Poème express [124/365] - Jaloux

Jaloux
Il est de saines colères et des rages toxiques.
Celle qui me possède est de la deuxième sorte
Car je n'y peux rien faire, la subis, la supporte,
Et encaisse sa douleur sans aide anesthésique.

Si je bous c'est pour elle, malgré lui, contre moi
Qui me laissai aller à de tendres penchants
Contre lesquels j'aurais dû aller, combattant
Plutôt que laisser fleurir et grandir l'émoi.

Lui, que puis-je bien en dire ? Il me ressemble tant !
Même sourire béat lorsqu'elle le regarde
Que je ressens si fort mais dois garder dedans
Chaque fois que ses yeux divins sur moi s'attardent.

Elle, que puis-je bien en dire ? Elle a cent fois raison
D'aimer tant qu'elle le peut, d'être heureuse avec un
De son âge, de son temps, plus proche, plus commun
Que moi, vieil importun tombé en pâmoison.

Que reste-t-il, alors ? La frustration risible,
La colère stupide, le poing tendu aux cieux
Clamant toute l'injustice à la face des dieux
De brûler de passion pour elle, inaccessible.

Le plus beau des cadeaux, quand on est amoureux,
c'est de laisser pleine et entière liberté.
A ceci il faudrait tout de même ajouter
Que de tous les présents, c'est lui le plus coûteux.
--G4rF--

Poème express [123/365] - S.N.A.F.U.

S.N.A.F.U.
Expérience, lanterne éclairant derrière soi
Qui ne donne prescience de ce qui adviendra.
Cumul des connaissances ne vaut divination
Du chaos qui bientôt franchira l'horizon.

Limités que nous sommes à nos trois dimensions
Chaque autre qui s'ajoute restreint nos perceptions
Jusqu'à noyer nos sens dans la complexité
Dépassant toutes nos bornes, nous laissant aveuglés

Et alors le danger, et alors l'accident,
Les risques en cascade nous fracassent les dents.
Quoi de plus naturel, nous sommes habitués,
Situation normale, tout ne fait que foirer.
--G4rF--

Poème express [122/365] - En ordre

En ordre
Fin de droits : c'est fait.
Sans emploi : c'est fait.
Angoissé : c'est fait.
Déprimé : c'est fait.

Deux ans comme au hasard, à chercher un peu mieux
Tentant d'entrer en prise avec un monde lisse
Un univers froid, poli et orgueilleux
Qui ne secoure personne au fond du précipice.

A bout de mes ressources, à bout de mes moyens,
Sans plus d'espoir de mieux, je me suis résigné.
Et j'ai appris la langue du géant hautain
Et repris le chemin que j'avais déserté.

Aujourd'hui sur les rails, relancé et en ordre,
J'emprunte la trajectoire que d'autres m'ont tracé
Mais je ne perds rien de l'envie de distordre
Cette machine sans âme qui ne sait que briser.
--G4rF--

Poème express [121/365] - Convalescence

Convalescence
Il me faut dire un mot de ma dernière souffrance
Fracture douloureuse de mon inspiration
Rupture du ligament croisé de l'endurance
Coma artificiel du fier écrivaillon

Voilà bientôt deux mois que je n'ai rien écrit
Voilà bientôt deux mois que chaque jour raté
Pèse sur ma conscience, que je m'en sens contrit
Il est grand temps que je me remette à marcher

Tiendrai-je l'objectif ? Pourrai-je me rattraper ?
Tous mes compteurs déjà montrent mon grand retard.
Mais quoi qu'il advienne, je serai le premier
A finir cette course qui est mon seul devoir.

Je n'aurai aucun titre, pas de prix ni médaille
Mon succès sera d'avoir vaincu ma paresse
Au moins assez longtemps pour gagner une bataille
Contre vents et marées, un an de rimes express.
--G4rF--