lundi 16 décembre 2019

Poème express [229/365] - En deuspi

En deuspi
J'abhorre les jargons, les langages obscurs,
Les savoirs confinés par des mots réservés
La tendance au Babel qui à ce jour perdure
Compliquant le travail pour qui veut s'éduquer

Derrière toutes les sciences le jargon s'abrite
Et crée sa sous-culture élitiste et choisie
Suffisante et pédante, fausse et hypocrite
Au codex chargé de morgue et de mépris

Et pourtant je chéris quelques mots de naguère
Et leurs contreparties des temps les plus récents
Nullement prétentieux, ces argots populaires
Font la nique aux cryptolangages des savants

En jactant l'argomuche, en causant en loucedé
On rend inaccessible aux oreilles altières
Les secrets bien banals de ceux qui vivent à terre
En leur tendant le miroir de l'opacité

J'affectionne ces mots, ce dictionnaire d'en bas,
Qu'on apprend à l'école quand on n'écoute pas,
Des locutions apprises en scred et en deuspi
L'argot est le langage des humbles et des petits
--G4rF--

mardi 10 décembre 2019

Poème express [228/365] - Sweetie

Sweetie
C'est parce que je n'y ai pas pensé
C'est parce que je n'ai rien demandé
C'est parce que tu étais là
Que mon bras s'est posé sur toi

J'ai fait une place dans ma chaleur
Tu en as fait dans ta douceur
Et le souvenir de cet acte
Ce précieux, délicieux contact

Est encore là, en moi, sur moi
Après ces semaines et ces mois
Me consumant à petit feu,
Me consumant, et c'est tant mieux
--G4rF--

lundi 9 décembre 2019

Poème express [227/365] - A peine sortis de la jungle

A peine sortis de la jungle
C'est l'heure de l'internet, du buzz en continu,
Tweet, email et chatpost, story et bien plus
Tellement de mots, de sons, commentaires et images,
Qui dans nos mémoires viennent saturer toutes les pages

Fini le temps lointain de l'éther paisible
Qui bruisse aujourd'hui d'ondes sur toutes les fréquences
Fini de s'informer par des faits, du tangible
La rumeur a détruit cette noble exigence

Le monde pourtant n'est pas devenu frénétique
Parce que les hashtags et les trends l'ont voulu
Il était déjà fou, agité, hystérique
Ca se voyait bien moins, aujourd'hui c'est tout vu.

Que faisons-nous de ça, masse protéiforme
D'informations diverses aux qualités douteuses ?
Au lieu de nous élever, elle nous rend uniforme
Toujours en réaction aux breaking news juteuses

Cette vague nous porte-t-elle, ou nous submerge-t-elle ?
Peut-on s'y appuyer, prendre de la hauteur ?
Ou la subissons-nous, fracassante et mortelle,
Nous tirant vers la bas de toute sa vigueur ?

J'observe l'avalanche du déclin général
La fourmilière humaine attisant en son sein
Un feu consumant tout, insidieux, tumoral,
Dans la fuite éperdue vers toujours plus de gain

En prenant du recul, on le voit apparaître,
Le visage du mal composé de milliards
De brèves, de flashs, de bruit, d'exclu et d'à paraître,
Tous marqués par le sceau d'un mépris sidéral

Pour l'horizon duquel nous nous rapprochons tous
Accélérant chaque jour pour un p'tit sou de plus
Cette ligne de feu délimitant la brousse
Derrière laquelle, c'est sûr, nous n'existerons plus.

Le grand mur est tout proche et seuls quelques-uns freinent
Notre espèce adaptable refuse de s'adapter
Vivant grand train aux frais d'une terre épuisée
Persuadée de vivre toujours, quoi qu'il advienne

Nous étions des symbiotes, nous voilà parasites
Un virus agressif causant sa propre perte,
Myopes et imbéciles qui consomment, phagocytent,
Des Attilas laissant leur terre morte et déserte

Apprendrons-nous un jour ? Saurons-nous évoluer ?
Ou bien finirons-nous dans les marges du cahier
De l'histoire des espèces, rayés d'un trait de plume,
Échec évolutif à l'infamie posthume ?

Serons-nous les plus bêtes des êtres intelligents ?
Pourrons-nous échapper à la condamnation
En cessant de nier notre frêle condition
D'êtres issus du sol, dont nous sommes dépendants ?

A peine sortis de la jungle, si peu évolués,
Nous brûlons la forêt qui nous a fait grandir
Dont dépendent nos vies, nos enfants, l'avenir.
Nos racines hors du sol, nous mourons desséchés.
--G4rF--

vendredi 29 novembre 2019

Poème express [226/365] - Les croûtes et le chef-d’œuvre

Les croûtes et le chef-d’œuvre
Pour un seul génie, combien de tâcherons
Pour une seule âme pure, combien de coeurs souillés
Pour un seul chef-d’œuvre, combien de pauvres croûtes

Pour une réussite, combien d'échecs cuisants
Pour une seule victoire, combien d'amères défaites
Pour un sommet atteint, combien d'inexpugnables

Il n'est pas de génie qui n'ait été tâcheron
Il n'est pas d'âme pure n'ayant été souillée
Il n'est pas de chef d'oeuvre non précédé de croûtes

Il n'est nulle réussite sans échec antérieur
Il n'est nulle victoire sans défaite passée
Il n'est nul sommet ne s'étant refusé

Les pierres dont on bâtit les plus brillants succès
Sont extraites des carrières où naissent les fiascos.
Mais le succès n'est pas le destin obligé,
L'impératif qui seul apporte la dignité.
Ratez, foirez,  loupez, plantez-vous avec joie,
Un échec coûte moins que ce que chacun croit.
On y laisse du temps, de la fierté parfois,
Mais on en sort meilleur, plus fort, à chaque fois.
Et par hasard, un jour, et même sans le vouloir,
A la place d'une croûte, un chef d'oeuvre se fait voir.
--G4rF--

Poème express [225/365] - Revenir à la barre

Revenir à la barre
La face éclaboussée par la vague d'étrave
Suspendu par un pied aux cordes du plat-bord
Saoûl sur un bateau ivre, à peine plus qu'une épave
L'horizon embrumé ne promet aucun port

Le compas sans repère, les cartes inutiles,
Emporté par les vents vers un but inconnu
J'ai laissé mon esquif à son destin futile
Errant et dérivant en un cours saugrenu

Et moi, le capitaine, chef sans équipage,
J'ai cessé de courir de dunette au beaupré
Laissé fléchir haubans, pataras et étai
Et noyé dans le rhum les vagues et leur tapage

Et maintenant que faire ? Le tonneau est à sec,
Mon foie à l'agonie n'aura plus sa ration.
Dessaoûlé par le sel, je remonte sur le teck
Empoissé d'algues brunes, glissant comme un savon

Je chute mais je progresse, rejoignant lentement
La roue de bois usée qui tourne librement
La poigne chancelante, je la stoppe et m'agrippe
Attendant que le malaise en moi se dissipe

Alors un grand miracle devant moi s'accomplit
La brume interminable s'effiloche, se perce
Un éclat de lumière solaire la disperse
J'ai de nouveau un cap et vogue vers le midi.
--G4rF--

mercredi 27 novembre 2019

Poème express [224/365] - Sous la crasse, l'émail

Sous la crasse, l'émail
Une réclame qui devient une décoration
Une décoration qui devient une relique
Salie, tâchée de suie, de quelque crasse antique
Accrochée par deux clous sur une poutre au plafond

Elle n'a rien d'un trésor, rien de particulier
Sauf d'être un vaisseau lancé dans le passé
Par une marque croyant résister à l'avenir
Et dont le nom perdu n'évoque nul souvenir

Clamant les mérites d'une enseigne oubliée
Sous l'enduit de souillure ternissant ses couleurs
Elle est comme une bouteille à la mer lancée
Et repêchée trop tard pour sauver son lanceur

Un témoin du passé, un héraut du futur
Un memento mori froid et silencieux
Dont l'émail nettoyé orne aujourd'hui mon mur
Un bout de nostalgie théâtral et précieux.
--G4rF--

lundi 25 novembre 2019

jeudi 21 novembre 2019

Poème express [222/365] - En route pour la joie

En route pour la joie
Des données en averse
Du travail en pagaille
Des choses, choses à faire
Des choses, choses à dire

D'une boîte à une autre
D'une mission, la suivante,
Bonjour, merci, au revoir
Ça marche, ça marche pas

On prolonge, on arrête,
On démarre ou on stoppe
Des kick-off et des REX
Et puis des réunions

Comités, ateliers,
On workshoppe, on brainstorme,
Post-it sur le mur
Sticky wall dans la tête

Méthode et best practice
Agile ou à l'arrache
Bâtissons sur du sable
Industriel jetable

Galopant, badge au clair
Vers ce futur radieux
En route pour la joie
Du service consommable
--G4rF--

mercredi 13 novembre 2019

Poème express [221/365] - Cette envie qui la bouffe

Cette envie qui la bouffe
Elle était merveilleuse, elle l'est toujours, mais triste
Elle était amoureuse, elle l'est d'un autre, meilleur
Elle avait ce désir, cette envie altruiste
De porter, mettre au monde, son enfant, son bonheur

Elle avait ce désir, cette envie qui la bouffe
Et elle avait aussi un truc qui n'allait pas
Tant d'efforts sans succès, et sa flamme qui étouffe
Sentant l'espoir faiblir, reculer pas à pas

Pas d'enfant malgré tout, malgré les traitements,
Les FIV et les médocs pour rebooter son corps
Pas d'enfant après tout, et voilà maintenant
Que surgit en son sein le suprême anticorps

Mangée par le désir, elle se fait grignoter
Sans répit, sans repos, sans merci, sans bravo,
Elle range dans une enveloppe sa maternité
Porte le sabre au clair, repousse le caveau

Je lui souhaite enfin un peu de contentement
Je lui souhaite la paix et le rétablissement
Je lui souhaite la vie, elle qui en sauve tant
Je lui souhaite tout, et enfin, son enfant.
--G4rF--

mardi 12 novembre 2019

Poème express [220/365] - Pousser le son

Pousser le son
Le bruit blanc, l'épuisement, les repères qui s'effacent
Le décor se dissout en pixels parasites
Les sens saturés, la conscience se délite
Les horizons s'embrument et fondent dans la masse

Tout est tout, tout est trop, le chaos devient roi
Les cartes mélangées, et le Nord est perdu
Maelstrom rugissant et sans dessous dessus
Aspirant dans un puits le temps, les mots, la voix

Dépassé, secoué, agité, frissonnant
Dans un monde en patchwork toujours recomposé
Perdant ma subsistance, enseveli, noyé
Ne reste qu'un souvenir, une idée de présent

Alors je m'y accroche, cherchant un rythme, un pouls,
Un choc ordonnateur secouant la confusion,
J'attrape la fréquence et je pousse le son
D'un chant de résistance à la clameur des fous.
--G4rF--

mardi 22 octobre 2019

Poème express [219/365] - Encore une petite virgule

Encore une petite virgule
Ajoute un mot, essaie encore,
Complète un blanc, noircis ta page
Mets de l'espoir dans ton effort
Écris, écris, fais ton ouvrage

Reprends le fil, brode, enjolive,
Cisèle et sculpte, choisis le verbe
Qu'il saute et plonge, qu'il meure et vive,
Fais le subtil, agile, acerbe

Et même quand tu n'as plus la force
D'adjoindre au texte une seule lettre
Exprime à l'encre ce mal-être
Accroche-toi et réamorce.
--G4rF--

vendredi 17 mai 2019

Poème express [218/365] - Mon rêve le plus fou

Mon rêve le plus fou
Une nuit de sommeil sans trouble ni interruption
Être dès le réveil tonique et bien luné
Plus aucun craquement quand je me mets debout
Aucune arrière pensée qui vienne me polluer
Trouver la table mise, et le thé qui infuse
Couper en tranches mon pain pendant que mes filles s'amusent
M'asseoir à table sous un rayon de soleil
"Laisse, je m'en occupe", "va donc te préparer"
Remonter à l'étage sans plus être essoufflé
Avoir tout mon temps pour les gestes du matin
M'habiller sans lutter, sans mal pour me plier,
Partir sans me presser pour mes activités
Sans souci, sans angoisse, sans peur de rater
Un ancien engagement qui m'aurait échappé
Pouvoir me concentrer, faire ce que j'ai à faire
Échapper à l'envie de me laisser distraire
Être à la hauteur de ce que j'attends de moi
Réfléchir, concevoir, décider sans tracas
Oublier la pendule et son foutu tic-tac
Oublier échéances, obligations et stress
Oublier les délais, les deadlines, les contrats
Faire ce que je sais faire, libéré de tout poids
User de mon savoir, et faire valoir mon droit
A la paix de l'esprit et au repos du cœur
A la paix de l'esprit et au repos du coeur
--G4rF--

Poème express [217/365] - A plus tard

A plus tard
Je rends le temps homéopathique
Je le dilue, je l'étends, l'allonge
De l'eau, de l'eau, c'est symptomatique
Avec moi chaque instant se prolonge

Je repousse et repousse l'échéance
Je sautille de report en report
Mais mon travail, comble de malchance,
Est de mener les choses à bon port

De tenir des horaires et des dates
Dire le qui et le quoi et le quand
S'oppose à ma nature renégate
Je suis de ceux qui étirent le temps

--G4rF--

mercredi 15 mai 2019

Poème express [216/365] - Au bout du rouleau

Au bout du rouleau
La lame naît du fond et s'avance, massive
Toute son énergie la pousse au fond des eaux
S'épuisant dans sa course, elle s'approche des rives
De sa force première ne reste qu'un rouleau

Qui enfle près des côtes dans un dernier baroud
Usant de sa puissance pour bomber la surface
La vague de la mer s'arrache et se dessoude
Et bondit vers le ciel en un état de grâce

Déjà brûlé par l'air, le rouleau se délite
Sa transparence meurt dans le blanc de l'écume
Étendant un long voile qui à son tour s'effrite
Et pleut en gouttes froides d'un souvenir de brume
--G4rF--

lundi 13 mai 2019

Poème express [215/365] - La vérité nue

La vérité nue
Dans le tranchant des lettres, sur le fil des syllabes
Derrière les mots de reître, sous le noir des vocables
Au rythme des sonnets aux rimes embrassées
Sous les pages assommées des recueils encrassés

Elle est là qui se tient, lentement se révèle
Pièce par pièce sous la lumière des mots crus
Son dessin incertain se dénoue, se démêle :
La Némésis des fous, c'est la vérité nue.
--G4rF--

vendredi 12 avril 2019

Merci d'avance

Les favoris annoncés de la machine à fabriquer l'opinion ont un message à transmettre.

Faites passer si ça vous parle... et si ça vous parle pas, trouvez quelqu'un qui vous l'explique.
--G4rF--

lundi 1 avril 2019

Poème express [214/365] - Le taff

Le taff
S'il sert à quelque chose de plus qu'à subsister
S'il apporte du sens à qui en recherchait
S'il permet des rencontres qui vous bougent la vie
S'il génère plus d'attrait qu'il n'attire l'ennui

S'il est de ces métiers qui sont une passion
S'il n'a besoin pour plaire que de votre attention
S'il peut être expliqué au premier inconnu
S'il vous laisse plus riche à la fin qu'au début

Alors un taff mérite que l'on s'y intéresse.
--G4rF--

On n'a pas tous le même GPS

...ou "pourquoi la gauche se viande alors qu'elles a les bonnes idées et les bonnes personnes"

Au commencement du début

J'ai reçu comme chaque semaine un message issu du site "La sociale", dont je recommande d'une façon générale la lecture car le contenu critique qui y est développé me paraît qualitatif et instructif.
J'ai découvert ce site consécutivement au départ du Media de Jacques Cotta, qui y préparait et présentait l'émission "Dans la gueule du loup" (DLGL), émission elle aussi de haute qualité et dont la disparition m'a d'autant plus attristé que les raisons qui l'ont amenée sont médiocres.

Me promenant de lien en lien, je retombais sur la lettre de la semaine précédente signée par Jacques Cotta, dont le contenu m'a fait à la fois bondir et claquer ma main sur le front de désespoir (un exploit qui n'est pas accessible à tous... essayez, vous verrez).
La lettre en question est lisible ici.

Le problème, c'est les autres ?

Bondir parce que cette lettre part du principe qu'en soutenant la marche pour le climat le même jour qu'une manif de gilets jaunes, les militants insoumis ont choisi une urgence moins élevée que celle contre laquelle se battent les gilets jaunes. Etant moi-même militant insoumis et gilet jaune, je sais de source sûre que cette façon de voir n'est pas juste.
Claquer la main sur le front parce qu'une fois de plus, je vois la machine à perdre en plein travail, cette détestable habitude propre à tout ce que la France comporte comme personnes engagées et militant pour un projet humaniste et progressiste : faire caca verbalement sur les petits copains parce qu'ils s'y prennent mal pour mener leur combat. Je caricature évidemment, mais je pense que vous y reconnaîtrez quelque chose que vous avez déjà vu.

Le problème, c'est moi !

Selon moi, voilà ce qui se passe, lisible ci-dessous sous forme très condensée, puis moins condensée, puis totalement expliquée :
- le problème, c'est moi ;
- le problème, c'est qu'on oublie que tous ceux qui marchent vers Rome ne prennent pas forcément le même chemin pour s'y rendre que nous ;
- le problème, c'est que la spécificité intrinsèque qui permet de dire de quelqu'un "lui, il est de gauche", c'est qu'il a totalement intégré dans son mécanisme d'analyse critique une étape préliminaire et inévitable : questionner la validité de toute forme d'autorité lui suggérant une façon de faire.

Je m'explique

Pour expliquer ce que c'est, la "pensée de gauche", pour peu qu'il y ait un sens à faire cet exercice, il y a selon moi deux façons possibles de s'y prendre (non exclusives l'une de l'autre). La première, c'est d'expliquer ce qu'est la gauche politique, parler des penseurs, des analystes, de tout le spectre des tendances et courants, pour dessiner avec de nombreuses nuances et estompes le nuage galactique de la gauche politique passée et actuelle. Extensif, efficace, mais long, et ouvrant sur des débats dans les débats qui sont certes intéressants mais vous garantissent aussi de saigner des oreilles à un moment ou un autre.
La deuxième, c'est la technique dite de "l'empreinte en creux" : parlons de ce que n'est pas la gauche, et une fois qu'on aura décrit tout ce qui est "en dehors", ce qui restera, c'est la gauche. Pas du tout extensif, relativement efficace, mais surtout diablement rapide. Essayons cette méthode.

L'empreinte en creux de la gauche... bin c'est la droite.

A quoi reconnaît-on la droite ? A ses valeurs.
Discutables, adoptables pour certaines (sous réserve), méprisables pour d'autres, mais elles existent, et chacun en pense ce qu'il veut.
Pour le sujet qui m'occupe aujourd'hui, je dirais que la valeur essentielle caractérisant un point de vue de droite, c'est le respect intrinsèque pour l'autorité.
Ceci ne signifie nullement qu'il n'y aura pas de combat ou de contestation de l'autorité dans un mouvement de droite, mais que, à l'instar de ce que l'on peut voir dans le règne animal chez bien des espèces fonctionnant par domination et soumission, celui qui remporte le combat des chefs gagne automatiquement le respect des non-chefs.
Le chef parle, on l'écoute, et on part du principe qu'il sait ce qu'il dit puisqu'il est le chef, donc que le groupe a reconnu sa compétence à présider aux choix du groupe. La confiance en sa parole est acquise par défaut, il faudra prouver qu'il a tort pour que cette confiance soit remise en question.
L'a-priori de droite sur les décisions prises est positif.

Et à gauche, c'est l'inverse. A gauche, toute opinion professée par un porte-parole sera d'emblée soumise à la question : de quel droit ce mec me dit-il ce que je devrais penser ? Où essaie-t-on de me conduire ? Est-ce que ce gars ne serait pas encore un de ces fumiers qui me vend du rêve et prétend soutenir mon combat universel, juste pour se trouver une astuce qui, à terme, lui permettra de bronzer peinard en me laissant, moi avec tous les autres, au bord de la route et toujours dans la mouscaille ?

Et, peut-être par habitude d'appliquer cette analyse critique à tout ce qui sort de la bouche ou de la tête d'un leader (ou présenté comme tel) de la gauche politique française, on arrive à l'effet inverse de la droite : l'a-priori de gauche sur les décisions prises est négatif.

L'usage de la métonymie provoque une myopie de l'opinion

Il en résulte que, quelle que soit la parole prononcée ou l'option retenue par tout ou partie d'un groupe militant, d'un mouvement ou d'un parti de gauche, on commencera d'abord par une péroraison sur tout ce qu'il emporte de mauvais, avant de se pencher (s'il reste du temps) sur ce qu'il amène de bon.
Je vois dans la lettre de Jacques Cotta un exemple flagrant de cette tendance, d'autant plus chagrin de mon point de vue que je suis personnellement convaincu que ce type est très malin et tout à fait compétent dans ses analyses. Mais là, sur ce coup, je ne valide pas.
En premier lieu, l'analyse qu'il porte procède d'une forme de métonymie, c'est à dire prend une partie de quelque chose pour l'ensemble, que je trouve infondée. Supposer que, parce qu'un cortège de militants France Insoumise se place à l'arrière d'une manif internationale réclamant l'action politique pour faire face à l'urgence climatique, alors la totalité de la France Insoumise et de ses militants partagerait intégralement cette façon de faire et soutiendrait à 100% cette manière d'agir, c'est une métonymie. Et là aussi, je sais de source sûre que la réalité de terrain est tout autre.
La première raison à cela est que, si la totalité des militants insoumis avait manifesté avec Manon Aubry, le défilé des gilets jaunes eut été moins fourni : dans ma campagne comme dans les villes, un nombre tout à fait conséquent de militants FI sont des gilets jaunes. Ils choisissent leurs défilés et leurs actions comme des grands, et n'attendent pas les mots d'ordre, pas plus qu'ils ne les respectent aveuglément (d'ailleurs, les "tronches" de la France Insoumise sont assez intelligentes pour savoir que s'ils utilisent le terme "mot d'ordre", ça va gueuler un peu).
Avec cette métonymie, l'opinion qu'on se forme est frappée de myopie : certes on voit bien de près des insoumis dans un cortège et pas dans un autre, mais on voit mal de loin la mobilisation générale sur de multiples fronts qui caractérise mieux l'action des porteurs du mouvement.

Sur l'impossible ubiquité

Vu de l'intérieur du mouvement insoumis, sur lequel j'ai par ailleurs des critiques à formuler (n'oubliez pas : je suis de gauche, donc j'ai des choses à dire sur ce qui ne va pas chez mes potes), je constate que bien des observateurs plus ou moins partisans passent à côté d'une réalité bien triste et proverbiale : on ne peut pas être à la fois au four et au moulin.
On ne peut pas être à la fois dans un défilé gilet jaune et dans un défilé climat... sauf le jour où, volontairement, ces deux actions se rejoignent.
Ce fut le cas chez moi, à Ancenis, le week-end où se tint l'événement que Jacques Cotta déplore selon moi pour de mauvaises raisons.
Plus généralement, chaque jour pour les militants le questionnement revient : où agir pour être efficace à la transformation du monde que nous souhaitons ? Serait-ce mieux d'être avec les gilets jaunes, dont beaucoup sont des oubliés du système qui ne s'étaient jamais mobilisés politiquement et à qui apporter un soutien dans l'action peut faire du bien, donner de l'énergie pour continuer, aider à faire aboutir les revendications pour obtenir le futur qu'ils souhaitent et que je souhaite aussi ?
Au collectif des coquelicots, qui réclament l'interdiction des pesticides pour obtenir le futur qu'ils souhaitent et que je souhaite aussi ?
A la marche pour le climat, honteusement récupérée par des soutiens de Macron le jour même où le gouvernement se torchait à l'assemblée avec les pompeux engagements du petit roi quant au changement-c'est-maintenant climatique, dont la plupart des participants veulent qu'on transforme la société pour arrêter de défoncer le seul habitat connu compatible avec la vie humaine, pour obtenir le futur qu'ils souhaitent et que je souhaite aussi ?
Aux collectifs de soutien aux migrants ? Aux associations anti-corruption ? Aux groupes luttant pour l'égalité des droits des femmes, contre le travail des enfants, contre l'évasion fiscale des ultra-riches ? Autant de groupes de personnes pas forcément étanches les uns aux autres, luttant pour obtenir le futur qu'ils souhaitent et que, nom d'un chien, je souhaite aussi.

L'action politique est une navigation

Il est donc nécessaire selon moi de garder à l'esprit que notre instinct critique politique est susceptible de faire de nous, contre notre volonté première, des armes de démoralisation massive de gens qui veulent, au fond, la même chose que nous mais qui n'empruntent pas la même route pour y arriver.
Au fil des années passées à discuter, lire, débattre, battre le pavé, me faire critiquer et me prendre des claques idéologiques, je pense avoir cerné de la sorte une forme de précepte utile à garder par devers soi comme pense-bête pour aider à faire de nos actions des outils de construction de notre avenir qui ne détruisent pas le moral de nos copains : l'action politique est une navigation.
Chacun sur son bateau, ou plutôt sa galère, nous nous fixons un cap, et la plupart de nous partageons ce même cap, mais nous ne sommes pas placés sur les mêmes mers, nous ne partons pas des mêmes ports, nous ne voyagerons pas forcément sur les mêmes routes.
Nous n'avons pas les mêmes GPS, et s'il nous est permis d'alerter par radio nos camarades de transat sur le risque d'un récif qu'il leur faudrait contourner, il nous incombe d'apprendre à maîtriser notre colère critique pour la tourner là où elle sert notre objectif commun : contre les manœuvres dilatoires et destructrices de nos adversaires, éventuellement aussi contre les erreurs que nous commettons nous-même.
Mais pour ceux qui nous accompagnent, en idées tout du moins, sur la longue traversée vers le futur à construire tous ensemble une fois accostés sur la gauche de la carte, faisons d'abord provision de magnanimité, de mansuétude et de compréhension à leur intention.
Nous n'aurions peut être pas navigué comme eux, mais, absents que nous sommes du pont de leur navire, nous n'y tenons pas la barre et n'avons nul droit de démoraliser leur navigateur : pas plus que lui nous ne sommes sûrs de la meilleure route à suivre.

Corollaire

Les plus subversifs des lecteurs de ces mots souriront jaune en constatant que, dans un article où j'encourage à y aller mollo sur la critique des autres pour faire avancer nos idées, je pratique avec allégresse la critique des autres pour étayer mon propos.
Je suis bien conscient de cette mise en abîme et de l'ironie absurde qu'il y a à faire cet exercice consistant, d'une certaine façon, à taper sur la tête des gens qui sont occupés à se taper sur la tête en leur criant "non mais vous allez arrêter de vous taper sur la tête ?!".
A titre d'excuse, ou de justification, ou de point d'intérêt pour expliquer ma démarche, je dois souligner que, depuis que j'ai découvert ce que signifiait l'expression "pensée latérale" et l'écho qu'elle donnait à la notion mathématique et physique de "dimension" (et notamment de dimension supplémentaire ajoutant un degré de profondeur et de mouvement possible à quelque chose jusque là bloqué dans un "plan" plus restreint d'évolution et de transformation), je m'efforce de faire un pas de côté et d'observer les situations complexes de cette façon.
Il s'avère que, dans le domaine des relations sociales, où les défauts de communication et de compréhension représentent selon moi 95% des causes des problèmes auxquelles on s'attelle, une conclusion du genre "communiquez mieux" adressée à des gens qui s'efforcent de se faire entendre et qui, ce faisant, ont du mal à s'entendre, est quasi-inévitable.
D'où l'ironie.
--G4rF--

#politique #gauche #giletsjaunes #franceinsoumise #fi #lfi

jeudi 28 mars 2019

Poème express [213/365] - Le petit nouveau

Le petit nouveau
Il est venu au monde il y a six mois de ça
Et presque aussitôt il s'est retrouvé en taule
Sans famille, sans nom et bien sûr sans un toit
C'est la vie de nos jungles qui l'a mené en geôle

Et c'est là que je suis allé le rencontrer
Que j'ai pris sur moi d'en faire mon compagnon
Engagement résolu sans durée limitée
J'accueille le cinquième membre de ma maison

Il est noir et petit, timide mais téméraire
Et dans ses yeux dorés, la pupille fendue
Observe le manège de nos vies ordinaires
Qu'il vient pour chambouler, ça, c'est bien entendu.
--G4rF--

Poème express [212/365] - La première flamme

La première flamme
A qui lira ces lignes et chercherait comment
Apprendre à faire naître la saveur de l'espoir
Il n'est rien de plus simple, c'est un vrai jeu d'enfant
Tout commence par le froid, le vent d'une nuit noire

Passez-y quelques heures, sans manger, sans abri,
Sentez dans votre chair la morsure frigide.
Surtout restez bien seul, loin des voix et des cris,
Pour faire grandir en vous les sentiments morbides.

Quand tout votre être tremble, quand vous n'en pouvez plus,
Qu'un simple verre d'eau tiède vous serait un délice
Amassez au plus vite quelque fagot ténu
De babioles combustibles, branchettes et éclisses.

Confectionnez un tas que votre corps abrite
Du souffle de Borée qui vous gèle les sangs
Penchez-vous par dessus et sortez au plus vite
La dernière allumette d'une boîte de cent

De vos mains grelottantes, gourdes et douloureuses,
Craquez-la et voyez comme sa lueur vacille.
Sentez au fond de vous les vagues impérieuses
De l'espoir naissant du feu de cette brindille.

Et quand du foyer jaillit la première flamme
Et que de la chaleur s'entendent les craquements
Voyez comme l'espoir inonde toute votre âme
Car l'âtre se réveille, et vous êtes vivant.
--G4rF--

Poème express [211/365] - Une boucle

Une boucle
Il faudrait peu de choses pour me sentir heureux
Un soupçon de parfum qui enchante mes sens
Un regard amoureux que tu laisserais passer
Un mot tendre ou grivois doucement murmuré
Un geste de tendresse fait en toute innocence
Sentir sur mes doigts une boucle de tes cheveux
--G4rF--

Poème express [210/365] - Celui que je ne suis pas

Celui que je ne suis pas
L'homme qui réussit tout ce qu'il entreprend
Qui n'a dans son placard que de maigres fantômes
Celui qui jamais ne triche et jamais ne ment
Qui va de l'avant, chaque jour plus autonome

L'homme qui n'a pas de faille et pas d'arrière-pensée
Qui fait face au passé sans ombre en son regard
Celui qui sait toujours où il pose son pied
Qui ignore même ce que veut dire le mot couard

L'homme aux desseins lucides et aux nobles désirs
Qui rachète ses fautes, restant vierge, sans tache,
Celui dont le parcours est modèle d'avenir
Qu'aucune flétrissure ne ternit ni n'entache

L'homme que chacun admire, qui force le respect
Que les plus jeunes voient comme sur un piédestal
Celui qui est puissant, malin et circonspect
Toujours plaisant, gentil, souriant et amical
--G4rF--

Poème express [209/365] - Idiot

Idiot
Je veux rester stupide et ne pas m'encombrer
De tant de pantomime et de manières de faire
Je veux rester sans fard, réel et sans apprêt
Savourer le goût brut des joies et des colères

Je veux cesser d'avoir à toujours calculer
Maîtriser la passion et adoucir le fiel
Je veux me permettre d'agir en liberté
Délaissant les tactiques, allant à l'essentiel

La diplomatie m'use, l'habileté m'ennuie
Je veux rester idiot et foncer bille en tête
Égoïste et sincère et sans trace de vernis
Sans pilule dorée : franc et brutal et bête.
--G4rF--

Poème express [208/365] - Loin

Loin
Elle s'éloigne de moi, elle s'éloigne de nous
Son chemin est le lit du bras d'une rivière
Elle s'éloigne de moi, elle s'éloigne de nous
Elle va vers d'autres rives et me laisse derrière

Elle s'éloigne de moi, elle s'éloigne de nous
La douleur qu'elle me laisse est tout ce qu'il me reste
Elle s'éloigne de moi, elle s'éloigne de nous
Je souffre sa mémoire, moi qui partit vers l'Ouest
--G4rF--

Poème express [207/365] - Dimensions

Dimensions
Il y a tout ce qui tient dans le plan d'existence
Et tout ce qui dépasse, perturbant l'harmonie
Chaque incongru relief facteur d'asymétrie
Ajoute sa dimension compliquant la conscience

Les problèmes se combinent plutôt qu'ils ne s'empilent
Etirant nos vies au long d'axes torturés
Matrices de contraintes trop longues à calculer
Et nous, désemparés, restons là, imbéciles.
--G4rF--

Poème express [206/365] - Fâché

Fâché
Oreille sensible aux mots des mauvaises conseillères
Subissant beaucoup trop de mauvaise manière
Agacé par l'abus de nos crédulités
Je me couche irrité et me relève fâché
--G4rF--

lundi 11 mars 2019

Poème express [205/365] - Ma caisse

Ma caisse
Avec elle j'ai bouffé mes premières longues routes
Et mangé du bitume et cramé de l'essence
Vu mes revenus partir en frais et dépenses
Pour garder roulante ma buveuse de mazout

Ce n'était qu'une machine, mais je me dis soudain
Qu'elle roule peut être ailleurs, sur de nouveaux chemins
Remise en état par un mécano habile
Ma vieille 205, mon ex automobile.
--G4rF--

Poème express [204/365] - Rayé

Rayé
Une tâche de plus, un truc à évacuer
Ligne parmi les lignes d'un fil interminable
Où s'enchaînent les choses à faire et terminer
Dont la litanie morne me fait bien misérable

Une tâche de plus, mais là, elle est en moins
Partie, biffée, rayée, dégagée de l'ardoise
Elle ne me toisera plus jamais, la narquoise,
Car j'ai réglé son compte. Allons, qui est l'prochain ?
--G4rF--

Poème express [203/365] - Un cheveu

Un cheveu
Sur la tête à Mathieu, sur la langue tout au bout,
Tout près, vraiment tout près, dans la soupe qui bout,
Tiré par eux tellement on a du mal à croire,
A s'en faire des blancs quand on angoisse, le soir

Moi je serai bientôt libre de ne plus m'en faire
Puisqu'ils me quittent tous, sauf quelques solitaires
Même en quatre on ne pourra plus me les couper
Ils étaient en bataille, je les ai décoiffés.
--G4rF--

Poème express [202/365] - A huis clos

A huis clos
C'est là qu'a lieu l'essentiel
C'est là que le plus fort est dit
Loin du public passionnel
Loin des regards et à l'abri

Ici naissent lourdes sentences,
Décisions aux accents tragiques
Ici le mot prend tout son sens
La phrase devient fatidique

Dans le huis clos il se discute
Le redoutable et l'incertain
La messe est dite, on s'exécute
Jusqu'au jugement du lendemain
--G4rF--

Poème express [201/365] - La pieuvre

La pieuvre
On reste stupéfait de voir ces créatures
Se glisser souplement dans quelque faille de mur
Se cacher au regard par art du mimétisme
Curieux céphalopodes à l'étrange esthétisme

Elle fait peur, elle fascine, elle étonne souvent
Et que sont ces ventouses, à quoi sert cet évent ?
Mais il reste toujours un mystère pour moi
Comment avec 8 bras ne trébuche-t-elle pas ?
--G4rF--

Poème express [200/365] - Chocolat

Chocolat

J'en ai fait défiler tellement de plaquettes
Qu'avec tant d'appétit la canine déchiquette,
Des quantités énormes de fèves torréfiées
Qui, par quelque magie noire se trouvent changées

En briques luisantes alignées sous la feuille
De métal attendant que l'on se laisse tenter
Le chocolat est une drogue si puissante
Que j'en croquerai encore au fond du cercueil
--G4rF--

vendredi 8 mars 2019

Poème express [199/365] - Moins une

Moins une
Le temps suspend son vol
En attendant que sonne
L'instant du grand jugement

L'homme retient son souffle
En attendant que tonne
L'éclair dans l'ouragan

La tension s'accumule
En vague pyramidale
Qui ne cesse d'enfler

C'est l'heure H moins une,
Moins la seconde fatale
Où tout est révélé
--G4rF--

Poème express [198/365] - Gourmandise

Gourmandise
Quand brille le sourire de ta gourmandise
Devant quelque douceur que je t'ai préparée,
Tu deviens à mes yeux merveilleuse friandise
Dont je désire sentir l'arôme sur mon palais.
--G4rF--

Poème express [197/365] - Poc

Poc
La goutte de pluie
Fait le tour de ton visage
Et rejoint le sol.
--G4rF--

Poème express [196/365] - Investir

Investir
Un placement de confiance, quelques obligations,
User de son crédit pour quelques belles actions,
Y mettre un peu du sien, peser dans la balance,
Investir, s'investir, mais jamais sans méfiance.
--G4rF--

mercredi 6 mars 2019

Poème express [195/365] - La voix de son maître

La voix de son maître
Comme un flot de mélasse propagé sur les ondes
Qui percute et traverse mon radio-réveil,
Le flux de propagande me tire du sommeil
Pour une autre journée de colère qui gronde

Comme en d'autres heures qu'on souhaitait disparues
La vérité est tue et Radio-Paris ment
Le fait du prince allume le feu jaune dans la rue
Et l'éditorialiste dénigre le mouvement

De la voix de son maître, le toutou officiel
Explique et justifie la descente aux enfers
Repeint la misère noire en bonheur arc-en-ciel
Béatifiant le roi en champion de la terre

Fabrique d'opinion tournant à plein régime
Gangrenant l'espoir en de meilleurs avenirs,
Et nous, les résistants, solides et légitimes,
Lutterons chaque jour jusqu'à la voir périr.
--G4rF--

Poème express [194/365] - Avant l'heure

Avant l'heure
Comme elles s'étirent, et durent, et s'éternisent
Ces secondes de trop que l'on subit en plein
Lorsque nos yeux s'entrouvrent avant l'heure au matin
Attendant qu'avec nous, le monde se synchronise
--G4rF--

mardi 5 mars 2019

Poème express [193/365] - La béquille

La béquille
Une béquille fatiguée d'avoir soutenu à toute force
Des affaiblis, des éclopés, des pieds cassés et des entorses
Décida de les planter là pour conquérir sa liberté
Et tout aussitôt s'étala, victime de son manque de pied.
--G4rF--

Poème express [192/365] - Cadre

Cadre
Pour voir le tout et la partie, il est utile d'avoir un cadre.

Un cadre pour focaliser, orienter l'observation.
Un cadre pour souligner, mettre en lumière l'aberration.

Un cadre aussi pour découvrir que l'ouverture en est contrainte,
Que l'image qui s'y révèle ne saurait être que restreinte.

Un cadre pour démasquer le relief et l'empreinte en creux.
Un cadre pour éduquer l’œil à voir plus loin et à voir mieux.

Pour voir le tout et la partie, il est utile d'avoir un cadre.
--G4rF--

lundi 4 mars 2019

Poème express [191/365] - Serrer le moteur

Serrer le moteur
Depuis des kilomètres déjà on perçoit
Ce crissement suraigu de la machinerie
Du métal torturé geignant à l'agonie
Ployant sous trop d'effort et sous bien trop de poids

Depuis des années déjà on le sent venir
L'arrêt définitif du groupe propulseur
Chant du cygne annonçant le serrage moteur
Toujours plus chargé sans rien pour le soutenir

Plus de lubrifiant, les pignons sont à l'os
Les chaînes et les courroies en suréchauffement
Durits déchirées par des pressions atroces
La friction soudera les pièces avant longtemps

Il en est des peuples comme il est des moteurs
Pour faire qu'ils travaillent il faut en prendre soin,
Satisfaire leurs souhaits, répondre à leurs besoins
Sans quoi votre parcours cesse de très bonne heure.
--G4rF--

Poème express [190/365] - L'erreur

L'erreur
Raté planté foiré loupé
Manqué zappé croûté vautré
Viandé banané rétamé
La grande prodigalité
Du lexique des énormités
Montre une prévalence élevée
De la défaite sur le succès
--G4rF--

Poème express [189/365] - Cicatrice

Cicatrice
Il va falloir couper, réséquer les tissus
Désinfecter la plaie et rapprocher les bords
Suturer et placer un pansement au dessus
De la morsure d'amour qui enfièvre mon corps
--G4rF--

dimanche 3 mars 2019

Poème express [188/365] - Un dernier job

Un dernier job
Avant d'enfin tirer le rideau
Et laisser les crampons au vestiaire
Il reste un job, un vrai sale boulot
Moi je suis payé pour les faire taire

C'est pas pour ça que j'avais signé
C'est pas ça que j'aurais voulu faire
Mais les patrons ont beaucoup changé
Depuis qu'ils sont là je vis l'enfer

Respecter la dignité humaine
Vaste programme, vaste connerie
Au feu les pions et jamais les reines
Grande partie d'échec sans merci

Mon casque est lourd et mon armure pue
Mes poumons brûlent, mon crâne me lance
Je ne veux plus jamais voir une rue,
Plus une manif et plus de violence

La quille approche, la retraite arrive
Que reste-t-il du vieux CRS ?
Que la révolte gagne l'autre rive
Et détrône ceux qui tiennent nos laisses
.
--G4rF--

Poème express [187/365] - Projectile

Projectile
C'est une chose de le voir sur un écran, cadré,
Dans le lustre clinquant de la télévision
Omettant les odeurs, les bruits, la confusion
Et de le voir soi-même, dans la réalité

C'est une chose de le voir s'élancer dans le ciel,
Dessinant une cloche bien au dessus des têtes
Et se scindant soudain, parvenu à son faîte
En multiples capsules de gaz pestilentiel

Il faut le voir soi-même, au milieu de la foule
Certes très en colère, mais restant pacifique
Venant empoisonner de ses miasmes toxiques
Des gens sans armes sur qui la troupe se défoule

Ces légions automates de soldats encasqués
Dont la procédure dit qu'ils sont là pour défendre
Et qui sous vos yeux se mettent à vous pourfendre,
A semer la douleur en toute gratuité

C'est une chose de le voir, une autre de le vivre
L'obscène violence des gouvernants terrés
Déployant la matraque pour venir museler
Les miséreux qui n'en peuvent plus de survivre.
--G4rF--

Poème express [186/365] - Encore un morceau

Encore un morceau
Je joue mal mais j'm'en fous
Et malgré les fausses notes
Je prends un plaisir fou
Car mes doigts pianotent
Avec maladresse
Mais avec délice
La main gauche d'une pièce
Qui me rend ton complice
--G4rF--

vendredi 1 mars 2019

Poème express [185/365] - Neutralisé

Neutralisé
Quelqu'un a décidé
De me reprogrammer
Hard reset effectué
Par un coin enfoncé
Dans mon crâne fracturé,
La mémoire effacée
Et les mots échappés
Par l'ouverture créée
S'envolent, évaporés,
Et me laissent planté,
En coquille évidée,
Inapte, inanimé,
Le méfait est signé
Coupable identifié
Au regard fixé
Sur moi, neutralisé,
Observant mon reflet.
--G4rF--

Poème express [184/365] - Mûrir

Mûrir
A supporter l'insupportable
Et tolérer l'intolérable,
Ne plus être choqué par rien,
Faire fi du mal comme du bien,

Aurais-je commis quelque erreur,
Emprunté un mauvais chemin,
Pour être insensible à l'horreur
Envahissant le quotidien ?

Est-ce par là que chacun passe
Quand les années prennent leur dû ?
Tout m'indiffère et tout me lasse
Plus rien ne semble avoir de but

Et l'exception devient la norme
La norme devient l'exception
Et tous les sens se rendorment
Malgré les cris, les explosions.

Est-ce que mûrir c'est accepter
L'inacceptable comme normal
Et la banalité du mal
Pour triste et seule réalité ?

J'espère que non, j'aspire à mieux
Qu'à cette pétrification
Si mûrir c'est mourir un peu,
Restons verts en toute saison.
--G4rF--

Poème express [183/365] - Moitié

Moitié
Encore un peu, un peu plus loin,
Encore un mètre, et puis un autre
Avance, avance, ne pense à rien
Relève-toi si tu te vautres

Encore une borne, une de plus,
Approche-la, dépasse-la
Chaque jalon est un bonus
Prends-le, ne te retourne pas

Je suis au milieu de la course
Précisément à la moitié
Trouverai-je en moi la ressource
De faire le chemin en entier ?
--G4rF--

PS : aujourd'hui j'écris le 183ème poème, ce qui signifie que j'ai atteint la moitié de l'objectif de ce projet de taré pour lequel je ne suis absolument pas fait. Mais j'l'ai fait quand même. Yay !

jeudi 28 février 2019

Poème express [182/365] - En travaux

En travaux
Près des cônes de Lübeck et de la rubalise,
De la signalétique annonçant le chantier,
Les feux et les peintures, les panneaux déportés,
Les fardiers suspendus, des bras se mobilisent.

Il y a du changement, de gros travaux dans l'air
Et les engins s'activent en de puissants efforts
On s'agite, on déplace, on porte et on s'affaire.
Tout est à rebâtir. Il va y avoir du sport.
--G4rF--