
    Je pense à mon petit cousin qui est en train d'entrer dans la profession et qui déchantera assez vite en constatant à quel point les décideurs politiques se foutent de la gueule du terrain, y compris chez ceux qui les défendent.
    Je pense au fils d'une de mes collègues, dans la gendarmerie mobile, trimballé de gauche et de droite à longueur d'année, saturé d'heures supp' qui ne seront pas payées, obligé récemment de dormir dans des gourbis sordides avec trente collègues et deux douches (dont deux en panne) pour couvrir le trajet des vrombissants diesels des chefs d'Etat venus faire semblant de sauver le monde à la COP21 sous l'œil des caméras.
    Je pense à ces dossiers régulièrement sortis par le Canard Enchaîné, sur la souricière du Palais de Justice à Paris aux murs couverts de merde et envahie par les rats faute de budget et de personnel pour nettoyer, à ces commissariats de banlieue logés dans des Algeco miteux depuis 20 ans parce que les travaux des bâtiments, confiés à un prestataire à bas prix, ne sont jamais terminés...
    Je pense à ce gendarme, qui tapait mon dépôt de plainte avec un seul doigt de chaque main, et dont j'ai fini par prendre le clavier pour en finir plus vite, et qui m'a expliqué tout simplement devant mon air mi-moqueur mi-désespéré qu'on lui avait collé l'outil informatique dans les pattes un jour sans jamais le former à son emploi.
    Je pense à tous ces agents qui doivent s'acheter leurs gants, leurs bottes, leurs casques, leurs gilets pare-balles parfois, parce que la dotation en équipement est misérable et les enverrai à poil sur le terrain si ça pouvait donner l'illusion d'une bonne maîtrise budgétaire quand on présente les chiffres au ministère.
  • le respect dû à la hiérarchie qui est une composante centrale, depuis des millénaires, de toute organisation militaire ou paramilitaire, et qui est à la fois un atout organisationnel pour la productivité et un défaut criant pour la correction des dérives venues du haut ;
  • le mépris évident, constaté aujourd'hui, de ladite hiérarchie pour les agents de terrain et leurs revendications légitimes ;
  • la prise de risque personnel ;
  • la rémunération largement insuffisante pour compenser la difficulté du travail et cette prise de risque, d'où frustration, déprime, séparations, tentation de croquer pour arrondir les fins de mois...
Mon opinion sur la police, c'est que dans un monde comme le nôtre, avec une population comme la nôtre, elle est un mal nécessaire. On aimerait tous ne pas avoir besoin de police, mais nous savons tous que le revers du libre-arbitre (qui permet de faire ce qu'on veut) est le pouvoir de nuire aux autres.
Donc, tant que les humains seront des connards, il faudra des flics (en espérant que ceux-ci comptent dans leurs rangs aussi peu de connards que possible, mais dans ce métier comme ailleurs, c'est pas gagné).
Ils valent mieux que ça, eux aussi ~
Le dernier billet radio de Nicole Ferroni à ce sujet en dit long, et je suis bien d'accord avec elle.
Être flic, aujourd'hui, que l'on y soit pour le plaisir d'être du bon côté de la matraque ou parce qu'on a foi en la nécessité d'une force maintenant l'ordre républicain dans la société française, c'est donc faire le grand écart sur deux orteils, au dessus d'une fosse de lave pleine d'alligators mutants, et sous une pluie de clous et de bris de verre.

Alors que faire, quand dans un pays, deux tranches distinctes de population sont mises, par la force du discours médiatique dominant, face à face, en position d'ennemis, alors qu'elles sont en faites soumises toutes deux malgré elles à des impératifs et des pressions insoutenables ?

Tous ensemble, ouais ? Ça s'envisage... ~
Il n'y a selon moi que deux manières dont les choses peuvent évoluer : soit on explose, soit on compose.

L'explosion, c'est ce qui arrangerait bien les politiques irresponsables qui, à l'abri de la fureur de la rue et des rigueurs des lendemains qui déchantent, persistent à jouer à qui perd gagne avec l'argent du contribuable et avec l'avenir de nos enfants, au bénéfice unique d'une poignée d'hypernantis qui n'ont, définitivement, pas besoin de plus d'argent mais en réclament quand même, alors que la population autour d'eux patauge dans une merde qui monte de plus en plus haut et en a déjà noyé plus d'un.

Suivant le principe décrit dans un cahier sorti tout droit de l'OCDE, et que nous citions à l'époque des Gilets Jaunes, le rouleau compresseur des réformes dégueulasses poursuit en France son travail de sape en rajoutant une nouvelle saloperie austéritaire de plus sur le chemin du peuple pour faire oublier la précédente, aidé en cela par des télés et radios gluantes d'indigence et d'une déférence fécale pour le pouvoir en place.

L'idée poursuivie ? Une "relance économique" structurellement impossible à créer, car le traité de Lisbonne a retiré aux pays d'Europe leur capacité à se sauver eux-même de la mouise en les inféodant aux banques privées (qui, elles, n'ont aucun scrupule à nous la mettre profond, quelques années à peine après avoir pleuré pour être sauvées sur des deniers publics).

Ce chemin, c'est celui de l'explosion.
C'est celui que dénonce, entre autres, Nuit Debout.

La composition, c'est ce qui arrangerait bien la république, la vraie, celle du peuple, celle qui est la somme de tous ses concitoyens, depuis la plus vile sous-merde profitant d'une manif pour envoyer des pavés dans la gueule d'un flic jusqu'à ses plus brillants esprits qui, depuis le début, ne martèlent qu'un seul mot : rassemblement.

Il y a 3 ans de cela, une manifestation en Italie voyait les policiers faire un geste de solidarité envers les manifestants, contre la politique austéritaire, dont la loi travail n'est chez nous qu'un nouvel avatar. C'était de la composition. C'était beau. On en redemande.

~ Ma liste au Père Noël ~
J'aimerais, aux prochaines manifestations, voir de ci de là des gens aller faire coucou aux agents des forces de l'ordre. Non pas par obéissance ou déférence, mais par simple respect pour le boulot de merde qu'ils se tapent, car ils n'ont pas voulu être là non plus.
J'aimerais, aux prochaines manifestations, que la police n'attende pas de ses supérieurs des ordres qui ne viendront jamais et aille pincer les vandales dès qu'ils sont ciblés.
J'aimerais, aux prochaines manifestations, voir quelques détachement de CRS marcher au milieu des manifestants, au lieu de flics en civil qui donnent l'impression d'infiltrer (alors qu'ils surveillent pour cibler avant que ça pète).

J'aimerais ne plus voir des gens désarmés, aussi énervés soient-ils, se prendre des coups de godasse dans le dos par des agents épuisés.
J'aimerais ne plus voir des manifestants confondre les flics qui font la sécurité avec les politiques contre lesquels ils défilent.

Bref, j'aimerai que de l'intelligence perfuse dans tout ce merdier.
C'est pas gagné.

Mais encore plus que tout ça, j'aimerais que les blaireaux qui font semblant de représenter le peuple dans les assemblées parlementaires assument leurs fonctions représentatives et envoient chier les appareils de parti, pour qu'enfin les votes reflètent le rejet massif par les français des saloperies façon loi travail.
Et alors là, mes amis, nous le savons tous, c'est de la pure utopie.

D'où je conclus qu'on n'en a pas fini avec les manifs, et qu'il est à craindre qu'il nous faille assumer, nous, simples citoyens, notre rôle entier tel que défini par l'article 35 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1793 :
Article 35. - Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

Un indice, chez vous : la police fait partie du peuple.

--G4rF--

PS : pour ceux qui veulent savoir d'où vient le titre de cet article, regardez-moi donc ça :

jeudi 17 mars 2016

Poème express

L'aiguille
Un creux rouge sur le doigt
C'est le passage du fil
La bobine se vide
En derviche obstiné

Déroulement linéaire
Et je sens quelquefois
L’étreinte passagère
De quelque aspérité

Chuintement, bourdonnement
Et filent en kilomètres
De noir et rouge sang
Ces fibres alignées

Vers le schéma subtil
D’une tapisserie complexe
Métronome projectile
De la navette pressée

Nuance sur nuance
Contraste et convergence
Du dessin en saillance
En carmin incarné

Et parfois le fil pète
Et le métier s’arrête
Sur un jacquard fichu
Histoire inachevée

Au magasin d’usine
le projet en échec
Retrouve les prototypes
Qui l’avaient précédé

Commence alors la quête
D’une trame incomplète
Où insérer le fil
D'histoires à repriser

La fabrique bourdonnante
Des bobines frénétiques
Tolère bien mal les pannes
Me presse à m’activer

Inhumaine exigence
Pour répondre à l’urgence,
Tenté d’aller renouer
Avec un fil cassé

Soufflant sur la poussière
Cherchant le point d’accroche
Où reprendre le motif
Patchwork dépareillé

Mais déjà le fil cède
D’une tension excessive
Une surpiqure nocive
Qui le laisse effrangé

Double boucle passée
Dans le chas de l’aiguille
Trop pressée d’en découdre
De crainte de rouiller

À voir autour de soi
Mathildes et Pénélopes
Maillant et démaillant
Des motifs intriqués

À l’endroit, à l’envers
À l’anglaise, la persane
À tester les variantes
Contrepoint tricoté

Arachnide tisseur
Cherche pour camaïeu
Un mariage de couleur
D’étoffe mercerisée

Oeuvre de filature
Qui de chaîne en armure
Enveloppe de satin
Les toiles rapiécées

--G4rF--