jeudi 27 avril 2006

Si ça rapporte...

Fond sonore : Garbage - Supervixen

       Il faut beaucoup de courage, ou de persévérance, ou de connerie bien ancrée pour supporter l'affolante pression qui s'exerce sur nos têtes alors même que nous laissons derrière nous les restes du 2ème millénaire pour nous enfoncer dans le 3ème parés des oripeaux de la nouvelle humanité.
              Oui, je dis nouvelle humanité, comme on a pu dire "nouvelle économie" il n'y a pas si longtemps que cela.

       La nouvelle économie, tout le monde s'en souvient (y compris et surtout les créateurs des fameuses start-up dont 99% ont mordu la poussière et se sont transformées en fall-down), c'était juste un habillage chatoyant, un habit de lumière pour torero madrilène dont étaient recouvertes les ficelles les plus épaisses des arnaques à trois francs des siècles précédents, remises au goût du jour (avec une tomate mozza ou une salade de chèvre chaud).
              Avec un aplomb que n'aurait pas renié Danielle Gilbert lorsqu'elle vendait ses bagouzes et ses pierres du Nord, et que l'on peut encore retrouver sur TF1 et M6 chez tous les Pierre Dhostel (aka New Bellemare on zeu block) du monde, on te faisait miroiter des profits mirifiques, de la thune comme s'il en pleuvait, le tout issu de cette mystérieuse boîte noire qu'était l'informatique et dont on sait depuis, de façon approximative mais globalement exacte, qu'elle est essentiellement composée d'air, de métal et de poussière.
              D'où viendrait le pognon ? De la pub. Que faudrait-il pour en produire ? Un service Web révolutionnaire pour vendre des voitures, du dentifrice, des meubles, des maisons, des organes, des journaux, des infos, bref : un truc absolument pas révolutionnaire mis à toutes les sauces, sauf la gribiche.
              Mais le principe de base était celui-là : une révolution est en marche, ne rate pas le train du profit massif, et au fait le billet c'est 10 000 balles.

       La nouvelle humanité, c'est pareil. A longueur de journée on te bassine sur le tout nouveau service machin ou truc. L'assurance qui te protège intégralement totalement et absolument, toi, ta femme, tes enfants, ton clébard, tes voisins, ta voiture, pour deux fois rien par mois. Sauf qu'en lisant les petits caractères, tu t'aperçois que dans le meilleur des cas possibles, tu ne reverras jamais la couleur de ta thune et que tu t'es fait baiser.
              Ca marche aussi avec la pub pour la crème anti-rides, un des plus vieux artifices des vendeurs de gras en pot. Aujourd'hui, après avoir saturé les salles de bain des femmes avec tellement de produits qui se ressemblent qu'on ne sait plus faire la différence entre un dentifrice bi-fluor et une pommade contre le mal au cucul, on s'attaque aux étagères des hommes. "Vous vous trouvez hyper expressif ? Elle, elle vous trouve prématurément ridé".
              C'est vrai. Moi ça m'arrive tous les jours. Je croise une jolie fille, je lui fais mon plus magnifique et viril sourire, et elle elle pense : "ah lui, hé, la teuhon, il est prématurément ridé !". J'te jure, elle me l'a dit.

       La nouvelle humanité, c'est de la vente de produits plus merdiques avec un habillage plus pimpant. Un demi-kilo d'étron en coffret collector.

       Evidemment, cela va sans dire, le respect qu'on te porte est à l'avenant du produit qu'on te fourgue. Si l'amertume qui transparait dans ce post vous intrigue, sachez que je dois cette longue diatribe à ce que, faute d'un terme plus adéquat et frappant de vérité, je ne peux qu'appeler mon connard d'assureur moto. Ca fait maintenant 9 mois que je lui clame par courriers successifs que je veux interrompre la garantie de ma meule, parce que je dois fourguer ma meule, parce que j'ai plus le temps de faire de la meule, parce que la meule ça coûte cher, parce que j'ai un bébé et qu'entre la meule et elle je préfère elle, et que de toutes façons je n'ai les moyens que pour l'une et pas pour l'autre alors merde, on s'arrête là.
              Rien à branler, Monsieur. Malgré mes plaintes, il me colle un prélèvement brutos sur mon compte en banque pour garantir tous risques une année de plus une brêle que je ne conduis plus depuis 9 mois, et qui est entreposée dans un coin tellement sécurisé qu'à part une putain de météorite, je vois pas ce qui pourrait lui provoquer le moindre dommage.
              Du coup, il me propulse dans les affres de l'interdit bancaire. Merci les gars. Je ne donnerai pas la marque du gazier, parce que comme la nouvelle humanité est pleine de nouvelle humanité, on ne me ferait pas part de sentiments de commisération face au sort qui me frappe et qui fout dans la merde mon couple et ma famille, mais je me ferais coller un procès pour diffamation malgré le fait que ce que j'exprime se trouve être l'expression la plus honnête et la plus juste de la vérité : quand quelqu'un vous fait un coup pareil, la moindre des libertés que vous prenez commence par un juron bien senti à son endroit.
              Or, dans la nouvelle humanité, faut pas traiter son assureur de connard. Parce que, tu comprends, s'il fait de la pub en disant qu'il se plie en 4 pour se mettre à ton service et qu'il ne pense qu'à ton bonheur et que la satisfaction de ses clients c'est sa vie, c'est sûrement vrai, hein ? Tu comprends ? Alors, il peut se foutre de ta gueule ouvertement (preuve à l'appui), mais t'as pas le droit de lui dire ce que tu en penses, parce qu'on divulgue pas un secret d'Etat.

       La nouvelle humanité, c'est celle là, qui sort un gant de velours neuf à chaque fois qu'elle peut se rapprocher de ta poche, et qui te plante un cran d'arrêt dans le ventre si tu t'avises de lui reprocher ses larcins. La nouvelle humanité, c'est la vérité des réclames. C'est l'endroit du décor, c'est le décor lui-même. A vrai dire, ce n'est que du décor.

       Mais de même que la nouvelle économie fit en son temps des victimes qui avaient eu le malheur d'être séduites par le miroir aux alouettes ou qui avaient cru qu'on pouvait devenir copain avec le chasseur quand on est une grive, la nouvelle humanité fait des victimes.

       Regardez moi : je me démerde pas mal pour écrire et lire. Je suis pas franchement une lumière, mais je suis pas non plus une tanche absolue. Et regardez comme on m'en fait baver, pour des conneries de cet ordre.
              J'ai déjà parlé de la mise en abîme à garder en permanence à l'esprit : j'ai des problèmes de vie, et pas de survie. Mais imaginez un instant comment ce monde traite les milliers de pauvres bougres qui ne demandent rien à personne et se laissent fourguer des crédits à la conso pour acheter des saloperies dont ils n'ont pas besoin, des prêts sur dix ans pour une nouvelle voiture qui leur coûtera les yeux de la tête (et là, je parle que du prix de l'essence), etc, etc.
              Comment ça se passe, la vie, pour le type qui est tellement dans la merde qu'il n'a même plus la force de combattre la jovialité formidable des avis de saisie, des rappels avec mise en demeure, des huissiers amis-des-pauvres et de la tendresse des mises au rancart ?
              Moi j'en bave. Je pense qu'il y en a que ça doit pousser au suicide.
              Je devrais pas en chier comme ça. Normalement, à la fin du mois, il devrait me rester des sous sur mon compte en banque. Mon pognon ne devrait pas être en grande majorité aspiré avant même que je ne le palpe par tous ces organismes et entités qui en possèdent déjà tellement qu'elles ne savent plus comment l'investir pour en produire encore plus.

       C'est la victoire de la concurrence mondiale, de l'agressivité commerciale permanente, du nivellement par le bas et de la liberté de faire chier si ça rapporte.
              La nouvelle humanité, c'est ce à quoi j'ai collaboré (contre mon gré, mais fallait gagner sa croûte) quand j'ai travaillé un temps en tant que prestataire extérieur pour CapitalOne, fossoyeur britannique de bien des foyers dans les affres redoutables du crédit-revolving.

       Méfiez-vous de la nouvelle humanité. Elle s'infiltre chez vous par mail, par téléphone, par télévision, par prospectus, par agent interposé. Elle porte de belles couleurs, de beaux costumes, des cravates à la mode et chante les tubes du moment. La nouvelle humanité vous touche et vous contamine, elle vous coince le bras dans ses rouages et vous contraint à intégrer son système ou à crever.
              La nouvelle humanité est une catin sordide, une dévoreuse d'avenir et d'espoir, une pierre philosophale d'un nouveau genre : elle transmute le con en or.

       La nouvelle humanité est pleine de gens qui sont tes amis tant que tu as du fric. Quand tu n'en as plus parce qu'ils ont déjà trouvé comment t'en délester le maximum, tu n'as plus droit aux jolis prospectus sur papier glacé envoyé par courrier simple dans une enveloppe luxueuse et colorée. Plus de jolie voix d'hôtesse au téléphone qui t'appelle à l'heure que tu souhaites pour te proposer de résoudre tes problèmes en moins de 24h, signez là s'il vous plaît Monsieur aaaah oui j'aime ton gros portefeuille !
              La sécheresse d'un imprimé noir sur blanc dactylographié et conclu par une signature au tampon dans un bureau que tu devines sans vie. Une menace abrupte mise sous pli automatiquement par le croque-mort de la nouvelle humanité, la société spécialisée dans le recouvrement des créances, le chasseur de primes moderne : WANTED, DEAD OR BROKE.
              Si tu es comme moi, tu fais du bruit autant que tu peux, c'est-à-dire pas suffisamment fort pour que ça réveille tes voisins, et même pas assez fort pour te maintenir éveillé lorsque le prochain pickpocket viendra pour te faire les poches. Tu auras à peine le temps de te refaire qu'à nouveau, la nouvelle humanité te rattrapera.

       Cette humanité-là, c'est celle d'aujourd'hui. C'est celle contre laquelle on voudrait voter, et pour laquelle on bosse malgré nous parce que c'est avec son pognon qu'on joint les deux bouts, et que ce pognon on en a besoin pour pouvoir lui payer nos échéances.
              La nouvelle humanité a la bouche grande ouverte pour avaler tes pièces, mais elle est trop sèche pour savoir te parler. La nouvelle humanité, on est en plein dedans. C'est une bulle qui n'en finit pas d'éclater, mais elle éclate en dedans. Et elle t'éclate à la gueule.
              Si tu bosses pour elle, si tu t'enrichis avec elle, elle te couvera sous son aile, puis te couvera du regard, te saisira par la peau du cou et te soulèvera au dessus de son gosier distendu. Elle te secouera pour faire choir de tes poches trop pleines jusqu'à la dernière miette, jusqu'à tes dernières possessions. Et puis, quand plus aucun bruit ne retentira, quand le tintement des pièces de un centime se sera tut, tu découvriras qu'elle t'a mangé sans t'avaler, qu'elle t'a digéré sans te mâcher, et qu'elle t'a rejeté sur la paille que tu pensais avoir quitté pour de bon.

       C'est la nouvelle humanité. C'est le siècle n°21. Je comprends mieux Malraux, maintenant. Effectivement, ce siècle sera religieux : j'ai jamais eu autant envie qu'un Dieu puissant et vengeur vienne coller une grosse baffe à tous mes assaillants du quotidien.
              J'en reviens donc à mes opinions premières : il manque au capitalisme qui règne en maître sur le destin de la vaste majorité des 6 milliards et quelques d'habitants humains de cette terre la culture du service social pour faire de nos pays des espaces moins oppressants.

-G4rF-

lundi 24 avril 2006

Dans l'espace...

Fond sonore : Red Hot Chili Peppers - Sir Psycho Sexy

       ...Non seulement personne ne vous entend crier. Mais si vous ne dites rien, tout le monde s'en fout aussi. Ca fait presque un mois que je n'ai rien écrit ici. C'est la honte. La super honte. Shame on my face.
              Bon, je reprends mes esprits et j'attaque dès demain. Fin des congés, retour de la gniak !

               HA HA HA !*

-G4rF-
* moi aussi, ça me fait un peu peur...