samedi 31 mars 2007

Haïku instantané

Fond sonore :Pink Martini - Sympathique

       Vive éclaboussure
       Le dormeur s'éveille, s'ébroue
       Et salue le jour.
-G4rF-

vendredi 30 mars 2007

J'ai la liberté d'expression qui me gratte un peu

Fond sonore : Wax Tailor - Que sera (je change pas, c'est toujours aussi bon !)

       Ca fait déjà quelques jours que je me tâte quant à un post récent de mon ami HaTcH . Lisez-le, lisez les commentaires et revenez ici.
       Voilà. Ca fait un paquet de temps que ce post a été publié, et bien que voulant commenter, je n'en ai encore rien fait. Surprenant de ma part, ces atermoiements, me suis-je dit, après que ces quelques jours se soient écoulés. Je veux dire : moi je suis plutôt impulsif, et ne pas rajouter immédiatement mon grain de sel, ça ne me ressemble pas.
       Introspection nécessaire : pourquoi est-ce que j'hésite ? Parce que j'ai peur de dire une connerie ? Non, ça m'a jamais effrayé, j'en ai raconté de belles sur ce blog, je suis encore vivant (le ridicule ne tue plus). Alors quoi ? Une émasculation furtive m'aurait privé de mes grelots et m'empêcherait de m'exprimer soudainement ? J'ai chopé la lèpre, j'ai plus de doigts pour taper ? Non plus.
       Non. La vraie raison, la voilà : je me suis laissé contaminer par l'atmosphère de flippe qui touche au sujet de son poste : laïcité et prosélytisme musulman.
       Ayé, j'ai dit le mot qui fâche. Non, pas musulman, andouille ! J'ai dit le mot : prosélytisme. Car là est le problème. Pourquoi est-ce qu'un bonhomme comme HaTcH exprime son ras-le-bol du capharnaüm accompagnant immanquablement toute évocation des irruptions de contraintes religieuses dans la société laïque, et en l'occurrence de l'islam radical ? Parce qu'il a raison, tiens. Les religieux de toutes les chapelles en font trop : plus un mec a l'air de croire fort à son Dieu, plus il faut se méfier de ses exigences et de ses prises de position. Si on laisse faire, ça donne toutes les absurdités que détaille HaTcH.

       Avant d'aller plus loin, une précision utile pour définir ma position personnelle dans le débat. Je l'assume totalement, je n'ai pas actuellement dans mes proches amis de personne de confession musulmane. Je le précise, parce que c'est souvent le paravent défensif avancé par les fumiers de racistes hystériques qui veulent donner de l'aplomb à leurs diatribes diarrhéiques. Non, j'ai bien fréquenté des enfants d'immigrés, j'ai eu des potes qui s'appelaient Brahim, Lamine, j'ai des gens plein mon immeuble que, quand tu les regardes avec ton oeil tu dis "tiens, des reubeus !" et quand tu les regardes avec TF1 tu dis "tiens, des terroristes !", mais la vérité m'oblige à le dire : JE N'AI PAS D'AMI MUSULMAN.
       Cela dit, curieusement, et je vais le dire en capitales aussi : JE N'AI PAS D'AMI BOUDDHISTE. NI D'AMI CHRETIEN. NI D'AMI SCIENTOLOGUE. NI D'AMI JUIF. PAS DE CHIITE, PAS DE SUNNITE, PAS D'ASHKENAZE, PAS DE SEPHARADE.

       - Ok, on a bien compris, G4rF, t'énerves pas. En gros, t'as pas d'ami, quoi.
       - Mais non, sale con !

       J 'ai des tonnes d'amis, j'en ai plus qu'il n'en faut à toute personne sensée (et je m'en porte plutôt bien, merci, partez pas les gars !) mais s'il y a bien une chose dont je me branle, c'est de savoir en quoi ils croient. Je précise ma pensée : tant qu'ils viennent pas essayer de me vendre leur croyance, et qu'ils ne me font pas changer ma vie ni mon monde pour le plaisir supérieur de leur Dieu que personne n'a jamais pris en photo (et pourtant, on est au XXIème siècle, si c'est pas malheureux), on peut en parler et ça reste des potes. Fin de la parenthèse.
       On constate un problème dans une société républicaine et démocratique quand il devient risqué de s'exprimer sur un sujet. Par exemple, si au lieu de blogger désespérément dans le désert, j'étais en train d'écrire l'édito du prochain numéro du Monde, j'aurais des raisons d'avoir peur pour ma gueule, car je serais certain d'une chose : même si on les encense, même si on fait leur éloge, les gens qui ont décidé que vous ne les aimez pas refuseront toujours d'en démordre. Par conséquent, et plus encore si vous critiquez leurs positions radicales qui ne font plaisir qu'à eux, il est illusoire d'espérer entretenir un débat équilibré et un dialogue raisonné avec des personnes qui ne souhaitent de toute façon pas vous écouter.
       C'est pour ça que, forcément, un post comme celui de HaTcH, ça fait réagir. Surtout dans le contexte actuel, qui nous dicte à tous une "prudente réserve" alors qu'on devrait s'indigner en masse devant le degré de connerie intense atteint par les promoteurs de la burqua dans un pays où les femmes en ont chié pour avoir le droit d'avorter, avoir de le droit de voter et avoir le droit de porter des pantalons. Moi le premier, je me suis dit en mon for intérieur : "ouhlà, mais il est fou, il va se faire trucider à parler d'islam comme ça, il devrait pas parler de ce sujet, c'est trop risqué".
       Rien que pour avoir pensé ça, ne serait-ce qu'une seconde, je mérite des claques.
       Bien sûr que si, il a raison d'en parler ! Et il en a le droit. Et moi aussi. Et même le devoir. Oui, moi, cadre moyen en informatique, 30 ans, une gosse, blanc, habitant près de la gare de Saint Denis où on entend plus parler l'arabe et le wolof que le françaoui. On pourrait très facilement retourner ces quelques indices contre moi pour me passer contre mon gré l'habit du raciste de base : "français de souche, qui gagne de la thune et qui méprise ces salauds d'étrangers qui viennent jusque dans nos baignoires égorger nos filles et nos moutons". Sauf que c'est faux du début à la fin. La seule chose que je n'aime pas, c'est les cons. Mais une fois bien ancré le préjugé du "tous pourris, tous racistes", c'est difficile de revenir en arrière, et si commode de se laisser aller à la facilité, et d'assimiler immédiatement le ras-le-bol exprimé par mon pote sur les conséquences désastreuses (et en plus de ça, plutôt lourdes à se traîner au jour le jour) du prosélytisme des religieux radicaux, à un prétendu racisme qui suffirait à le définir, lui, en tant que personne.
       C'est faux.
       HaTcH a exprimé un point de vue. Une opinion, pour être précis. Et c'est pas parce qu'il parle de la métamorphose d'un courant religieux en mouvement prosélyte destructeur de démocratie qu'il n'a pas le droit de s'exprimer. Aussi sûrement que les libéraux radicaux de ce pays font en sorte de rogner petit à petit les fondations d'un droit social patiemment élaboré au fil des ans et des conflits de l'humain contre le pognon-roi, les radicaux religieux rognent petit à petit les fondations de la laïcité qui, paradoxalement, leur offre sur un plateau la liberté d'expression et des médias indépendants dont ils abusent pour lui niquer la gueule.
       Et tous, là, on se chie dessus, parce que c'est religieux, et la religion faut pas y toucher, faut respecter de peur de passer pour un intolérant à l'esprit étroit, alors chut. Sauf que le problème n'est pas tellement religieux, mais plutôt à chercher dans la radicalisation du discours. Sans la moindre espèce d'hésitation, je ressens le même niveau de danger quand un De Villiers ou un Le Pen parle d'immigration zéro et quand une magistrate allemande oublie son code pénal et innocente un mari qui tabasse sa femme parce que (je cite avec des pincettes pour pas me salir les doigts) "le Coran autorise le mari à punir sa femme".
       Parce que Le Pen et De Villiers s'arrogent le droit de juger eux-mêmes des personnes sans les connaître et de les déclarer nocives pour "notre pays" sans même les avoir écoutées. Parce que cette conne de juge a décidé que le Coran autorise un homme à être juge et bourreau de sa femme, au mépris des propres lois du pays qui interdisent formellement toute forme de violence quel que soit le contexte sous peine de séjour à l'ombre prolongé.

       Tous ces gens, tous ces radicaux veulent à la fois dicter les lois et juger de leur application. Avec quelle mesure ? Quel contrôle pour éviter les dérapages ? Euh... sait pô. Et c'est le fondement même du droit démocratique que de séparer en entités distinctes :
- celui qui rédige la loi
- celui qui juge de son application
- celui qui exécute la sentence
       Oui, disons-le clairement, la laïcité est incompatible avec toute forme de publicité confessionnelle. Non seulement on n'en a rien à foutre que des gamines à qui on a bourré le mou à la maison nous affirment sous le nez en portant le voile à 8 ans qu'elles suivent la religion musulmane, mais en plus elles ne devraient pas avoir le droit de le faire. Car en le faisant elles affirment une appartenance à une communauté, ce qui nie le principe d'indivisibilité de la nation démocratique. Pareil quand leurs barbus de maris, totalement dépassés par le concept même d'une femme libre de ses choix, cassent les couilles aux gens pour les séparer dans les piscines, à l'hosto, etc.
       Personne n'oblige les musulmans pratiquant à manger le jambon que leur sert la cantine. Mais dans la mesure où c'est pour leur propre confort qu'ils réclament autre chose et qu'en faisant ça ils emmerdent tous ceux qui s'en branlent de juger de la pureté du cochon en tant que produit comestible par un être humain, qu'ils paient pour cette autre chose ou bien qu'ils ferment leur gueule. Leur religion ? Leurs interdits ? Leurs problèmes.
       Personne n'oblige les musulmans à fêter Noël, mais je ne pense pas qu'un type quelconque, quelle que soit sa religion, soit assez crétin pour venir au boulot exprès le 25 Décembre pour bien affirmer que, malgré le congé national qui tombe ce jour-là, hé ben il veut bosser parce qu'il est pas chrétien, tu comprends ?
       Tout cela est d'une stupidité sans borne. L'essentiel des pays européns tels qu'ils sont actuellement sont issus d'une culture judéo-chrétienne qui a certes, apporté certains bons morceaux, mais dont les mauvais éléments (bien plus nombreux) ont coûté à travers l'histoire la vie à des millions d'êtres humains. C'est bien pratique : tout morts qu'ils sont, ils ne peuvent plus se plaindre du manque de concession et de discernement des ayatollahs de l'époque qui ont décidé, comme ça, eux tous seuls, sans que Dieu leur signifie expressément (même avec un petit billet, une simple parole, même un petit pet lâché discrètement dans le confessionnal), qu'ils devaient mourir.
       Aujourd'hui, grâce en soit rendue à la Révolution, on sait qu'on est capables de vivre en société et de fonctionner sans devoir se colleter des connards de religieux qui prétendent vous apprendre à vivre alors qu'ils ne savent strictement rien de vous (et qu'ils ne veulent rien en savoir, par-dessus le marché)(je pense au célibat des prêtres, là, entre autres). C'est précisément ce qui fait peur aux fanatiques et aux promoteurs de Dieu-lave-plus-blanc : les démocraties n'ont nullement besoin d'un quelconque Dieu pour fonctionner, parce que Dieu ne ramasse pas les poubelles, ne bouche pas les nids-de-poule sur l'A6 et ne construit pas de gare de RER, même si vous le priez très très fort. Les hommes, oui, sans forcément avoir à se mettre à genoux devant : on fait un contrat, on donne de la thune, et les poubelles sont ramassées, les nids-de-poule bouchés, et pour le RER on verra l'an prochain.
       Il nous appartient de montrer que nous tenons à cette indépendance précieuse vis-à-vis de la divine tambouille des radicaux de tout poil. Et d'envoyer se faire foutre tous ceux qui espèrent faire intervenir (à leur plus grand profit personnel, cela va sans dire) Dieu, Bouddha, Allah ou le Monstre Spaghetti Volant dans les cercles du pouvoir et de décision de nos pays. Il y a déjà bien assez de pays religieux, et franchement leurs bilans en terme de mortalité, de protection sociale, de santé et de recherche scientifique font peine à voir tellement ils sont médiocres.
       Le pire d'entre eux reste le Vatican, à mon sens, parce qu'il est là depuis si longtemps et qu'il ne sert tellement à rien. A part comme piège à touristes et aimant à Léon Zitrone (à l'époque) quand Jeannot-Paulo number two se caillait les miches au balcon pendant 3 heures à bénir urbi, orbi et toubifri.
       Quand Ratzinger décidera d'accepter l'idée qu'une femme violée a peut-être besoin d'avorter pour se reconstruire un mental et ne plus se sentir souillée, quand le mollah Omar décidera de se livrer à la justice des hommes pour répondre de ses crimes en Afghanistan, quand toutes les factions en présence dans le conflit du proche-Orient décideront de poser les armes parce que tuer, c'est pas bien (même si c'est quelqu'un qu'on n'est pô d'accord avec), alors un progrès réel aura été franchi et on pourra espérer quelque chose de Dieu.
       En attendant, tant qu'il n'est pas venu pour nous montrer sa gueule et nous prouver, lui-même et pas ses prétendus représentants, qu'il peut faire mieux, qu'il aille se faire foutre et qu'il nous laisse vivre.
       Le pire étant de se dire que, dans l'hypothèse toujours pas vérifiée où une entité supérieure existerait effectivement, qu'elle décidait (on se demande bien pourquoi) d'intervenir dans nos vies pour les rendre meilleures et châtiait divinement les méchants, les premiers à se faire atomiser l'âme seraient sans nul doute ceux qui conspuent les caricatures danoises, applaudissent à la chute du World Trade Center, poussent les femmes à se cacher pour ne pas imposer la tentation de leur corps impur aux mâles alpha et flinguent en souriant tous ceux qui ne pensent pas comme eux. Car si Dieu existe, le seul cadeau qu'il nous ait fait s'appelle le libre arbitre, c'est un cadeau vraiment divin, et s'en servir pour nuire à celui de son voisin, souvent jusqu'à l'extermination pure et simple, c'est un authentique crime contre Dieu.
       TU NE TUERAS POINT, disaient tous les prophètes. Faut-il vraiment apporter d'autres précisions ? Ou bien ta religion t'interdit-elle aussi de lire ?

-G4rF-

A bit of music

Fond sonore : Wax Tailor - Que sera

       Ecoutez le fond sonore du jour (direct chez RadioBlog). J'aime beaucoup. Je pense que le "Que sera sera" qui sert de refrain est extrait de la bande-son d'un film de Hitchcock.

<quelques secondes de Google plus tard>

       Je confirme : ça vient de "L'homme qui en savait trop", avec James Stewart et Doris Day (c'est elle qui chante). Bon film, au demeurant.

-G4rF-

mardi 20 mars 2007

Le bal des casse-pieds

Fond sonore : Oldelaf & Monsieur D - Avant

     C'est parti. Et y'en a pour un moment.

     Inutile de le préciser, je fais ici allusion volontairement (notamment via le titre de cet article) à la grande valse électorale dont ce que nous avons subi pour l'instant n'était que l'échauffement. Ca fait un bout de temps que je n'avais pas bloggé.

     Les raisons en sont multiples : j'ai peu de temps pour moi, mon boulot m'occupe pas mal, le temps qu'il me reste est partagé entre ma fille, ma femme, mes loisirs, dont pas mal de lecture. Presque tous mes week-ends sont bouffés par les visites que j'organise pour trouver un acquéreur sérieux pour mon bateau, ce qui malheureusement ne court pas les rues. C'est d'ailleurs plutôt dur de garder le moral, après avoir constaté l'échec de mon beau projet d'habiter sur l'eau parce que je m'y suis pris comme un manche, de devoir traîner encore et encore comme un boulet ce qui constitue de façon flagrante la preuve de mon foirage. J'aimerais bien que quelqu'un de mieux préparé que moi reprenne cette petite chose pour en faire ce que je ne suis pas parvenu à réaliser : un vrai habitat, bien foutu, agréable à vivre. Ca m'apprendra à me lancer sans préparation dans des projets délicats. Enfin au moins tous les plans foirasses et les emmerdements que j'ai subi de plein fouet seront épargnés au suivant. Ce sera ma bonne action de 2007 : je passe le témoin, mais je donne aussi mon savoir chèrement acquis.
     Enfin, je m'égare. J'ai été très occupé. Et bien qu'ayant des choses à dire, je manquais du temps et du discernement nécessaire pour ne pas aligner trop de banalités.
     Aujourd'hui, j'ai un peu des deux. Alors je vais encore pousser une gueulante.

     Ma nature profonde, et ma volonté profonde, est de vivre dans un monde où personne ne peut vous chier dessus en toute impunité et vous laisser dans la mouise sous prétexte que "c'est pas mon blème". De la même manière que mon chantier naval m'a traité comme de la daube en me faisant poireauter 6 semaines pour me livrer mon groupe électrogène (en carottant le trousseau de clé, heureusement que je suis bricoleur, j'ai pu remplacer les serrures), bien souvent le pékin moyen habitant ce pays d'amertume est confronté à la médiocrité banale du prochain dont il dépend. Parce que le type qui est en face de vous a déjà ses problèmes, il ne se préoccupe pas de soulager les vôtres alors même que c'est son métier et que c'est pour ça que vous le payez.

     Je pense qu'on peut trouver plusieurs causes profondes à la morosité ambiante. D'abord, la France devient de plus en plus un pays de castes.

     La caste des SDF, nos intouchables à nous, qu'on ne voit pas, qu'on ne regarde pas dans les yeux, dont on veut bien parler et plaindre la misère mais pas en leur présence parce que ce n'est pas convenable. Combien sont-ils ? Mystère. Demandez au SAMU social, multipliez par 10 ou 20, on arrivera pas trop loin de la réalité.
     Au dessus, la caste des chômeurs, ces affreux assistés qui pompent tout notre pognon si l'on écoute les plus étroits des esprits qui s'expriment. Ceux-là en chient d'autant plus que chaque semaine passée sans travail est vue par les employeurs et par la populace comme une tare, une faute faite exprès, comme si les délocalisés avaient choisi de perdre leur taff et de passer leur vie à courir après des formulaires et des reclassements pipo en croisant les doigts pour ne pas être recalculé ou radiés parce qu'il manque un point là, là et là, et une coche dans la case, ici, au dos du formulaire A28 modifié Z. Combien sont-ils ? Suivant le caractère officiel ou non et prochainement candidat à la présidence ou non des sources, ça varie grave. De 2 millions à 7 millions. Ca fait du monde qui n'a aucune visibilité et aucune espèce de maîtrise sur son avenir, et qui s'endort chaque nuit en espérant avoir toujours de quoi donner à manger aux enfants le lendemain.

     Au dessus, la caste des employés. On peut parler de prolétariat. Suivant qu'ils soient de la vieille école ou qu'ils aient moins de 35 ans, leurs difficultés sont vécues différemment. Les anciens ont été élevés et éduqués avec à l'esprit la constance de l'emploi, l'indignité d'être inactif et la juste récompense du travail bien fait par le patron sévère mais magnanime. Pauvres d'eux, qui doivent maintenant faire des piquets de grève le week-end devant les grilles de l'usine pour ne pas qu'on déménage leurs machines comme des voleurs dans un pays à moins cher.
Ceux de la nouvelle génération savent qu'ils ont tout intérêt à balancer aux orties les valeurs de leurs parents.
     Etre fidèle à son entreprise, c'est la meilleure manière de ne jamais être récompensé pour son travail : on est plus vite augmenté en changeant de boîte pour un meilleur taff qu'en restant sur place. Et pourtant, qu'est-ce qu'ils aimeraient pouvoir se sentir à l'abri dans leur boîte à partir du moment où ils font ce qu'on leur demande... mais ce n'est plus comme ça que ça fonctionne. Combien sont-ils ? La majorité.
 
     Au dessus, les cadres, qu'on pourrait assimiler aux petits bourgeois. J'en suis. J'ai accès à énormément d'outils et de ressources pour faire mon travail et éventuellement des loisirs, je gagne confortablement ma vie mais j'ai tout de même l'impression de ne rien pouvoir construire, ou alors au prix d'un effort sans commune mesure avec la valeur réelle de ce que j'entreprends (j'ai en tête le pognon que ça coûte d'acheter une baraque ou même une petite piaule : quand on a moins de 30 mètres carrés pour l'équivalent d'un million de francs, c'est qu'il y a un problème). Je n'ai droit à aucune réduction, je suis obligé de consacrer une part importante de mes revenus pour payer la garde de ma fille que je ne peux pas élever moi-même parce que mon travail me bouffe trop de temps, bref au final, j'ai bien peu de temps disponible pour dépenser le surplus de ce que je gagne par rapport à la moyenne de la population, et quand je le dépense, ma conscience me rappelle que la seule différence entre moi et le balayeur dehors, c'est que moi j'ai eu toutes les portes ouvertes et les ressources de mes parents pour me payer des études.
     Sinon, je ne suis ni plus intelligent ni plus con que lui. Il pourrait même m'en remontrer autant sur l'art de faire son boulot que moi avec l'art de faire le mien. Combien sont-ils ? Au pif, je dirais 10% de la population.

     Au dessus, les riches. On peut dire les grands bourgeois. Bien nés, bien introduits, la plupart du temps ils doivent leur fortune au fait d'avoir été soutenu par papa et maman, ou d'avoir été pistonnés. Quelques self-made men traînent dans la bande (bien peu de self-made women), qui hélas finiront souvent par dire que s'ils ont "réussi", tout le monde peut "réussir". C'est faux : être parvenu à gagner du pognon ne fait de personne un héros, et ne justifie pas de donner des leçons à ceux qui n'en ont pas. Le pays n'est pas assez riche pour faire de nous tous des milliardaires. Et de toutes façons, qui voudrait être riche comme machin ? Personne : tout le monde veut être plus riche que machin.
     Suffisamment fortunés pour pouvoir s'offrir l'expertise de comptables astucieux et de fiscalistes bien rencardés, les riches s'aperçoivent rarement que leur statut s'auto-entretient. Car, c'est tristement vrai, on ne prête qu'à ceux qui n'en ont pas vraiment besoin. Vous êtes millionaire ? Votre banquier ne vous demandera jamais pourquoi vous voulez emprunter 50 000 Euros. Alors qu'il pourrait se demander si vous ne pouvez pas les sortir de votre propre poche. C'est ainsi : pour ne pas perdre les bonnes grâces des gens fortunés, on leur passe tout, y compris des absurdités.
Combien de riches ici ? Quelques dizaines de milliers.

     Au dessus, les droits-divins. Ultra-riches. Ultra-protégés. Riches d'argent ou riches de pouvoir, ils sont intouchables, disposent de la vraie et l'ultime richesse : des carnets d'adresses bien remplis de créanciers, de relations bien placées, de fusibles éventuels qui sauteront à leur place. Combien sont-ils ? Quelques poignées.

     Et dans ce système de caste, ceux du dessus régentent la vie de ceux du dessous, mais les croisent rarement. Et pourtant, le système républicain est conçu pour assurer le pouvoir du plus grand nombre. La base de la pyramide devrait tenir en respect son sommet. Mais, écrasée par le poids des privilèges, des passe-droits, du crédit excessif de confiance et de respect qu'on accorde à ceux qui n'ont jamais à mettre les pieds dans la fange, la base se laisse engourdir et subit sans trop savoir comment changer les choses cet état de fait. Ceux du dessous sont éduqués à ne pas se rebeller, à ne pas faire entendre leur voix. Ceux du dessous peuvent bien crier, hurler, tempêter contre leur condition : ceux d'au-dessus ont compris depuis longtemps qu'il suffit de faire semblant d'écouter, de promettre de revenir un an après avec des solutions. Entre temps, les problèmes quotidiens aidant, ceux du dessous doivent faire face et laissent sombrer leurs doléances en attendant la prochaine fois où ils donneront de la voix.

     Que faire ? Et que faire face à ces problèmes, alors même que se dessine devant nous une échéance particulière car il s'agit d'un de ces cas de conscience où l'on peut choisir d'y croire ou pas. Peut-on croire sincèrement Sarkozy si l'on porte un oeil objectif sur son bilan ? Peut-on croire Ségolène quand le chiffrage de son programme semble nous condamner à creuser encore un peu plus un déficit budgétaire abyssal ? Peut-on croire Bayrou quand on sait que rares sont les politiciens ayant fait leur mea culpa et qui ont ensuite tenus leurs bonnes résolutions, et quand bien même ils les tiendrait, que les partis politiques de tous bords sont tellement pétris de suffisance et de mépris pour le bas-peuple qu'ils préfèrent paralyser le pays par l'opposition systématique plutôt que faire acte de civisme et agir constructivement ?

     Peut-on sensément faire confiance à Le Pen suffisamment pour lui confier le commandement de la dissuasion nucléaire française ? Peut-on confier à Laguiller la politique internationale du pays ? Nihous saura-t-il annuler la dette de l'Afrique et imposer le moratoire sur la chasse à la baleine ? Besancenot évitera-t-il un krach boursier s'il est élu ?
     Très franchement, pour briser cette logique de caste et rétablir l'équilibre entre ceux qui ont les moyens et ceux qui les subissent, je m'interroge. J'ai envie de voter très à gauche, mais aucun candidat ne me paraît crédible. Je ne peux que m'opposer sur le fond aux principes de révolution sans douceur prônés par les plus radicaux, car une bonne partie de la population vit modestement de la seule existence de l'Appareil, et que le détruire ce serait les détruire aussi. Mais un vote de protestation, c'est le risque de refaire se produire le 21 Avril 2002. Et voter pour choisir un président, ce n'est pas seulement voter pour sa petite gueule à soi et ses petits pépins à soi, c'est voter pour le bien de tous ceux qui vous entourent, même ceux qui pensent autrement que vous. On vote pour les autres aussi.

     Je disais qu'à mon avis le trouble actuel trouve sa source dans plusieurs trous noirs. Le premier est l'existence des castes. Le deuxième est l'aggressivité générale qui règne par chez nous du fait même du manque de moyen ressenti partout.
     Exemple : mon amende que j'ai dû payer 2 fois. En Août 2005, j'ai fait un excès de vitesse. Flashé à 118 km/h sur autoroute au lieu de 110. Amende payée quand elle m'est parvenue : 45 €. Chèque encaissé dans les 10 jours. Un rappel de paiement m'est parvenu après avoir posté mon chèque : j'ignore. Je vérifie : mon chèque est débité : fin de l'histoire. Janvier 2007 : opposition administrative sur mon compte en banque. Ma thune a été palpée, mais personne ne s'est donné la peine de le noter. Pour éviter de payer à ma banque 90 Euros pour libérer mon fric du verrou de l'Etat, je suis obligé de payer une 2ème fois mon amende.

     Pourquoi cette histoire ? Parce que si les finances du pays étaient en meilleur état, pensez-vous que ce genre de conneries arriverait ? Pensez-vous que la connasse d'employée bornée au bout du fil qui, malgré la preuve de la connerie qu'ils avaient faites, m'a tout de même forcé à payer (présomption d'innocence, un jour j'aimerais te rencontrer), aurait reçu des instructions pour agir de la sorte au lieu de battre en retraite et s'excuser comme elle devait (et doit toujours, bordel) le faire ?
     Pensez-vous que le fisc serait aussi agressif, que les agents verbaliseraient à tour de bras, que vous seriez en permanence dans un climat de suspicion si on en voulait moins à votre pognon ? Et par extension, seriez-vous aussi tendu face aux gens qui resquillent, aussi implacables avec ceux qui fraudent, aussi intraitables avec ceux qui niquent le système si vous-même ne subissiez pas toute la violence dudit système en espérant y échapper ?

     Tous ceux qui jouent au Loto ou à EuroMillions dès que la cagnotte monte le vivent semblablement : l'espoir de plus de blé pour régler toutes vos dettes et qu'enfin la vie vous apporte ce que vous souhaitez. Le calme. Le repos. L'absence de stress. La liberté de consacrer votre énergie à ce qui vous plait vraiment, ce que vous voulez vraiment faire.
     Un très bon indicateur des finances d'un pays : la thune allouée à la création artistique. Jamais été aussi faible en France. Les intermittents ont raison de gueuler, comme ils ont toujours eu raison de le faire.
     Et tous ceux qui réclament un meilleur partage des richesses ont raison de le faire. En se souvenant, bien sûr, que même un Smicard français, même un RMIste reste, de par ses ressources, dans la frange la plus riche de la population mondiale, et donc qu'un jour lui-même sera amené à donner.

     On pourrait se dire que c'est en train d'avoir lieu avec les délocalisations : le travail (donc le blé) sont en train de repartir là où les gens sont pauvres. Ca rééquilibre, non ? Mais c'est un non-sens. S'il s'agissait de vases communicants, la thune sortirait d'abord de là où elle est la plus massivement accumulée. De chez les super-friqués. Ce n'est pas le cas. Il n'y a jamais eu autant de millionaires, ni de milliardaires en France. Conclusion : c'est le système des castes qui est en train de se généraliser, de se mondialiser.
     Contre tout cela, il faut lutter. Contre la rupture entre différentes couches de population. Contre la loi du fric contre la loi du nombre, à échelle française et à échelle mondiale. Contre la supériorité artificielle de ceux que la vie a favorisé, et qui font semblant de ne pas s'en souvenir, à échelle française et à échelle mondiale. Et contre tout cela, lequel de nos fringants candidats aura-t-il les coudées assez franches pour agir ?

     Pour l'instant, je sèche. Ce sera sûrement pas à droite, parce que je ne peux pas envisager d'accorder ma confiance à des gens qui mentent aussi effrontément sur leur bilan. Sera-ce à gauche ? Ou bien tenterai-je le coup de poker Bayrou, bien que je trouve ses positions sur la Turquie, la beuh et le mariage gay complètement à l'Ouest et qu'à mon sens il risque encore plus vite que les autres d'agir pour sa gueule avant d'agir pour mes concitoyens ?

     Je sais pas. Putain, je sais pas. Par contre, je sais que je vais voter. Si les votes blancs étaient comptabilisés, je sais ce que je voterai. Mais là... putain, j'en sais rien. Et si y'a bien un truc que je veux faire, c'est ne pas me gourrer. Mais si j'aborde cette élection avec ces interrogations, c'est que comme tout un chacun je les aborde en future victime de désillusion que je refuse d'être, mais que je serai à tout coup. C'est pas du fatalisme, c'est juste de l'expérience. Et ça, plus que tout, ça me fout les boules.

-G4rF-

lundi 12 mars 2007

Ci git Lucky Jacques

Fond sonore : rien (pas le temps)

      L'homme qui mentait plus vite que son ombre.Il s'éteint comme il vécut : souriant devant, suintant derrière, serrant les mains et signant des chèques sans provision avec le même appétit.
      Distillant l'amour du pouvoir autant qu'il méprisait les conséquences de son mauvais usage, réservant chaleureusement quelques perchoirs exclusifs où abriter ses amis de la vindicte des basses classes, Jacques Chirac s'en va le bras levé bien haut, tenant en main comme dernier hommage à soi-même une de ces vessies qu'il affectionnait de nous faire prendre pour des lanternes afin d'éclairer le chemin cahotant qui, nous l'espérons tous, le mènera du palais de l'Elysée au palais de Justice sans passer par la case départ ni toucher 2 briques (même si l'abysse du déficit n'est plus à ça près).
      Sans toi, Mururoa ne bouillonnera plus de la même manière. Les veaux garderont leur tête vissée sur les épaules. Les culs de vache n'auront plus ce lustre que seul toi, flagorneur sans pareil, expert en cirage de pompe pour faire oublier ta consternante incompétence à tes administrés, savait leur donner.
      Il eut une vie exemplaire, du genre d'exemple à ne pas suivre. Souvenons-nous de cet écolo tardif brassant plus d'air qu'une éolienne, ce chantre du panafricanisme qui aida Total à vampiriser les ressources des pays amis, celui qui serra la main de Poutine en laissant le Dalai-Lama attendre à la porte de la présidence sans jamais lui ouvrir. Ayons une pensée pour ce géant qui jalonna son parcours en marchant sur la tête de ses amis pour ne pas être éclaboussé par la boue des affaires-pé-ère où nombre d'entre eux clapotent encore, moribonds, en espérant que ce nouveau Jésus leur commande de se lever et de marcher. Les cons.
      Lucky Jacques n'est plus. En attendant qu'un matricule lui soit affecté et qu'il soit libéré pour raison médicale comme Papon le fringant, ne laissons pas en nous s'éteindre le souvenir de toutes les fois où l'agité de l'Elysée s'est foutu de notre gueule.
      Qu'il prenne enfin son foutu bain dans la Seine. Après on pourra causer.

-G4rF-