jeudi 26 novembre 2015

"Les signes des temps"

"Les signes des temps", c'était plus classe
quand Prince les chantait...
Envie de vous payer une bonne tranche de rire (jaune) ?

Je vous encourage à aller lire le navrant article ci-joint. C'est le triste cri de colère pamphlétaire d'un (con)citoyen nous expliquant, à sa façon bien à lui (parce qu'il est prêtre et qu'il sait "lire les signes des temps", dixit), que les victimes du Bataclan l'ont bien cherché.

Les commentaires sont, hélas, du même niveau que l'article.

Moi, je me rappelle avoir lu des controverses volant à peu près aussi haut (c'est-à-dire sous les racines des pissenlits) qui émaillèrent en leur temps la sortie d'un des plus gros succès des Rolling Stones, Sympathy for the devil. C'était déjà grotesque à l'époque, mais on n'avait pas fait un massacre de masse dans un concert des Stones pendant que leurs chansons passaient.
Un minimum de recherche et d'auto-culturation permettant de comprendre assez vite que les Stones étaient à la provoc' ce que les Beatles étaient à la variété, c'est-à-dire des surdoués, on pige que les pitreries outrancières de camarade Jaeger et de ses potes rockers avaient autant à voir avec le culte du diable que mon plan d'épargne logement en a avec le salaire de Gattaz.

Vu d'ici, tout ça est devenu bien poussiéreux et foncièrement ridicule.

Cette image t'effraie ? Les gens du
marketing vont t'adorer.
Il y a bien eu un petit regain de "ouhlàlà, les séides de Mammon sont de retour !" lorsque l'ami Marylin Manson secouait avec intelligence les puces de l'industrie musicale planétaire et amenait à ses concerts des foules de p'tits djeunz occidentaux avec des clous, du cuir et du maquillage noir. Je sais, j'étais là. Et c'était plutôt bon.

Mais la détestation du rock provocateur retombe généralement assez vite à plat, comme un soufflé raté.

Pour décrire la situation et expliquer l'attrait ressenti par les spectateurs des artistes plus ou moins provoc', on savourera d'ailleurs particulièrement les paroles des albums "Holy Wood" et "Golden Age of Grotesque" : voilà quelqu'un qui a compris son époque, qui surfe avec une intelligence indiscutable sur le besoin d'expression du mal-être des ados des classes moyennes occidentales, et qui est d'une rare lucidité sur ce qu'il représente aux yeux des non- et bien- pensants. Confere l'extrait ci-joint du "Bowling for Columbine" de Michael Moore, où le grand public put découvrir (mais z'un peu tard) que le propre du spectacle, c'est... bah, de n'être que du spectacle, et que l'artiste qui les choque y parvient peut-être justement parce qu'il est plutôt malin.

Mais paf ! Même pas peur ! Apparemment doté d'un sixième sens (imputable à une foi inébranlable ou un foie malade à cause d'abus de beaujolpif frelaté absorbé lors du culte), notre sympathique éructateur néglige les indices évidents de myopie de sa double vision et se mélange les crayons avec une divine allégresse entre :
Le pâté de Satan ! Ooooouuuhj'aipeur...
- la musique des Aigles de la Mort Métal (je cite),
- les paroles évidemment satanistes (autant, d'ailleurs, que le "Highway to Hell" d'AC/DC, qui, c'est bien connu, accroît dramatiquement l'emprise des forces du mal sur terre à chaque fois qu'on l'écoute),
- les 600 avortements (prétendument) pratiqués le jour même,
- le prix de la boîte de pâté Hénaff chez Monoprix,
- la perte de valeurs de la jeunesse païenne
le tout aboutissant à un brouet mystico-délirant à mi-chemin entre la démence sénile et la partie de Kamoulox.

Bon, j'avoue, le pâté Hénaff, c'est de moi, mais avouez que ça ne dépareille pas dans cet inventaire farfelu.


Et là, il me semble temps de faire une petite pause et de réfléchir dans une dimension peu explorée en ces époques troublées : la profondeur.
Lorsque les frangins Kouachi ont débarqué début janvier chez Charlie Hebdo pour tirer dans le tas, se réjouissant d'avoir "vengé le prophète", des allumés leur ont trouvé des excuses : fallait pas dessiner le prophète, y'en a qui se sont sentis insultés, faut comprendre, c'est la religion, c'est un sujet sensible, faut quand même respecter les croyances des autres, j'excuse pas mais je comprends que ça irrite, et blablabla.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire, tout cet argumentaire, c'est d'la merde, point, et ça tient à une simple raison : personne n'a jamais obligé qui que ce soit à acheter Charlie Hebdo. Donc, ne se sentent offensés que ceux qui font l'acte volontaire de donner des sousous au kiosquier en échange du journal, et ensuite se sentent insultés quand ils constatent que ce canard utilise sa liberté d'expression pour cracher avec irrévérence sur tout ce qui lui passe par la tête.
Là, autant se plaindre d'être écrasé par le train après avoir sauté la barrière du passage à niveau : ce qui t'arrive, tu l'as cherché, mec, c'est pas la faute du train, c'est la tienne. Blaireau.

Est-ce que quelqu'un a forcé qui que ce soit à écouter les Eagles of Death Metal (qui sont, par ailleurs, aussi représentatifs du Death Metal que David Guetta est représentatif du festival Wagner de Bayreuth) ? Quelqu'un a-t-il, avec cette sournoiserie caractéristique des vendeurs de billet à la sauvette au sujet desquels les annonces de la RATP nous mettent régulièrement en garde, fourré vicieusement dans la main d'innocents quidams des tickets de concert pour les forcer à écouter ce groupe de leurs vierges et pures oreilles désormais violées et salies à jamais ?
Non.
Donc, je pose la question : "Qui ça gêne ?
- Bah... euh... des cons ?
- Bravo, tu as gagné !"

En toute sincérité, ne peuvent se sentir réellement offensés que des gens qui constatent une tromperie sur la marchandise, à qui l'on force la main : des versaillais balais-dans-le-cul qui, par exemple, partiraient avec les enfants voir Vice Versa au cinéma et tombent sur un porno hardcore amateur de Hong-Kong, ou bien le gagnant du gros lot de l'Euromillions qui se ferait taxer direct 50% de ses gains au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Sommes-nous dans un tel contexte ? Non.

Cela n'empêche nullement cet ignoble "homme d'église" (je mets des guillemets, parce que des hommes d'église pas cons, j'en connais un paquet, celui-là ne mérite pas tant d'honneur) de pisser verbalement sur des corps à peine refroidis. Ils l'avaient bien cherché.
Quelle éclatante, mirifique, fabuleuse connerie ! C'est tellement éblouissant qu'on la monterait en chevalière, à passer au doigt de tous les rois des cons.
Convalescence (allégorie)
J'imagine que les rescapés du Bataclan encore en convalescence à l'hôpital qui entament aujourd'hui le douloureux travail de reconstruction après le trauma, la terreur et les blessures, seront ravis dès qu'ils en seront capables de souffler à l'oreille de ce cuistre les mots acérés et froidement polis donnant la juste mesure de l'imbécillité de son jugement. Ils l'avaient bien cherché... Triste baudruche gonflée d'autosuffisance, de certitude apprise, de paternalisme fouettard !

Pour ceux qui chercheraient à mieux comprendre le calvaire des survivants, sachez que Philippe Lançon décrit chaque semaine dans Charlie Hebdo, depuis les attentats, la façon dont il vit cette reconstruction. Ça fait parfois mal à lire, mais c'est riche d'enseignement. Et plutôt bien écrit, mais ça, ce n'est que mon opinion. Je parie deux tickets pour le prochain concert des LVDP que le cureton dont je vous entretiens n'en a pas lu une ligne. Pas sûr, même, qu'il les aurait comprises.

Quand je lis les jérémiades bouffonnes de cet excité du goupillon, suivies de la gouaille commentatrice fielleuse des batraciens de bénitier qui lui donnent raison et le béatifient pour son super franc-parler qui a des couilles et tout ça (ils le disent différemment, je traduis pour vous), et qui ne retiennent manifestement du fait religieux que le rituel pompeux et le sacré intouchable, en oubliant délibérément le principal qui, toutes religions confondues, pose des valeurs de partage et de fraternité humaine supposées aider le commun des mortels à supporter leur condition le temps d'une vie, je me dis qu'avec des "pasteurs" de ce niveau comme référents moraux pour les croyants français de toutes les chapelles, Daech a déjà gagné.
Inutile d'envoyer d'autres gars avec des pétards et du C4 dans le fion, les mecs, le mal est déjà fait.

Achmed le terroriste mort a des principes bien ancrés
(voir le sketch qui est juste énorme !)
Dessine le prophète, et un allumé se sentira insulté.
Va à un concert, et un allumé se sentira insulté.
Vis sans te prendre la tête avec la foi des autres, et un allumé se sentira insulté.
Vis sans te prendre la tête, et un allumé se sentira insulté.
Vis, et un allumé se sentira insulté.

Bref, en tout temps, tout lieu, toute circonstance, tu trouveras toujours, dans notre pays et de par le monde, un humanoïde avec qui tu partages 99,99% de ton ADN et le même besoin d'air et d'eau pour vivre, et ce sinistre trou d'balle aura une façon personnelle de légitimer l'acte de te trouer la peau.

Ça s'appelle la barbarie, et bien que les scores régulièrement en hausse du Fronfront Nanational le laissaient deviner depuis un moment, je n'avais pas conscience qu'elle fût à ce point déjà installée, ancrée confortablement dans l'esprit étriqué de radicaux fascisants de notre pays, qui n'ont dès lors rien à envier dans leur condamnation post mortem des défunts des attentats à ceux qui les ont précipités de vie à trépas.

Mais rassurons-nous, ô mes frères et soeurs : comme le disait très justement le vieux Red dans "Mon nom est personne" : celui qui vit par l'épée finit toujours par la recevoir dans le cul.
Gageons qu'il en est de même pour ceux qui redessinent les frontières de la justice et de la responsabilité de la pointe haineuse d'un goupillon rouillé.
Si son paradis existe, pas sûr qu'il en voie un jour la couleur, le padre...

--G4rF--

vendredi 6 novembre 2015

L'opération "Golden Parachute" - 1 centime pour changer le pays

[pour ceux qui n'ont pas le temps de lire : cliquez ici]
Ami lecteur, amie lecteuse, est-ce que tu sais-tu ce qu'est-ce que c'est qu'un parachute doré ?

It's raining flouze, hallelujah !
"Bigre ! Que voilà une question curieuse de la part d'un psychopathe violentant le Bescherelle !" se dit alors le visiteur au sourcil soulevé, la pupille frémissant devant tant d'horreur grammaticale et d'atrocité orthographique.

~ Définition ~
Le parachute doré, ou golden parachute, en voici ma définition (pour celles et ceux qui auraient eu le bonheur de ne pas vivre sur Terre les vingt dernières années).
C'est le nom d'usage donné à une disposition contractuelle permettant à un dirigeant siégeant au conseil d'administration d'une entreprise/un groupe/une holding de se retrouver les poches pleines si, d'aventure, les résultats de ses décisions s'avéraient mauvais, voire absolument merdiques et que les actionnaires prenaient la décision collégiale de mettre un terme à ses fonctions.

Faut les comprendre, les gars ! Ce sont des indépendants, des fonceurs, rémunérés en primes, jetons de présence et stock options, tout ceci échappant en majorité aux cotisations dûes à l'URSSAF. Or ces faibles cotisations sociales ne leur permettront donc pas de pouvoir toucher un chômdu à la hauteur de leur revenu hectosmicardesque et de leur train de vie si, du jour au lendemain, on les pousse dehors des salons feutrés du Crillon et de la cantine du Bristol pour aller pointer au Pôle Emploi comme nous autres, les bouseux.
Du coup, on les appâte à l'embauche en leur promettant ce paquet de pognon comme carotte en cas de naufrage.
Voilà pour le tour d'horizon du concept et de sa justification.


"Garage Gaudin, j'écoute ?... M'ame Chabagnou ? Ah...
Euh, quittez pas, j'vais d'mander au chef d'atelier."
Je sais, je sais, c'est une idée assez ardue, ce parachute doré. On a dû mal à imaginer ça transposé dans la vie normale des gens normaux.
Illustrons par l'exemple pour voir à quel point c'est zarbi.

Le célèbre garage Gaudin, suite au départ de Raymond (dit l'ami des joints de culasse pétés) embauche un nouveau chef d'atelier.
Celui-ci, plusieurs mois après sa prise de fonction, ne donne que très moyennement satisfaction.
Il a bousillé une quinzaine de bagnoles. Il a viré des mécanos anciens "parce qu'ils coûtent cher" et que "c'est pas possible, ils veulent qu'on leur paie toutes les heures sup' et leur couverture santé coûte de plus en plus avec l'âge". Il a embauché à leur place des stagiaires qui graissent les freins et remplissent le circuit de radiateur avec de l'eau du robinet parce que "ça coûte moins cher".
Bref, le garage est au bord du gouffre : les clients font la gueule et se font la malle, l'outil de travail est à l'agonie, ça sent grave le soufre.
C'est pourquoi, devant ce foirage monumental, homérique, pantagruelesque, le patron très courroucé... offre deux ans de salaire au chef d'atelier lors de son entretien de licenciement, en lui souhaitant une bonne réussite dans ses futures fonctions à la tête des ateliers de maintenance aéronautique de PéraveAirways (PéraveAirways, la compagnie qu'on choisit pour se foutre en l'air).

Le business vous salue bien (allégorie)
Ridicule ? Incohérent ? Néfaste ? Stupide ? Obscène ?
Les qualificatifs ne manquent pas quand on se pose la question de la pertinence du mécanisme de parachute doré.
Cela se ressent surtout quand on a le malheur d'être plutôt du côté où les effectifs sont maximaux, c'est à dire dans l'opérationnel, le concret, les mains dans le cambouis (pour se raccrocher à notre exemple).
Et pourtant, c'est bien cette logique qui s'applique très très très souvent à une altitude élevée par rapport à Pôle Emploi. Parce que voyez-vous, quand on est à des postes de haute responsabilité, suivant le modèle actuellement en vogue chez MedefAirlines (MedefAirlines, volez si haut que vous ne verrez plus les bouseux), on n'est en fait réellement comptable de rien. On est responsable de keud. Mais on se barre avec le flouze quand même, succès ou pas.
Et ça, ça pique un peu quand on le comprend.

~ C'est ma faute, payez-moi ~
Sur l'aspect responsabilité, c'est même pas la peine d'aller jusqu'au parachute.
Prenons un exemple récent, avec l'affaire dite de la chemise déchirée du directeur du personnel d'AirFrance. Je dis directeur du personnel, parce que c'est ce qui se rapproche le plus de la définition effective de sa véritable fonction. DRH, ça veut rien dire, ça laisse croire que la personne à ce poste est du côté des humains, alors que non, c'est un directeur, il siège à la direction, et si la direction dit "vire", il vire, c'est tout.
Mais il est supposé aussi être actif en ce qui concerne la gestion du personnel, c'est-à-dire l'adéquation des effectifs avec le travail à accomplir, le maintien et l'amélioration des compétences, le suivi de carrière, toutes ces choses chiantes et pénibles qui font qu'un directeur du personnel, bin normalement ça taffe dur.

Je n'irai pas sur le terrain glissant du pourquoi du comment d'AirFrance, de son plan social massif qui va foutre sur le carreau un bon paquet de gens qui, si j'en crois la presse libre, ne demandent qu'à faire leur taff : je sais que la gestion de l'actuel PDG est calamiteuse, mais je sais aussi que plusieurs instances (et notamment le syndicat des pilotes) ont apparemment choisi de la jouer solo depuis quelques années, à tel point que la branche personnel navigant (UNSA) se fout aujourd'hui sur la gueule avec la branche personnel au sol (UNSA aussi).
Un DRH en fâcheuse posture (allégorie)

Reste qu'en arriver à cet état de fait, qui voit une boîte d'environ 60 000 personnes acter quasiment du jour au lendemain la décision de dégager 25% du personnel à court terme, c'est pas franchement ce qu'on appelle de la bonne gestion. Pour moi, dans cette situation, le DRH devrait prendre la porte avec tout le monde. Mais non, il reste (et le PDG aussi).

Mauvaise gestion, entreprise dans la merde, on ne réagit pas à la croissance du low cost, on ne se met pas à niveau sur les prestations luxe, c'est pas un titre de gloire à accrocher au revers de son veston pour les dirigeants d'Air France. Mais ils restent.

Ce que j'en dis : que le mec y laisse une chemise, avec une poignée de plumes et une bonne frayeur en prime, hé bien en se plaçant du point de vue strictement moral, ça demeure une très bonne affaire pour lui. Responsable. Sur le papier, oui, pour toucher la thune du job ; mais quand ça défèque dans la VMC à force d'avoir bâclé le job, on n'assume en pratique aucune conséquence.

[PAUSE]
"Bon, c'est bien beau, tout ça, mais ça n'explique toujours pas à quoi tu veux en venir avec ton histoire de parachute à 1 centime !" vous dites-vous probablement en vos fors intérieurs respectifs et variés, voyant que ma propension habituelle à la digression nous a déjà mené d'un garage de fantaisie à un fait divers d'une actualité brûlante.
J'y arrive, soyez patients.

~ Nous, les actionnaires ~
Nous sommes en France. Nous sommes français (j'inclus là-dedans tous ceux qui sont connus des services fiscaux, qu'ils soient imposables ou non).
Nous contribuons tous, par le biais de nos taxes, contributions, prélèvements directs ou indirects, au budget de l'Etat. Et, en vertu de la constitution qui fait de cette riante contrée une république, nous sommes supposés détenir collectivement le pouvoir.
66 millions de petits porteurs

En tout état de cause, nous pouvons nous considérer comme les actionnaires, les seuls, de l'Etat. Chacun avec une action.

(Parenthèse sur la notion d'actionnariat : qu'on ne vienne pas me parler des détenteurs des titres de la dette publique du pays comme des actionnaires d'un niveau comparable. Cette stupidité mécanico-financière à laquelle s'accroche une majorité bêlante en adoration devant le CAC40 et la Sainte Croissance, avait pour but de maîtriser le flux monétaire et l'inflation, et ne sert plus aujourd'hui qu'à spéculer, dégrader, bousiller les économies nationales : tout ça n'a rien à voir avec le droit des peuples à l'autodétermination. La dette, on l'emmerde, point. Fin de la parenthèse).


~ Incompétence de haut niveau ~
Je ne sais pas si vous arrivez à la même conclusion que moi, mais je trouve qu'il y a un sérieux problème de gouvernance par chez nous.
Demain, mégateuf !
On peut en tirer le constat de plusieurs manières.

D'abord, partout les gens font la gueule, partout les gens ont les poches vides, partout les gens s'inquiètent pour le devenir de leurs gosses, de leur boulot, de leur pays...  ils se chicanent pour des clopinettes, commencent à envier les uns parce qu'ils sont des "privilégiés" en vertu d'avantages infimes, à décrier les autres parce qu'ils se la pètent à mort en étalant des signes de pseudo-richesse qui doivent bien faire rire les nantis authentiques ("J'ai un iPhone 6, chuis trop un millionnaire")...
Ça se tire dans les pattes pour un petit bout de beefsteak, ça reste sur son quant-à-soi, ça protège farouchement son faible patrimoine et sa toute petite vie. Bref, c'est la lente montée de la barbarie, la lutte de tous contre tous à laquelle on assiste ; c'est un vaste merdier auquel nous sommes confrontés tous les jours, nous, les actionnaires injustement minoritaires.

"En vrai, c'est une Casio...
LOL MDR tro swag !"
- L'agent orange
On peut aussi le décrire comme ça : la course à la conso, entretenue par la pub et des inepties grotesques façon "si à 50 ans t'as pas une Rolex, t'as raté ta laïfe", nous pousse tous droit dans le mur.
La pseudo-conférence sur le climat qui va se tenir à Paris ne fera qu'entériner de nouveau la volonté de chacun de ne rien faire pour ne pas perdre en compétitivité économique internationale, on ne tiendra certainement pas l'objectif de 2° et pas plus, ça servira à peau de balle comme celle de Tokyo et toutes ses consœurs.

L'urgence environnementale est incontestable. Elle toque à nos portes pour nous enjoindre à freiner la surproduction, baisser la conso d'énergie et de jetable, entreprendre une transformation en profondeur de notre modèle social pour couper les vivres à la machine à niquer le climat, et... rien de concret n'est produit par les gouvernants lorsqu'ils sont au pouvoir pour aboutir à cela.
Pire, parfois, le remède est pire que le mal.

Exemple, comme ça : le bonus de 10 000 euros pour ceux qui achètent une voiture 100% électrique. Youpi. Seulement, rien qu'en pollution pour la fabrication des batteries de ce type de véhicule, on régresse par rapport au bénéfice environnemental attendu ; en plus, il faut rouler bien plus longtemps que la moyenne des électriques pour compenser l'écart induit en pollution par rapport à une bagnole lambda.
Et y'en a d'autres, des exemples, de délires consuméristes encouragés benoîtement par des politiques visant la seule croissance comme panacée nationale : la course à la puissance des ordinateurs, l'omniprésence du téléphone mobile, des tablettes tactiles pour enfants, y'a qu'à se baisser pour en trouver.

En clair, on va se le bouffer sec, le mur.
On va bien mâcher les briques, les éclats viendront nous caresser la glotte, et nous sommes tous conscients aujourd'hui que ce n'est sûrement pas de nos élites respectives actuelles que vont venir des solutions.
Dressés à être technophiles, subventionnés par des technophiles, pétris de croissance infinie et de main invisible, se cooptant les uns les autres dans un modèle de pensée unique, ils ne peuvent rien dire d'autre que "euh, bah, dommage, hein ? Le changement climatique, c'est maintenant ! Beeuh-heu !".

"Ne m'appelez plus jamais Fraaaaaaaance !"
En résumé, la gouvernance actuellement en place (et j'en ai autant à son service qu'à la précédente, et encore aussi celle d'avant, puis celle d'avant...) se moque comme d'une guigne d'avoir reçu un mandat pour conduire à bon port le bateau France.
Au mépris de l'évidence et des passagers terrifiés, elle fracasse la coque sur tous les récifs qu'elle trouve, décide du cap au doigt mouillé en suivant les alizés des instituts de sondages quand ça l'arrange, squatte d'avance toutes les places de tous les canots de sauvetage pendant que les classes basses, moyennes et bientôt hautes se noient de plus en plus dans les ponts et entreponts.

Ô mes frères et sœurs, ça craint à mort.


~ Education citoyenne : néant ~
Soyons justes, cependant : les origines du désastre ne peuvent pas toutes se trouver au sein de la classe dirigeante, une classe qu'il nous faut aussi concevoir comme la mousse surnageant à la surface du bouillon populaire.
J'estime personnellement que nous sommes éduqués depuis notre plus tendre enfance à la résignation. Au laisse-faire-ceux-qui-savent. Par le concours insidieux et souvent inconscient d'une pression sociale omniprésente axée sur la seule valeur travail ("si tu bosses pas à l'école, tu finiras dans la misère"), les enfants que nous fûmes, poussés par l'entremise de leurs parents à rester le plus longtemps possible à l'école non pour devenir des êtres pensants de qualité mais d'abord pour obtenir à l'issue le travail le mieux rémunéré possible, passent au final un temps de plus en plus long assis sur les bancs de l'école.
L'enfer est pavé de bonnes intentions.
(proverbe ancien)

Il en résulte des têtes aussi bien formées que ce système peut le faire mais qui s'avèrent, par la force de ce système, tenues de plus en plus longtemps à l'écart de la vie réelle, sociale, au risque de finalement ne plus être en état (ni en volonté) de s'y intéresser du tout.
Tout au mieux capable de l'intégrer, nullement de le comprendre pour ce qu'il est.

Qu'advient-il de ces esprits, au fil des années durant lesquelles la bien-pensance coule de nos téléviseurs directement dans nos cervelles, nous enjoignant à préférer systématiquement le divertissement à la réflexion, à fuir le débat, à courir toujours plus vite sans jamais prendre le temps de s'arrêter ? Quand nous nous surprenons à envier l'ami qui possède un smartphone dernier cri, et que nous regardons notre "vieux machin" comme une merde alors qu'il n'a même pas 2 ans, quel genre de réflexion s'opère en nous ?
Focalisés sur le travail, comme on nous l'a appris, béats devant l'achat, comme on nous y encourage, nous nous désintéressons de l'appareil d'Etat, de l'appareil éducatif, des rouages de la nation.
Et, en un mouvement de masse considérable, nous ne nous rappelons à notre part citoyenne que pour, périodiquement, quand le temps du scrutin est revenu, signer comme des cons des chèques en blanc au premier connard de passage qui semble moins fumier que le précédent, afn qu'il s'occupe à notre place de mener la barque du pays. Pour ceux qui prennent la peine de signer.

Ainsi la caste des capitaines à qui revient toujours le gouvernail nous renvoie systématiquement sur les récifs.
Y'en a même qu'on réélit.
J'te jure.

Le citoyen modèle (photo prise avant burn-out)
Paradoxalement, j'en arrive à penser aujourd'hui que même une éducation actuellement considérée comme prestigieuse --hautes études et tout le tralala-- n'est pas un atout pour appréhender cet appareil sociétal à l'air effroyablement compliqué (il l'est souvent, mais pas toujours). Pour certaines personnes de ma connaissance, ça pourrait même être un frein : "écoute, chacun son métier, ma vie est déjà assez compliquée comme ça, je taffe 60h par semaine et tu viens me parler de sociologie, de danger du communautarisme, d'écologie ? Je t'aime bien, mais j'ai pas le temps pour ces conneries".
Or il est attendu de nous, et cela, par des gens d'apparence parfaitement raisonnable mais planant manifestement très loin au dessus de notre terrain quotidien, d'agir en citoyens complets et achevés.
Comme si nous maîtrisions tout l'appareil et ses subtilités de bout en bout, ce qui prend un tour grotesque jusqu'à l'absurde avec des maximes fameuses du genre "nul n'est sensé ignorer la loi".

Jeune mal barré pour l'avenir (allégorie)
Or cette loi, ces lois d'ailleurs, et tout ce système, en fait, cultivent la complexité et l'exclusion de facto de tous ceux qui ont autre chose à foutre que de manger une tartine de règlements et de lois tous les matins. Rien ne vient les freiner sur ce chemin de complexification croissante, car le péquin moyen est dépossédé du temps nécessaire pour devenir apte à dire stop.
Protégé naturellement contre toute remise en cause profonde, l'appareil sociétal s'enfouit de plus en plus sous des couches de textes impénétrables, à l'abri des regards et de la perspicacité des citoyens qu'il régit.
Conséquence : si t'es pas brillant dès le départ et volontaire pour aller fouiller dans ce bazar, pour en tirer les ficelles, en comprendre la mécanique, t'es foutu. D'entrée.

~ Que sais-tu faire, citoyen ? ~
Un citoyen complet devrait être capable, par exemple, de vous dire qui est le conseiller municipal en charge de l'école de ses enfants, où se trouve le centre des impôts auquel il paie ses taxes, qui est son maire, qui est son conseiller départemental, son président de région, son député, son sénateur, et en même temps être capable d'avoir un emploi, de faire cuire son dîner, de conduire une voiture... déjà là on atteint un niveau d'expertise que seuls des gens apparentés professionnellement à la politique peuvent atteindre.
On constate aussitôt que la limite du raisonnable, ce raisonnable que George Orwell appelait common decency, est nettement franchie.
J'ai tout compris à mon pays (autoportrait)
Qui, parmi nous, lecteurs suffisamment assidus pour aller au bout de cette interminable logorrhée, est capable de dire quel est le rôle précis du chef de cabinet du Secrétaire d'Etat aux Transports ? Comment est calculé le montant de sa taxe d'habitation ? Et en quoi consiste la directive Bolkenstein ? Et si les votes blancs sont comptés comme suffrages exprimés ou comme votes nuls lors des élections régionales ? Et à quelle température je règle le four pour cuire un rôti de boeuf de 1,2 kg ?
Le français moyen est dépassé dès sa naissance par la complexité absurde et volontairement entretenue de la société dans laquelle il atterrit. Et rien ne l'encourage à s'emparer de la connaissance nécessaire pour comprendre son système, de même que rien ne lui permet d'espérer faire évoluer ledit système vers quelque chose qui puisse être appréhendé par un citoyen ordinaire.
Ne reste donc de la place que pour l'élite, ceux qui, dès le départ, ont tiré les bonnes cartes, grandissent dans la bonne famille, à l'abri du besoin, avec les bonnes relations, qui permettront de suivre les bonnes études, d'avoir le bon logement, le bon emploi. Le self-made-man et Horatio Alger peuvent aller se rhabiller, ils sont tous deux morts depuis longtemps : il n'y a de place au sommet que pour les héritiers de la crème.

~ Pratiquons la démocratie ~ (poil au zizi)
Des problèmes, et des raisons de s'en faire, il y en a donc un paquet, qui saute aux yeux d'emblée : c'est du boulot de s'informer vraiment, c'est du taff de s'engager physiquement, d'agir vraiment en citoyen. Affaibli dès le départ, en lutte contre la domination artificiellement entretenue d'une classe dirigeante quasi-intouchable.
C'est difficile de comprendre et d'accepter qu'un pays (contrairement à une entreprise) est une mosaïque de volontés divergentes, d'aspirations individuelles, et que si l'on croit vraiment en la démocratie il est nécessaire que chacun puisse s'exprimer, même si c'est pour dire des âneries profondes ou des monstruosités.
Par ici ou par là.
Car on ne peut pas "licencier" tous les racistes de ce pays. On ne peut pas en bannir tous les voleurs, foutre dehors tous les escrocs. Ce sont nos racistes, nos voleurs, nos escrocs. Leur place est ici.
Nos problèmes, en sorte, nos emmerdes en tant que nation, et il nous appartient collectivement de les prendre en charge pour éduquer les premiers, sanctionner les deuxièmes et blâmer les derniers. Pour faire simple, si je me chope une sale infection au doigt, je ne me coupe pas la main, je la soigne : je suis mieux servi avec une main, même malade pendant un temps, que sans. Un pays, c'est pareil. Même les ordures y ont leur place, et parfois leur utilité. Pour reprendre une phrase d'un de mes films favoris, "même une saloperie de loup-garou a droit à un avocat". Car dans le cas contraire, on est dans le traitement par exception, dans la justice de classe, et ça, c'est farouchement anti-démocratique.
Or on est démocrate, ou on ne l'est pas : l'être un petit peu serait contradictoire avec la définition même du mot.

[re-PAUSE]
"Mais alors, quoi, merde ? J'y comprends rien ! Les dirigeants foutent le dawa, okay, c'est vu. L'affaiblissement des masses met le bronx, c'est noté. Il faut pas imaginer régler les problèmes d'un pays en poussant leurs responsables hors des frontières, d'accord... Mais quel rapport avec le parachute doré, bordel ?" fulmine le lecteur, l'œil injecté de sang à force de s'user la rétine en digérant ma prose.
Vous ne voyez pas encore où je veux en venir ? Hé bin, c'est pas si compliqué.

~ Courte synthèse avant l'action ~
C'est un pays, la France, dont je parle, pays dont nous sommes les uniques actionnaires par le pouvoir de notre droit de vote, un pouvoir d'autodétermination qui ne doit en aucun cas tolérer d'être étouffé par des diktats qui lui sont extérieurs, à l'instar de ce que la Grèce subit actuellement, et de ce que TAFTA et consorts nous préparent.
- Un petit pogo pour fêter ce parachute doré ?
- Je peux pas, je garde l'attaché-case à ma copine.
Nous, l'assemblée générale démocratique des actionnaires, ne pouvons pas décemment envisager de bannir géographiquement les buses actuellement aux manettes parce que nous sommes attachés à la démocratie, et parce que malgré toutes les avanies qu'elles nous font subir et la profondeur ahurissante du mépris qu'elles nous portent, elles restent nos concitoyennes.
Il nous appartient de renforcer notre autorité affaiblie sur le pays qui est le nôtre.
Il nous appartient de déboulonner les intouchables qui occupent les fauteuils de direction.
Et tout ça, démocratiquement.

Conclusion : à l'instar d'une assemblée générale d'actionnaires d'une boîte, licencions le patron actuel, ainsi que l'ensemble du staff, avec un parachute doré pour qu'il puisse pas dire qu'on le laisse à poil.

Rappelons-nous que la Belgique, notre voisine, très récemment, a réussi à se passer d'un gouvernement pendant de longs mois (même si ça n'a pas été sans heurt). 
Rappelons-nous que l'Islande, très récemment, a mis sous les verrous des banquiers marrons, envoyé péter les spéculateurs qui réclamaient la part du lion sur le dos de la population lors de la crise des subprimes et choisi par tirage au sort les membres de son assemblée constituante. Qui ont fait leur boulot. Et pondu une nouvelle constitution, comme ça, yeah man, trop swag tout ça tout ça.

Savourons ensemble un fait : le fait que, nous, oui, nous, qui savons ce que laver la vaisselle ou changer une couche ou sortir les poubelles ou aller acheter un pain de mie au Lidl ou changer une ampoule veut dire, nous avons le pouvoir de faire changer cette situation. A la condition évidente de s'y mettre, ici, maintenant, et tous en même temps.

Je sais, pour certains, ça paraît difficile, pour ne pas dire impossible, utopique, irréalisable. La timidité. Le cynisme. La méfiance, le désespoir. Le défaitisme, le pessimisme, la peur du lendemain, tout ça, ça bloque un peu, hein ?
Mais creusons-nous les méninges et exhumons des images parlantes : lorsque la France a gagné la coupe du monde de foot en 98, ça gênait personne de sortir dans la rue et de féliciter tous les gens qu'il croisait comme si c'était eux qui avaient couru sur la pelouse et cogné dans la baballe. Et, bien plus près, tout le monde (ou presque) a été pétri de la même indignation, au début de cette funeste année, avec l'affaire de Charlie Hebdo et de l'Hyper Casher.
Les mouvements de masse, c'est donc possible, faut juste en avoir envie, faut avoir quelque chose qui nous pousse en avant. Un motivateur.

Psst.

Pssssst !

Hé !
Hé, les potos !

Hé ! L'envie de se sortir comme des grands de ce merdier, ça vous irait, comme motivateur ?



~ C'est parti : l'opération "Golden Parachute" ! ~
ou : comment virer ses gouvernants avec panache, pour 1 centime et 1 enveloppe
Pour offrir démocratiquement un joli parachute doré à notre gouvernance déficiente, et ouvrir la voie à une vraie possibilité de renouvellement de l'appareil de société français, je propose de s'y prendre comme suit (en 5 étapes faciles !) :
  1. le jour J, trouver une enveloppe (propre, hein, évitez de recycler celle d'EDF, c'est quand même une lettre de licenciement, alors on met les formes) ;
  2. écrire sur l'enveloppe :
    Monsieur le Président de la République
    Palais de l'Elysée
    55 rue du Faubourg St-Honoré
    75008 PARIS
    NB : si vous écrivez à la place "le roi fainéant", "Flamby 1er" ou "le changement c'est dans ton cul", ça n'arrivera probablement pas à destination. Prière de limiter fortement le recours à la fantaisie, s'agirait que ça marche ;
  3. glisser dans l'enveloppe une pièce de 1 centime d'euro par membre de la famille qui écrit ;
  4. y ajouter un petit mot de licenciement courtois, clair, mais ferme, comme par exemple ceci :
    "Le peuple français vous signifie par la présente, ainsi qu'à l'ensemble du gouvernement, votre congé de la Présidence de la République et des affaires de l'Etat. Veuillez trouver ci-joint sa contribution à votre indemnité de départ. Bien amicalement." ;
  5. glisser le tout dans une boîte aux lettres (inutile d'affranchir, c'est gratuit d'écrire au Président).

Et maintenant, prenons-nous un peu à rêver que tout le monde le fasse... qu'on se filme, sur la place du village, devant la mairie, à mettre la petite pièce dans la petite enveloppe... que ça finisse sur YouTube, sur DailyMotion, que ça fasse la Une des journaux planétaires. Le premier licenciement global ! La France fait sa révolution avec politesse en congédiant son gouvernement avec de la petite monnaie ! La vache, que ça serait bon !

Le monde avant le parachute doré.
Après, bien sûr, y'aura un peu de bordel. Mais de quelle nature ? Sérieux comment, le bordel ? Les militaires continueront de militer. Les comptables continueront de compter, les éboueurs d'ébouer, y'aura toujours des caisses ouvertes chez Carrouf à l'heure des courses et j'irai toujours m'acheter des casse-tête au Repaire du Grizzly quand j'ai un peu de sousous en bonus (ça fait un moment que c'est pas arrivé, d'ailleurs).

Certes, il faudra remanier le système.
Certes, il faudra parler politique (merde alors, c'est pas cool, quand est-ce qu'on regarde le foot à la télé, alors ?).
Certes, il faudra débattre.

Le monde après le parachute doré.
Peut-être faudra-t-il envisager de mettre en route, un peu partout sur notre territoire, des communs (allez chercher ce que c'est si vous l'ignorez, tas d'incultes ! Non, je mettrai pas de lien, c'est un entrainement pour votre futur de citoyen, faut s'échauffer le neurone, sinon y'a risque de claquage des mollets de la tête)(un indice, quand même : c'est de la même famille que commune).

Peut-être qu'on va se la jouer islandaise, avec tirage au sort, pour nous faire une belle constituante qui nous fera une belle 6ème république.

Peut-être qu'on va vivre dans l'incertitude, avec le fol espoir que demain sera meilleur, qu'on sait pas trop vers où on va, mais que cette fois c'est nous qui tenons le volant.

~ Interrogation métaphysique citoyenne ~
Alors, ô mes frères et soeurs, je vous le demande :
entre le bordel d'aujourd'hui qui nous est imposé,
et un bordel que nous aurions choisi, élaboré, construit,
lequel vous offrira le meilleur avenir ?

--G4rF--

jeudi 8 octobre 2015

T.I.N.A. ? Mon cul !

Boum, quand  votre coeur fait boum...
Et PAF ! Un bon pétard vocabulesque pour démarrer ce billet, un peu provocateur, un peu vulgaire. Envoie du lourd, mon gars, faut que ça pète !

Rassure-toi, ami(e) lecteur(trice), je ne vais pas te faire de l'anarcho-bigardisme, tu me connais mieux que ça, allons, voyons voyons... Tu auras bientôt l'explication de cette accroche rageuse, sois patient et lis-moi. S'il te plaît.

Ce 23/09, j'ai répondu à l'invitation d'une relation facebookienne pour participer à un rassemblement citoyen, initié par le Parti de Gauche (PG) du Val d'Oise, dans une salle de Taverny. C'était pas loin, j'avais pas répèt' cette semaine, du coup : zou, j'y vais, un peu dans le même esprit que ma participation ces dernières semaines à quelques réunions du Parti Ouvrier Indépendant de Saint-Gratien.
Réunion politique (allégorie mensongère)

Toi qui me connais, tu le sais, la question politique m'intéresse. Et en ces temps troublés où sévit le chômisme, le vent mauvais d'automne qui nous gèle les pruneaux tout en jaunissant les feuilles, les déclarations péremptoires sur l'accueil des réfugiés de guerre, la mainmise du gouvernement allemand sur les politiques européennes, etc... tout ce qui peut ressembler à un appel aux gens à débattre de la chose politique me semble être un pas dans la bonne direction, pour autant évidemment que le principe recherché soit bien d'ouvrir le débat et non de choisir parmi les visiteurs ceux avec qui on se trouve en accord, comme on ferait son marché.

Première bonne surprise : j'étais à l'heure. Deuxième bonne surprise : la mixité n'était pas feinte.
Dans cette pièce, une quarantaine de personnes, dont une majorité sympathisante du PG, mais pas que. Au menu du débat : éthique, méthode et programme. Moi j'étais à la table "Programme", parce que... bin, faut bien s'asseoir quelque part, et commencer par ça ne me paraissait pas plus con qu'autre chose.
Le contenu des échanges a fortement été axé sur les problématiques régionales, ce qui est logique à l'orée des élections du même nom qui nous attendent de pied ferme à la fin de l'année.


"- Tu vois, c'est là que les bactéries néolibérales attaquent !
- Je cause pas à ceux qui n'ont pas de stylo à la main."
Je retiens plusieurs notions et idées intéressantes de cette soirée.

D'abord, que le chemin vers la constitution d'une force citoyenne suffisamment étoffée pour peser sur son propre destin est encore semé d'embûches.
Bien que le principe même de la discrimination positive me hérisse, force est de reconnaître que cette assemblée regroupait des gens plutôt blancs, plutôt d'âge moyen, ce qui révèle le malaise que doit surmonter tout regroupement souhaitant sincèrement voir la population française, dans son entièreté et sa diversité, prendre la parole et les commandes : ce n'est un secret pour personne qu'une vaste frange de la population du pays, parmi lesquelles une écrasante majorité de citoyens jeunes à faible revenu et issus de 2ème ou 3ème génération de l'immigration, ne se sent représentée par personne et flanque dans la même poubelle tous les groupements d'action politique.

Sans verser dans le misérabilisme ou la victimisation, il me semble incontestable que les politiques nationales successives (plus ou moins bienveillantes) ne les ont pas fait progresser vers une réelle égalité des chances devant l'emploi, devant la police, devant la justice. La réponse la plus évidente à la question "pourquoi ne vas-tu pas voter ?" reste encore aujourd'hui "parce qu'ils sont tous pareils, ils mentent, et après rien ne change jamais". En plus d'être aux prises avec des conditions de vie particulièrement difficiles, avec des revenus bas, des emplois peu fiables et toute la cohorte des problèmes résultant de l'adage "on ne prête qu'aux riches", c'est là toute une tranche de la population de notre pays à qui se refuse le sentiment d'être au même niveau que les autres.

Victimisation (allégorie)

J'insiste, cela doit être compris hors du schéma simpliste de la victimisation ("ces pauvres jeunes des banlieues, sans avenir, mis au ban de la société parce qu'ils ont des gueules de pas-blanc") avec toutes les nuances issues du fait que certains se complaisent en fait dans cet état sociétal et ne ressentent pas l'intérêt d'une participation intégrale à la "vie de la société", trouvant leur confort dans des constructions communautaires leur servant d'"identité locale" nettement plus valorisée que l'appartenance de facto à une même population nationale.



La France moderne illustrée :
santé à 2 vitesses.
Dès lors, soit on tire le constat d'une nation à 2 vitesses (les ceusses qui votent d'un côté, les ceusses qui votent pas de l'autre) et on fait sembler de ne pas voir que c'est la faillite d'un système de pseudo-représentativité en continuant à appliquer les mêmes recettes qui ne marchent pas, soit on œuvre à rendre visibles et audibles les demandes et propositions de projet de société de la classe des écœurés du système...et ça c'est pas évident.
Mais c'est purement inévitable.

J'ai eu le plaisir de voir que le débat portait sur des choses concrètes, sur les difficultés réelles à faire exister d'urgence une authentique prise de parole du citoyen commun sur la chose politique et publique. Sur l'importance de transformer les vœux pieux d'ouverture en actes concrets permettant la confrontation de points de vue avec les personnes issues d'horizons (politiques) autres que ceux des "routiers" locaux des groupements de militants de tel ou tel parti.
Ça m'a fait plaisir de voir qu'on en était à un point de réflexion suffisamment avancé de la part de chacun pour intégrer au plan de bataille l'incontournable négociation avec les non-inscrits, les non-encartés, ceux qui constituent aujourd'hui la plus forte proportion de la population et dont j'ai le sentiment que, dans le regard médiatique, on les traite usuellement de haut, ne leur tendant le micro que pour des banalités d'usage ou des considérations tout à fait primordiales et nécessaires, du genre "la guerre c'est mal", "la pauvreté c'est terrible", "les inondations ça mouille", etc...

Sommet économique mondial de Davos
<-- CLIMAT : La planète est foutue
--> CROISSANCE : Un futur encourageant
J'ai également fait le constat de l'écart existant entre le vœu formulé par le Parti Ouvrier Indépendant et le Parti de Gauche. Je le résumerai en une seule idée : le productivisme.
Pour ceux qui ignoreraient de quoi il s'agit, c'est un principe posant comme non-négociable la réussite d'un projet de société à travers le plein emploi, et qui chez certains en arrive, par une acrobatie d'inversion logique, à statuer que tout emploi supplémentaire ou sauvegardé est donc un pas en avant vers la réussite du dit projet.
L'abjection parfaite que représente, dans une telle construction mentale, le maintien des centrales nucléaires à la Fessenheim pour maintenir l'emploi de ceux qui y bossent, saute aux yeux de quiconque se projette un peu dans le futur : s'il est tout à fait vrai que ce qui fait mal, dans une chute, ce n'est pas le vide mais le sol, il est néanmoins tout aussi vrai que sauter en marche d'une voiture folle 300 mètres avant le mur permet d'augmenter drastiquement les chances de survie qui, lorsqu'on en saute 3 centimètres avant le mur, sont assez minces. Le nucléaire étant une saloperie technique que nous faisons collectivement semblant de maîtriser tout en étant parfaitement incapables d'empêcher régulièrement des fuites de matériaux radioactifs de se manifester, de prévenir des risques d'attentat sur des centrales mal sécurisées ou (plus simplement) de faire face à l'Everest de déchets radioactifs toxiques pour les 100 000 prochaines années, c'est absurde de vouloir s'y maintenir à tout prix.

Le productivisme, selon moi, est ce qui rend irréconciliable pour l'instant les principes politiques du communisme et de l'écologie : produire comme des dingues, ça donne des emplois et des salaires, mais si c'est pour claquer sa thune durement gagnée dans des vacances pourries sur des plages mazoutées, dans des forêts ruinées par les pluies acides ou des campagnes désertifiées par l'agriculture intensive, y'a comme un truc qui couine.

Traduction disponible pour les +  de 18 ans

Mais, en dehors de ça, ces gens veulent la même chose : la fin de la Vème République et de sa monarchie présidentielle, la fin d'une société de castes qui met les notables à l'abri de tout et pousse les hérauts du quatrième pouvoir à jouer les mange-boules plutôt que les agitateurs, le retour de la dignité pour les travailleurs, l'entrée de l'écologie dans la réalité concrète des décisions politiques, la reconstruction d'un secteur industriel national, la sobriété énergétique, la fin de l'impunité des puissants.


La révolution ? Oui, quasiment, oui. Mais pas forcément avec procès politiques à l'appui (j'ose espérer que les revendications de trostkysme des militants du P.O.I. se focalisent plus sur le Trostky de la période de dénonciation des excès bureaucratiques des soviets de 1923 que sur celui qui encouragea la terreur politique, l'internement des opposants et leur rééducation par le travail dans les charmants goulags bolchéviques).

Je m'éloigne toutefois pas mal de mon propos de départ : T.I.N.A., mon cul. Revenons-y.
"There is no alternative !
Be competitive or die !"

T.I.N.A., bande de gueux, c'est l'acronyme honni des années Thatcher, la phrase qui tourne en boucle sur les radios et les télés acquises au capitalisme frénétique, consumériste et en perpétuelle fuite en avant (comprenez : à peu près toutes les radios et télés).

TINA. There Is No Alternative.

Soyez attentifs aux discours des ministres, des pontes, des gros patrons (on ne peut pas dire grand patron, la grandeur de l'entreprise ne déteignant pas sur celui qui la dégraisse), et vous entendrez cette phrase à tout bout de champ : "il n'y a pas d'alternative", "c'est une décision difficile mais inévitable", "la conjoncture ne nous laisse pas le choix"... souvent, c'est pour parler de plan social, de délocalisation, de désinvestissement.

Baaaah... on a tout pété. Désolé !
J'peux débloquer mes stockopcheunz, maintenant ?
C'est terrible, ces gens de pouvoir qui mentent, face caméra, et avouent de fait qu'ils n'en ont pas, de pouvoir, qu'ils ne sont (comme nous) que les pauvres pantins d'un destin cruel les privant de tout levier d'influence, de toute possibilité d'action, de tout élan novateur, iconoclaste et salvateur, qui leur permettraient d'employer leur astuce supérieure et leur perspicacité hors norme à mitonner des approches originales pour se sortir (ou nous sortir) du bourbier dans lequel la Conjoncture, avec un grand C, nous projette sans ménagement...
"Faut comprendre, ma bonne dame, bien sûr qu'on fait du bénéfice, mais ça c'est aujourd'hui. Comment qu'on en fera, du bénéfice, pour les z'actionnaires, si qu'on licencie pas demain, hein ? On va se faire bouffer par les Chinois/Amerloques/Indiens/Martiens (rayez les boucs émissaires inutiles), et là, vous aurez plus de boulot non plus ! Non, croyez-moi, c'est mieux pour tout le monde. Allez, bon courage avec Pôle Emploi, et Joyeux Noël à tous ! Faut que je file, mon Falcon m'attend pour réveillonner aux Maldives."

Le village Alternatiba, place de la République à Paris (27/09)
Zéro image sur les télés françaises... curieux, non ?
Bref, en assistant à des réunions comme celles-ci, et en faisant le tour de l'actualité en dehors de ce que la télévision officielle présente, on découvre que le même élan de construction qui a vu naître Podemos en Espagne ou Syriza en Grèce se manifeste un petit peu partout chez nous aussi. Des cafés politiques, des regroupements festifs, des Alternatiba par exemple, bref des initiatives populaires surgissent en France comme des champignons (ça tombe bien, c'est la saison), et tout ce joyeux fatras pousse sa gueulante sur le changement qui, paraît-il, était censé être maintenant depuis déjà un moment, et qu'on l'attend encore, qu'en fait on ne l'attend plus, que le changement merci bien on s'en occupe, car ça consiste essentiellement à se lever de son siège et à aller parler avec des gens qu'on ne connaît pas de l'avenir que l'on souhaite pour le pays où l'on vit.

Bien évidemment, il est considérablement plus complexe d'aller avec entrain débattre et écouter les autres, en tentant de faire synthèse et de paver doucement et longuement sa route sur le principe d'un compromis qui, forcément, nous fait perdre quelques plumes, que de céder son pouvoir citoyen à un quelconque connard plus ou moins officiel qui promet sur toutes les ondes "gneugneugneu la France gneugneugneu les autres gneugneugneu votez pour moi", à qui l'on va laisser les commandes du pays comme on laisserait à un toxico les clés du placard à pièces à conviction des stups, en s'étonnant ensuite de retrouver le sol blanchi, les scellés éventrés et un gros tas de merde fumant bien au milieu de la pièce, duquel émergerait un délicat bristol souillé par la bilirubine portant en fines lettres d'or ces quelques mots "n'oubliez pas de revoter pour moi".
Cet effort, là aussi, n'est pas évident.

Constitution de 1793, précédée de la Déclaration
des Droits de l'Homme
Admirez l'article 35, page 33 de cette édition
(source : Archives Nationales
http://bit.ly/1Q9U28g)

Mais c'est tout aussi inévitable. Car si nous connaissons assez bien nos droits de citoyens, les devoirs qui vont avec, et notamment celui de s'assurer que le pouvoir populaire ne soit pas dérobé au peuple et d'agir contre de tels détournements, nous restent encore trop souvent inconnus.
Et vu qu'on ne s'aperçoit jamais autant de la valeur des choses que quand on les a perdues pour de bon, il serait temps pour nous tous de gagner un peu en maturité et de sauter en marche de la bagnole, car le mur est très, très près.


Qu'on ne me dise donc plus qu'il n'y a pas d'alternative. J'accepterais déjà à peine d'entendre que l'on puisse estimer qu'il y en a trop. Ce qu'il nous faut, c'est en choisir une, une belle, une bonne, une dont on prenne soin ensemble, qu'on fasse pousser et fleurir, et que l'on puisse s'accrocher à la boutonnière avec la satisfaction méritée d'un travail de citoyen bien fait.

--G4rF--

jeudi 1 octobre 2015

Si j'étais le patron

Si j'étais le patron de mon pays tordu,
L'élu ferait la quête pour gagner sa pitance.

On tirerait au hasard le nom des chefs d'une urne,
Et je prendrais grand soin que le mien n'y soit pas.

On irait à vélo ou à cheval au travail
En gardant les voitures pour les plus diminués.

Pour devenir majeur, chaque enfant recevrait
Des cours de droit, de loi, pour n'en rien ignorer.

Chacun aurait son coin, son grand carré de terre,
Où il pourrait bâtir, planter, à son idée.

On viendrait faire ses courses avec son pot à lait,
Ses sacs et ses bocaux, n'acheter que ce qu'il faut.

La pub redeviendrait de la simple réclame,
Qui serait interdite 100 jours de chaque année.

Dans chaque ville se trouverait un atelier public
Où venir concevoir, fabriquer, assembler.

Oeuvrant volontairement à des chantiers publics
Mis au vote citoyen, on serait gratifié.

Les amendes seraient fonction de la richesse
Mettant riches et pauvres face au même couperet.

Un smicard emprunterait l'argent à taux zéro,
Les intérêts grimpant en fonction des moyens.

Les banques seraient au peuple, l'eau toujours accessible,
L'énergie comprise dans les minima sociaux.

On se presserait dimanche au centre commercial
Avec pelles et pioches pour le rendre aux oiseaux.

Dans ce nouveau pays d'abondance frugale
La cravate ne serait qu'au cou des jeunes mariés.

Au diable les breloques, au musée les médailles,
Les actes seuls seraient mesure de respect.

Si j'étais le patron... Mettons qu'je sois l'patron.
J'ferais un gouvernement quelque peu décalé.

A la Santé des hommes : Frachon et puis Pelloux.
Aux Finances trébuchantes : Lordon avec Latouche.

Instruction publique ? Lepage. Non, pas Corine, Franck.
A la Culture : Godin. La Terre ? Nicolino.

Patrons du CSA ? Schneidermann et Mermet.
Affaires étrangères... je dirais Halimi.

A la Justice, personne : l'indépendance ou rien.
A la Défense, Siné, pour mettre un beau bordel.

Au Travail, Mathieu en duo avec Filoche.
A l'Intérieur, hop-là, je nomme Maître Eolas.

Au Logement et la Ville, Eyraud et Amara.
Au Sport, bah je sais pas. Dhorasoo ? Michéa ?

A la Recherche : Leconte !
A la Santé des Bêtes : le CRAC et Luce Lapin.

Mais il manquerait quelqu'un...

Dans ce fol inventaire, zéro premier ministre.
Alors, comme ça, au pif : Almira Skripchenko.

Tu connais pas ? Pas grave. Le nom importe peu.
C'est la caboche qui compte, et la sienne est bien faite.

Car si j'étais le patron, une fois l'affaire réglée,
Ma liste imaginaire d'idéaux déroulée,
Je ferais un coup d'éclat, dès la première semaine,
En vous laissant les clés et en filant ma dem'.

Bref si j'étais l'patron, ça ne durerait pas.
Mais on se réchaufferait au feu des langues de bois.

--G4rF--

jeudi 13 août 2015

Les allemands et "les allemands"

A l'occasion d'une discussion badine, j'ai vu aujourd'hui le sujet du "Tel-Aviv-sur-Seine" abordé d'une façon intéressante.

Extrait de quefaire.paris.fr
Pour ceux qui l'ignorent, il s'agit d'une journée spéciale de la désormais habituelle opération estivale "Paris-Plage". Cette dernière avait à l'origine pour but officiel, en rendant les quais de Seine de Paris intra-muros accessibles au public en les fermant aux bagnoles, de donner un "côté vacances" disponible aux habitants qui ne partent pas.

But social, but électoraliste, intérêt douteux de l'opération, il y a de quoi débattre. Comme toujours selon moi, la réalité est un mélange subtil de tout ceci. Il y a un intérêt pour les parisiens désargentés (enfin, pour les désargentés qui sont encore à Paris) à disposer de cet espace et des activités proposées. Il y a un intérêt pour les commerces d'appoints de l'endroit à s'installer pour faire du blé en vendant des boissons et de la bouffe à ceux qui viennent glander sur un matelas pour lire un bouquin, comme ça m'est déjà arrivé.

Il y a aussi un intérêt pour le patron politique local à se la péter social en montant tout ça en épingle. Et il y a de quoi réfléchir à l'utilité effective d'une opération qui se veut sociale dans une ville où les prix de l'habitat, échappant désormais à tout contrôle, excluent de facto et en masse ceux qui pourraient bénéficier de l'opération en les contraignant à un exil inévitable vers les banlieues dortoir que chantaient Balavoine et consorts il y a quelques années.



L'opération Tel-Aviv-sur-Seine doit, selon moi, être perçue dans la même acception polymorphe. C'est évidemment une opération de comm' politique. Mais pas que.
Comme dans tous les événements de la sorte, il me paraît un peu couillon de réduire cela à ses seules composantes simplistes : j'ai l'intime conviction que pas mal de gens qui n'ont strictement aucun intérêt à polir l'image extérieure de la capitale israélienne et, de facto, de l'état lui-même, participent de toute bonne foi à ce machin-bidule.
Et quand ça s'emballe de partout, avec une indignation plus ou moins sincère, sur l'opportunité d'offrir de la sorte une tribune à Israël alors que les manifestations pro-palestiniennes paraissent faire l'objet d'un filtrage spécifique par la préfecture, il me semble qu'on est en train de fabriquer un smoothie indigeste à partir de réflexions à courte vue.

Mon propos de ce jour n'est pas de donner mon opinion en profondeur sur Tel-Aviv-sur-Seine. Je me permettrai juste ceci : si Paris-Plage devenait demain la version balnéaire de l'exposition universelle, avec plein de pays participants représentant chacun leur meilleure plage avec des trucs à eux, ça serait déjà nettement plus rigolo et le côté cosmopolite ferait vraiment sens.
Sinon, ce Tel-Aviv-sur-Seine c'est jamais plus qu'une espèce de jumelage à 2 balles pour touristes en goguette, qui ne justifie en rien selon moi qu'on s'y arrête particulièrement parce que ça ne dure qu'une journée et que sans tout ce barouf moins d'1% des français auraient eu une vague chance d'en entendre parler, voire d'y participer. Si New York accueillait un "Paris-upon-Hudson" pendant une journée, est-ce qu'on ne trouverait pas ça crétin, vu d'ici, d'apprendre que des américains opposants à la France, pour une quelconque raison, viennent gueuler contre ? C'est de la promo touristique, du commerce, rien de plus.

Depuis que j'ai acquis de la maturité, j'ai changé
d'adresse.
Cela m'amène à développer, par un ricochet mental, une réflexion personnelle d'une maturité assez stupéfiante pour un homme de mon tempérament.

Est-ce qu'une des grandes difficultés que l'on rencontre pour se faire une opinion des événements, des choses, des gens, ne tiendrait pas justement à un biais inconsciemment introduit dans notre façon de voir les choses : une tendance à la simplification par réduction excessive à des facteurs faciles ?


Je m'explique. Quand on allume sa télé ou sa radio, quand on lit les nouvelles sur le ouèbe, on voit la plupart du temps des déclarations du genre : "les allemands s'opposent à l'allègement de la dette grecque", "les turcs refusent de reconnaître le génocide arménien", "les américains augmentent leur emprise sur le sol européen"...

Dans le cas de Tel-Aviv-sur-Seine, on voit bouillonner les opinions sur la moralité d'une journée dédiée à l'aspect balnéaire de la capitale israélienne, et ce dans notre pays qui a techniquement le cul entre deux chaises : partenaire commercial et diplomatique d'Israël d'un côté, ayant accueilli les derniers jours d'Arafat et appelant publiquement à une résolution pacifique par la création d'un état palestinien de l'autre.

Drapeau officiel de Palestisraël (vue d'artiste)
Chez nous, le conflit en Palestine est un marronnier journalistique, et à peu près tout le monde a une opinion dessus, souvent bien
tranchée (pas toujours la même) et souvent bien peu documentée (qui se rappelle que l'OLP d'Arafat était au départ une organisation terroriste ? Autant de personnes selon moi que ceux qui savent que Mandela a fait de la lutte armée avant d'être mis en taule... c'est jamais simple ces histoires-là).


Mais si le débat a lieu concernant l'opportunité ou la décence d'une journée "israélienne" dans l'opération Paris-Plage, cela tient aussi fortement selon moi à ce qu'on assimile un peu vite Tel-Aviv à Israël, la ville toute entière et ses habitants à la politique menée par son gouvernement.

Que veulent les israéliens ? Qui sont-ils ?
Soyons honnête : le français lambda n'en sait à peu près rien. Et moi qui ai à la fois un collègue, héritier de la diaspora juive russe, qui juge le principe du sionisme tout à fait cohérent et acceptable et les revendications palestiniennes démesurées, et qui ai aussi un couple d'amis vivant près de Tel-Aviv avec leurs deux enfants et qui sont clairement hostiles à la politique de leur gouvernement concernant les palestiniens, je suis face à deux principes en apparence irréconciliables, donc je suis bien incapable de dire ce que veulent "les israéliens".

Pour mettre le doigt sur la clé du problème, retournons-le en considérant la France. Je ne me reconnais pas dans la politique gouvernementale. A dire vrai, et de cela j'ai la certitude, des millions d'habitants de ce pays --avec ou sans la nationalité, c'est un faux débat : si je paie mes impôts en France, j'y vis et j'ai mon mot à dire-- ne se reconnaissent pas dans la politique gouvernementale.
Et quand je lis, dans les médias étrangers, une quelconque déclaration qui assimile péremptoirement les français à notre sémillant président, ça me fait tiquer. Exemple : si Hollande se met à promouvoir l'exploitation des gaz de schiste et que la presse internationale titre "les français favorables au gaz de schiste", est-ce que c'est vrai ?

Moi, je désapprouve l'attitude française vis à vis de la Grèce, le passage en force du traité de Lisbonne, la suprématie de l'ordo-libéralisme de l'Europe des thunes sur l'Europe des peuples, l'austérité à tout crin et la règle d'or hors du débat, la surdité commode des gouvernants face aux peuples, l'immunité absolue des puissants devant la justice.
Dans "concept", il y a "cept", entre autres.

Donc, "les français" tels que décrits dans les médias étrangers, c'est certainement pas moi. Ni toi qui me lis. C'est quoi, alors ? Cette expression, "les français", si c'est pas moi, si c'est pas mon peuple, mais alors cékoidon ?

Hé ben je classe ça dans le répertoire des "concepts opérationnels" chers notamment à Franck Lepage, parce que c'est une expression qui, au fond, ne veut strictement rien dire mais donne l'impression d'avoir un sens.




"les français" - vue d'artiste
Donc, "les allemands" dans nos journaux à nous, ou "les grecs", ou "les israéliens" ou "Tel-Aviv", ça ne saurait en aucun cas désigner des gens : c'est la réduction malhonnête à un facteur d'état unique de la diversité évidente d'opinions populaires, réduction qui fait fi du contexte, de l'histoire, des souhaits d'avenir, et qui se présente à nous comme une espèce de bouillie prémâchée et insipide, au prétexte fallacieux de nous la rendre digeste.

Si on adhère à ce sens, si on gobe cette grosse ficelle, il n'y a plus de questionnement en profondeur possible, plus de nuance permettant d'apprécier la réalité pour sa complexité.

On considère un groupe disparate et hétérogène comme un tout homogène : c'est tout simplement du mensonge, une grossière manipulation. De l'info-légo, en petite brique carrée, très très commode pour bâtir vite fait mal fait des machins qui tiennent debout mais dont le caractère grossier et stéréotypé ne peut être nié ni oublié.

L'exemple le plus criant qui me vienne de ce genre de réduction à coups de serpe m'a sauté aux yeux en début d'année quand on a commencé à dire "les afghans --ou les nigérians-- manifestent contre Charlie Hebdo". Qui peut sérieusement croire qu'un journal hebdomadaire satirique dont le lectorat se réduisait de plus en plus avait une chance d'être connu par un tel nombre de personnes qui ne maîtrisent même pas la langue dans laquelle il est écrit ?
Manifestants autonomes et indépendants, offensés
personnellement à la lecture de Charlie Hebdo (vue d'artiste)

Qui a fourni aux mêmes manifestants, à peine un ou deux jours après sa publication, les tirages couleur en grand format de la couverture du spécial post-attentat, pour qu'ils le brûlent ?

C'est la question que des journalistes sérieux auraient dû se poser. Personne ne l'a fait. Mais tous ont répété "les afghans manifestent contre Charlie Hebdo".



Cet exemple de manipulation démontre par son absurdité à quel point ces raccourcis grossiers sont tentants pour les médias, car facilitateurs à l'excès de leur travail, et nocifs pour les populations, qui sont peu poussées à interroger la qualité de l'information qui est mise à leur disposition.

Education intellectuelle à revoir (vue d'artiste)
Éduqués à une pensée facile par des médias encouragés à l'analyse facile face à des problématiques difficiles, nous aboutissons à des solutions simples, évidentes... et fausses.

Alors, je m'interroge sur "Tel-Aviv-sur-Seine", et je me demande qui a intérêt à assimiler cette opération de comm' conjointe à une campagne publicitaire offerte par Paris à l'état d'Israël. Pour moi, c'est du bruit pour rien, et à en croire ceux qui fréquentent les lieux et disent que le "Gaza-Plage" improvisé en face n'a rien à y envier, notamment en ce qui concerne la fréquentation supérieure en nombre des policiers et journalistes sur les touristes, on est en pleine tempête dans un verre d'eau.
De tout cela je ne retiens qu'une chose, que je tiens pour sûre : ni moi, ni personne d'autre qu'eux-mêmes ne peut affirmer avec certitude que l'aspect propagandiste (volontaire ou non) est la résultante du choix "des israéliens".

Marianne, ni libérée, ni délivrée
De même, alors que l'étau des austérités FMIesques se resserre doucement autour de nos gorges, à coup de décentralisation forcée, d'impôts qui flambent, de dotations budgétaires aux communes qui s'effondrent (et vont encore plus baisser bientôt), de projets de loi délétères qui démolissent le service public, on va beaucoup entendre parler du modèle allemand.

Il va y avoir beaucoup de raccourcis grotesques, avec "les allemands" par ci, "les allemands" par là, parce que ce pays est dans une position de domination sur la mécanique économique européenne qui boute le feu à une bombe sociale, laquelle, on en est sûr, va péter indifféremment à la gueule des "français", des "espagnols", des "allemands", des "suédois", comme elle l'a déjà fait en Grèce.
Dans les mois et les années à venir, au fil des crises et de l'enfoncement dans la misère des moins chanceux d'entre nous, la déferlante des jugements à l'emporte-pièce va revenir, et revenir, et revenir encore. Il y aura des coupables, et ce seront toujours "les machins" ou "les trucs".

Tenons-nous à l'écart de ces raccourcis langagiers toxiques, parce qu'ils sont le terreau où croissent les plus étroites et détestables des façons de penser la relation à l'étranger. C'est actuellement le gouvernement Merkel qui fout la merde en Europe en pratiquant le dumping social et en imposant sa doctrine économique à des pays qui n'ont pas d'autre option que l'accepter ou se faire dérouiller. C'est Juncker à la banque centrale qui joue les califes et les donneurs de leçon alors qu'il est là pour fournir des liquidités et pas pour faire le vicieux en coupant le robinet pour son bon plaisir. C'est enfin Hollande qui nous écrase la gueule, en France, en pratiquant une politique qui n'a absolument plus rien à voir avec la définition même la plus complaisante du socialisme.

Les coupables, ce sont les puissants. Ceux qui gouvernent. Eux, ils ont des noms, des visages, ils sont connus. Ils se vantent même de leurs méfaits, les cuistres. Et nous espérons tous, probablement à tort, qu'ils vont un jour répondre de leurs bassesses égoïstes devant la justice du peuple. Ce n'est pas chez "les machins" qu'on va trouver la cause de nos malheurs. C'est bien plus compliqué que ça.

En conclusion, pour en revenir au titre de cet article, "les allemands", ça n'existe pas. Les allemands, ça existe, et ils ne sont pas meilleurs ni pires que vous et moi. Qu'il s'agisse d'eux ou de tout autre groupe de personnes, gardons-nous de prendre les uns pour les autres, et gardons-nous surtout de ceux qui les confondent.

--G4rF--