lundi 20 juillet 2020

Poème express [230/365] - Pourquoi pas nous ?

Pourquoi pas nous
S'ils sont tous mauvais comme des teignes
Inaptes, irresponsables ou cons
S'ils gâchent tout, méritent des beignes
Et nous manipulent comme des pions,

S'ils ne savent bien que nous mentir
Pour se prolonger au pouvoir,
S'ils sont des valets de l'empire
Du tout-commerce, du rien-savoir,

Si leurs phrases brillent comme des soleils
Mais sont creuses comme leurs cœurs séchés,
Si leur marketing émerveille
Mais nous vend un futur cassé,

S'ils sont consanguins dans leurs actes,
Dans leurs pensées et dans leurs banques,
Dans leurs interviews et leurs tracts,
Dans les palais où ils se planquent,

S'ils se foutent du tiers comme du quart,
S'ils ne sont là que pour "la win",
S'ils ont des cadavres au placard
S'ils nous veulent sages et à l'usine,

S'ils nous interdisent de sortir,
S'ils nous gazent et nous tapent dessus,
Nous font comparaître et traduire
Quand on sort marcher dans la rue,

S'ils sont debout sur la pédale
Et nous emmènent droit dans le mur
Qu'au climat ils ne pigent que dalle
Qu'ils ont soldé notre futur,

S'ils ignorent ce qu'est le travail,
S'ils ignorent ce qu'est la faim,
S'ils se tiennent cloîtrés au sérail
D'où ils nous toisent, fiers et hautains,

S'ils sont la cause de nos problèmes
Et que nous sommes la solution,
S'ils sont l'ivraie, la mauvaise graine,
Et nous le germe d'une nation

S'ils peuvent toujours faire encore pire,
Que risquons-nous à les virer
Pour mettre fin à leur délire,
Pour enfin tous les dégager ?

Pourquoi pas nous ?

Pourquoi pas nous ?

Pourquoi
Pas
Nous ?

--G4rF--

lundi 6 juillet 2020

Un meurtre au chocolat (nouvelle)

Un meurtre au chocolat - Nouvelle
©2020 G4rF


"- Et avec ceci ?
- Ce sera tout."
Tentant de maintenir un semblant de discipline en retenant par la main le petit garçon à la bouche collée sur la vitrine, la cliente parvint à extirper de sa main libre une carte de paiement qu'elle agita prestement sur le lecteur.
Un bip et un ticket plus tard, elle sortit de la boulangerie, remorquant le gamin aux lèvres tâchées de chocolat, un sac en tissu écru passé sur l'épaule duquel dépassait une baguette marquant la cadence de ses pas décidés.

"- Bonjour monsieur Champau, qu'est-ce qu'il vous fallait ?
- Bonjour. Il vous reste des homicides ?
- Attendez que je regarde... Il m'en reste trois. Combien il en fallait ?
- Ah mince, seulement trois ? On est quatre, ce soir. Qu'est-ce que vous auriez d'autre dans le même genre ?"
C'était un monsieur plutôt âgé, qui sentait fort l'eau de Cologne et dont l'haleine chargée de menthe poivrée trahissait un usage récent de bain de bouche extra fort. Un peu trop vieux pour être séduisant, mais au moins il prenait soin de sa personne et ne laissait derrière lui rien de plus désagréable que cet étrange mélange de sent-bon et d'haleine-fraîche. Un habitué. Un bon habitué.
"- Hé bien si vous repassez dans une heure, j'aurai d'autres pâtisseries pour vous. Vous avez déjà goûté le guet-apens, je crois ?
- Ah oui, je connais bien ! Vous pouvez m'en mettre quatre de côté ?
- Aucun souci, monsieur Champau. Je le note pour mes collègues, à tout hasard... voilà, quatre guet-apens pour monsieur Champau.
- Merci bien. A tout à l'heure mademoiselle !"

L'heure du goûter vint, suivi de la sonnerie de la cloche de l'école primaire.
Peu après, quelques mamans vinrent s'aligner à la queue-leu-leu devant la boutique, comme à la parade, une main peignant distraitement les cheveux de leur enfant fraîchement sorti de classe, chacune attendant son tour, chacune escortée de son petit valet de pied portant cartable.
L'image la fit sourire.

La vitrine se vida encore un peu plus. L'après-midi était bonne : une dizaine de pendus, six boîtes de noyés, des grenades de toutes les couleurs fourrées à la crème pâtissière, et comme toujours, les meurtres au chocolat et les balles perdues au caramel s'évaporaient aussitôt que les apportaient les mitrons sortant du laboratoire dans un nuage de farine et d'odeur de biscuit.

Monsieur Champau revint et repartit avec une baguette paysanne, sa boîte de quatre guet-apens au chocolat blanc et un petit sachet de poisons en gélule pour ses petits-enfants.

L'horloge marqua 17h30, le moment de servir le dernier client avant de saluer les filles et d'aller se laver les mains.
Elle ôta et jeta le tablier enfariné dans la panière à linge, déchaussa les sabots de plastique de service et sortir de son casier sa "tenue civile", sa tête déjà occupée par ses préparatifs pour le week-end prolongé de trois jours qui s'annonçait très agréable.

En sortant, elle claqua vigoureusement la porte de service qui fermait toujours aussi mal et, repassant devant la boulangerie après être sortie de l'allée de service, fit un geste rapide à Désirée qui avait pris sa place derrière la caisse.
Occupée à garnir une boîte de grande taille avec un assortiment d'assassinats en pâte feuilletée, Désirée ne la vit pas, mais ce n'était pas grave.

Elle rajusta la position de son pied droit dans sa bottine noire, contourna une demi-palette à demi démantelée emplie jusqu'à hauteur de hanche de cagettes de fruits et légumes, se glissa sous le poteau bosselé supportant le panonceau indiquant la mairie et la poste, puis pris à gauche par la ruelle, laissant derrière elle la rue Morgue.

--G4rF--