vendredi 12 avril 2019

Merci d'avance

Les favoris annoncés de la machine à fabriquer l'opinion ont un message à transmettre.

Faites passer si ça vous parle... et si ça vous parle pas, trouvez quelqu'un qui vous l'explique.
--G4rF--

lundi 1 avril 2019

Poème express [214/365] - Le taff

Le taff
S'il sert à quelque chose de plus qu'à subsister
S'il apporte du sens à qui en recherchait
S'il permet des rencontres qui vous bougent la vie
S'il génère plus d'attrait qu'il n'attire l'ennui

S'il est de ces métiers qui sont une passion
S'il n'a besoin pour plaire que de votre attention
S'il peut être expliqué au premier inconnu
S'il vous laisse plus riche à la fin qu'au début

Alors un taff mérite que l'on s'y intéresse.
--G4rF--

On n'a pas tous le même GPS

...ou "pourquoi la gauche se viande alors qu'elles a les bonnes idées et les bonnes personnes"

Au commencement du début

J'ai reçu comme chaque semaine un message issu du site "La sociale", dont je recommande d'une façon générale la lecture car le contenu critique qui y est développé me paraît qualitatif et instructif.
J'ai découvert ce site consécutivement au départ du Media de Jacques Cotta, qui y préparait et présentait l'émission "Dans la gueule du loup" (DLGL), émission elle aussi de haute qualité et dont la disparition m'a d'autant plus attristé que les raisons qui l'ont amenée sont médiocres.

Me promenant de lien en lien, je retombais sur la lettre de la semaine précédente signée par Jacques Cotta, dont le contenu m'a fait à la fois bondir et claquer ma main sur le front de désespoir (un exploit qui n'est pas accessible à tous... essayez, vous verrez).
La lettre en question est lisible ici.

Le problème, c'est les autres ?

Bondir parce que cette lettre part du principe qu'en soutenant la marche pour le climat le même jour qu'une manif de gilets jaunes, les militants insoumis ont choisi une urgence moins élevée que celle contre laquelle se battent les gilets jaunes. Etant moi-même militant insoumis et gilet jaune, je sais de source sûre que cette façon de voir n'est pas juste.
Claquer la main sur le front parce qu'une fois de plus, je vois la machine à perdre en plein travail, cette détestable habitude propre à tout ce que la France comporte comme personnes engagées et militant pour un projet humaniste et progressiste : faire caca verbalement sur les petits copains parce qu'ils s'y prennent mal pour mener leur combat. Je caricature évidemment, mais je pense que vous y reconnaîtrez quelque chose que vous avez déjà vu.

Le problème, c'est moi !

Selon moi, voilà ce qui se passe, lisible ci-dessous sous forme très condensée, puis moins condensée, puis totalement expliquée :
- le problème, c'est moi ;
- le problème, c'est qu'on oublie que tous ceux qui marchent vers Rome ne prennent pas forcément le même chemin pour s'y rendre que nous ;
- le problème, c'est que la spécificité intrinsèque qui permet de dire de quelqu'un "lui, il est de gauche", c'est qu'il a totalement intégré dans son mécanisme d'analyse critique une étape préliminaire et inévitable : questionner la validité de toute forme d'autorité lui suggérant une façon de faire.

Je m'explique

Pour expliquer ce que c'est, la "pensée de gauche", pour peu qu'il y ait un sens à faire cet exercice, il y a selon moi deux façons possibles de s'y prendre (non exclusives l'une de l'autre). La première, c'est d'expliquer ce qu'est la gauche politique, parler des penseurs, des analystes, de tout le spectre des tendances et courants, pour dessiner avec de nombreuses nuances et estompes le nuage galactique de la gauche politique passée et actuelle. Extensif, efficace, mais long, et ouvrant sur des débats dans les débats qui sont certes intéressants mais vous garantissent aussi de saigner des oreilles à un moment ou un autre.
La deuxième, c'est la technique dite de "l'empreinte en creux" : parlons de ce que n'est pas la gauche, et une fois qu'on aura décrit tout ce qui est "en dehors", ce qui restera, c'est la gauche. Pas du tout extensif, relativement efficace, mais surtout diablement rapide. Essayons cette méthode.

L'empreinte en creux de la gauche... bin c'est la droite.

A quoi reconnaît-on la droite ? A ses valeurs.
Discutables, adoptables pour certaines (sous réserve), méprisables pour d'autres, mais elles existent, et chacun en pense ce qu'il veut.
Pour le sujet qui m'occupe aujourd'hui, je dirais que la valeur essentielle caractérisant un point de vue de droite, c'est le respect intrinsèque pour l'autorité.
Ceci ne signifie nullement qu'il n'y aura pas de combat ou de contestation de l'autorité dans un mouvement de droite, mais que, à l'instar de ce que l'on peut voir dans le règne animal chez bien des espèces fonctionnant par domination et soumission, celui qui remporte le combat des chefs gagne automatiquement le respect des non-chefs.
Le chef parle, on l'écoute, et on part du principe qu'il sait ce qu'il dit puisqu'il est le chef, donc que le groupe a reconnu sa compétence à présider aux choix du groupe. La confiance en sa parole est acquise par défaut, il faudra prouver qu'il a tort pour que cette confiance soit remise en question.
L'a-priori de droite sur les décisions prises est positif.

Et à gauche, c'est l'inverse. A gauche, toute opinion professée par un porte-parole sera d'emblée soumise à la question : de quel droit ce mec me dit-il ce que je devrais penser ? Où essaie-t-on de me conduire ? Est-ce que ce gars ne serait pas encore un de ces fumiers qui me vend du rêve et prétend soutenir mon combat universel, juste pour se trouver une astuce qui, à terme, lui permettra de bronzer peinard en me laissant, moi avec tous les autres, au bord de la route et toujours dans la mouscaille ?

Et, peut-être par habitude d'appliquer cette analyse critique à tout ce qui sort de la bouche ou de la tête d'un leader (ou présenté comme tel) de la gauche politique française, on arrive à l'effet inverse de la droite : l'a-priori de gauche sur les décisions prises est négatif.

L'usage de la métonymie provoque une myopie de l'opinion

Il en résulte que, quelle que soit la parole prononcée ou l'option retenue par tout ou partie d'un groupe militant, d'un mouvement ou d'un parti de gauche, on commencera d'abord par une péroraison sur tout ce qu'il emporte de mauvais, avant de se pencher (s'il reste du temps) sur ce qu'il amène de bon.
Je vois dans la lettre de Jacques Cotta un exemple flagrant de cette tendance, d'autant plus chagrin de mon point de vue que je suis personnellement convaincu que ce type est très malin et tout à fait compétent dans ses analyses. Mais là, sur ce coup, je ne valide pas.
En premier lieu, l'analyse qu'il porte procède d'une forme de métonymie, c'est à dire prend une partie de quelque chose pour l'ensemble, que je trouve infondée. Supposer que, parce qu'un cortège de militants France Insoumise se place à l'arrière d'une manif internationale réclamant l'action politique pour faire face à l'urgence climatique, alors la totalité de la France Insoumise et de ses militants partagerait intégralement cette façon de faire et soutiendrait à 100% cette manière d'agir, c'est une métonymie. Et là aussi, je sais de source sûre que la réalité de terrain est tout autre.
La première raison à cela est que, si la totalité des militants insoumis avait manifesté avec Manon Aubry, le défilé des gilets jaunes eut été moins fourni : dans ma campagne comme dans les villes, un nombre tout à fait conséquent de militants FI sont des gilets jaunes. Ils choisissent leurs défilés et leurs actions comme des grands, et n'attendent pas les mots d'ordre, pas plus qu'ils ne les respectent aveuglément (d'ailleurs, les "tronches" de la France Insoumise sont assez intelligentes pour savoir que s'ils utilisent le terme "mot d'ordre", ça va gueuler un peu).
Avec cette métonymie, l'opinion qu'on se forme est frappée de myopie : certes on voit bien de près des insoumis dans un cortège et pas dans un autre, mais on voit mal de loin la mobilisation générale sur de multiples fronts qui caractérise mieux l'action des porteurs du mouvement.

Sur l'impossible ubiquité

Vu de l'intérieur du mouvement insoumis, sur lequel j'ai par ailleurs des critiques à formuler (n'oubliez pas : je suis de gauche, donc j'ai des choses à dire sur ce qui ne va pas chez mes potes), je constate que bien des observateurs plus ou moins partisans passent à côté d'une réalité bien triste et proverbiale : on ne peut pas être à la fois au four et au moulin.
On ne peut pas être à la fois dans un défilé gilet jaune et dans un défilé climat... sauf le jour où, volontairement, ces deux actions se rejoignent.
Ce fut le cas chez moi, à Ancenis, le week-end où se tint l'événement que Jacques Cotta déplore selon moi pour de mauvaises raisons.
Plus généralement, chaque jour pour les militants le questionnement revient : où agir pour être efficace à la transformation du monde que nous souhaitons ? Serait-ce mieux d'être avec les gilets jaunes, dont beaucoup sont des oubliés du système qui ne s'étaient jamais mobilisés politiquement et à qui apporter un soutien dans l'action peut faire du bien, donner de l'énergie pour continuer, aider à faire aboutir les revendications pour obtenir le futur qu'ils souhaitent et que je souhaite aussi ?
Au collectif des coquelicots, qui réclament l'interdiction des pesticides pour obtenir le futur qu'ils souhaitent et que je souhaite aussi ?
A la marche pour le climat, honteusement récupérée par des soutiens de Macron le jour même où le gouvernement se torchait à l'assemblée avec les pompeux engagements du petit roi quant au changement-c'est-maintenant climatique, dont la plupart des participants veulent qu'on transforme la société pour arrêter de défoncer le seul habitat connu compatible avec la vie humaine, pour obtenir le futur qu'ils souhaitent et que je souhaite aussi ?
Aux collectifs de soutien aux migrants ? Aux associations anti-corruption ? Aux groupes luttant pour l'égalité des droits des femmes, contre le travail des enfants, contre l'évasion fiscale des ultra-riches ? Autant de groupes de personnes pas forcément étanches les uns aux autres, luttant pour obtenir le futur qu'ils souhaitent et que, nom d'un chien, je souhaite aussi.

L'action politique est une navigation

Il est donc nécessaire selon moi de garder à l'esprit que notre instinct critique politique est susceptible de faire de nous, contre notre volonté première, des armes de démoralisation massive de gens qui veulent, au fond, la même chose que nous mais qui n'empruntent pas la même route pour y arriver.
Au fil des années passées à discuter, lire, débattre, battre le pavé, me faire critiquer et me prendre des claques idéologiques, je pense avoir cerné de la sorte une forme de précepte utile à garder par devers soi comme pense-bête pour aider à faire de nos actions des outils de construction de notre avenir qui ne détruisent pas le moral de nos copains : l'action politique est une navigation.
Chacun sur son bateau, ou plutôt sa galère, nous nous fixons un cap, et la plupart de nous partageons ce même cap, mais nous ne sommes pas placés sur les mêmes mers, nous ne partons pas des mêmes ports, nous ne voyagerons pas forcément sur les mêmes routes.
Nous n'avons pas les mêmes GPS, et s'il nous est permis d'alerter par radio nos camarades de transat sur le risque d'un récif qu'il leur faudrait contourner, il nous incombe d'apprendre à maîtriser notre colère critique pour la tourner là où elle sert notre objectif commun : contre les manœuvres dilatoires et destructrices de nos adversaires, éventuellement aussi contre les erreurs que nous commettons nous-même.
Mais pour ceux qui nous accompagnent, en idées tout du moins, sur la longue traversée vers le futur à construire tous ensemble une fois accostés sur la gauche de la carte, faisons d'abord provision de magnanimité, de mansuétude et de compréhension à leur intention.
Nous n'aurions peut être pas navigué comme eux, mais, absents que nous sommes du pont de leur navire, nous n'y tenons pas la barre et n'avons nul droit de démoraliser leur navigateur : pas plus que lui nous ne sommes sûrs de la meilleure route à suivre.

Corollaire

Les plus subversifs des lecteurs de ces mots souriront jaune en constatant que, dans un article où j'encourage à y aller mollo sur la critique des autres pour faire avancer nos idées, je pratique avec allégresse la critique des autres pour étayer mon propos.
Je suis bien conscient de cette mise en abîme et de l'ironie absurde qu'il y a à faire cet exercice consistant, d'une certaine façon, à taper sur la tête des gens qui sont occupés à se taper sur la tête en leur criant "non mais vous allez arrêter de vous taper sur la tête ?!".
A titre d'excuse, ou de justification, ou de point d'intérêt pour expliquer ma démarche, je dois souligner que, depuis que j'ai découvert ce que signifiait l'expression "pensée latérale" et l'écho qu'elle donnait à la notion mathématique et physique de "dimension" (et notamment de dimension supplémentaire ajoutant un degré de profondeur et de mouvement possible à quelque chose jusque là bloqué dans un "plan" plus restreint d'évolution et de transformation), je m'efforce de faire un pas de côté et d'observer les situations complexes de cette façon.
Il s'avère que, dans le domaine des relations sociales, où les défauts de communication et de compréhension représentent selon moi 95% des causes des problèmes auxquelles on s'attelle, une conclusion du genre "communiquez mieux" adressée à des gens qui s'efforcent de se faire entendre et qui, ce faisant, ont du mal à s'entendre, est quasi-inévitable.
D'où l'ironie.
--G4rF--

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