vendredi 23 juin 2006

Le parfum d'Emmanuelle

Fond sonore : Rage against the machine - Fistful of steel

       Hé non, tas de vieux cochons, je suis pas là pour vous exciter avec des pseudo films de boule façon M6 "ça couine mais ça se touche pas". Non, moi, quand je parle du parfum d'Emmanuelle, c'est d'un parfum très particulier et d'une Emmanuelle très particulière que je parle.
              Ou plutôt, que je me rappelle.

       Pourquoi cette soudaine plongée dans des vieux souvenirs dont, je n'en doute pas le moins du monde, vous n'avez rien à cogner et d'une certaine façon je vous comprends ? Juste pour montrer à quel point, loin d'être statiques et verrouillés, totalement esclaves de nos angoisses, de nos peurs et de nos échecs passés, nous sommes pour la vie entière des êtres toujours renouvelés, sommes de nos expériences, à la fois les mêmes gens et des personnes totalement différentes.

       Le parfum d'Emmanuelle, c'est le parfum d'une fille dont j'ai été amoureux comme on peut seulement l'être lorsqu'on a été seul et à l'agonie sentimentale pendant très longtemps. Pendant très, très longtemps.

       Ca remonte à une dizaine d'années, maintenant. Et pourtant, ce parfum, quand par hasard il vient effleurer mes narines lorsque par inadvertance je hume dans une rue le voile délicat d'une fille inconnue portant la même fragrance, ce parfum me fait plonger loin en arrière et ressuscite en moi celui que je fus, que je ne suis plus et que pourtant je n'ai jamais cessé d'être.

       C'est curieux d'écrire ça, comme ça, mon portable sur les genoux dans un métro de la 14, alors même que sur le fond de mon écran s'affiche la photo sublime de ma moitié vitale, de la mère de mon enfant. Ma femme, quoi. Mais ce n'est pas incompatible. On peut aimer et avoir aimé.

       J'aime ma femme. Et j'ai aimé à l'excès Emmanuelle. Quand je dis à l'excès, je veux vraiment dire que c'était trop. Aujourd'hui, je ne la vois plus, et sans doute ignore-t-elle tout de mon existence actuelle, et c'est ni mal ni bien, c'est juste la vie.
              J'ai su, parce que je l'ai vu passer à la télé, qu'elle est en couple et qu'elle a perdu un premier bébé. Ca m'a touché. Elle n'est plus celle que j'ai aimé. Mais ce parfum qui était le sien, qui était sa marque au fer rouge dans les tréfonds de mon âme instable d'adolescent attardé et d'incorrigible romantique franchement couillon sur les bords, ce parfum n'a rien perdu de sa force et de sa capacité à me remuer l'âme.
              Mesdames, sachez-le, il y a beaucoup de mental en nous, mais certains aspects physiques prennent parfois une importance inattendue. Pour moi et pour quelques autres, l'emprise du parfum de quelqu'un qu'on aime est comme un hameçon planté directement dans le coeur. Des années après, j'en sens encore l'emprise, comme une plaie ouverte que je n'ai jamais vraiment voulu refermer.

       Je n'ai jamais su quelle était la marque de son parfum. Et à vrai dire, je ne pense pas que je souhaiterai le savoir. Le respirer trop facilement lui ferait perdre sa substance. Ou alors, il faudrait que j'en chope un flacon, que je le congèle, et que dans 40 ou 50 ans je le ressorte et je m'en fasse un gros shoot. Pour voir.

       C'est ma madeleine de Proust, ce parfum. La fougue débordante avec laquelle j'ai aimé cette fille, qui n'était vraiment pas pour moi (et réciproquement). La violence (car il s'agit de violence) avec laquelle j'étais déchiré de n'être point son compagnon. Tout est contenu dans quelques molécules aromatiques adroitement dosées et mélangées. Un interrupteur, câblé directement sur le désir, l'envie, l'excitation. La passion. Les sentiments les plus fondamentaux.

       A la réflexion, et après la lecture d'un recueil de pensées écrit par mon ami Tom Floyd (qui se reconnaîtra s'il a du temps à perdre à venir lire mes bafouillages), je pense que j'ai éprouvé le besoin de parler du parfum d'Emmanuelle parce qu'il m'est précieux comme peu de choses. Impalpable, insaisissable, on ne peut me le voler ni le dénaturer. C'est une porte ouverte, un sas vers une strate inférieure de moi.
              Celui que je suis aujourd'hui n'aime plus comme avant. J'aime toujours, mais je suis plus à l'aise. A l'époque, comme dirait Tom, je cherchais plutôt à m'aimer en m'imaginant avec cette somptueuse créature, cet incroyable garçon manqué si belle et désirable, amusante et passionnée, tellement différente et tellement proche à la fois de ce qu'il me fallait vraiment, et que j'ai aujourd'hui.
              Pour parvenir à la satisfaction qui est la mienne, et qui est celle de quelqu'un qui n'éprouve plus le besoin de se remettre en cause émotionnellement parce que ce vide atroce qui m'habita si longtemps est désormais comblé bien mieux que je n'aurais pu le souhaiter, j'ai d'abord dû aimer celui que j'étais.

       Le petit garçon qui ignore toujours quelle espèce de fierté imbécile l'a poussé à ne plus adresser la parole à Hélène, son grand amour des petites classes, du jour de son entrée au collège, un an d'avance dans la poche comme si j'étais Superman. Quel con ! Le jeune connard qui se renfermait sur lui-même, imaginait des films en cinémascope dont il était le héros et pour qui les filles se pâmaient, bref, la cervelle en ébullition et la quéquette en berne. Celui que j'étais. Les conneries que j'ai fait. Le mal que j'ai pu faire autour de moi, dans ma famille, à mes amis, à tous ceux que j'ai admiré autant que je les jalousais, pour qui le petit prodige à la si grande mémoire semblait parfois tellement transparent. Aux filles qui ont fait les frais de ma langue de vipère quand j'étais incapable, verrouillé à triple tour par mon envie d'image sublime et d'être un type formidable, de simplement avouer mon désespoir d'être jamais aimé.
              A celles qui se sont heurtées à la violence inouie et la connerie fondamentale qui étaient miennes lorsqu'elles m'avouaient un sentiment égal au mien, et que je les rejetais connement, incapable de réaliser qu'il n'y a pas d'amour sans réciprocité, qu'une déclaration de quelqu'un vers moi était au moins aussi sérieuse qu'une déclaration de moi vers quelqu'un d'autre, qu'il s'agit d'une épreuve redoutable et terriblement angoissante et qu'il n'y a rien de plus douloureux quand on n'a que 13 ans que d'affronter ce que je leur fis subir. Je n'ai jamais retenu leurs noms. Voilà sans doute le pire des maux que j'ai occasionné. Je n'étais pas amoureux d'elles, mais était-ce une raison valable d'être si minable et fat, plein de vanité et de cruauté gratuite ? Non. Rien ne peut justifier ça. J'étais un surdoué, et j'étais donc assez intelligent pour constater, si l'autocritique honnête avait été ma tasse de thé, que j'étais aussi un sale petit connard orgueilleux et sans coeur dès que ça m'arrangeait. Ca m'a arrangé souvent. Je le regrette encore.
              Toutes ces stupidités, ces crasses, ces actes de méchanceté ou de bêtise gratuite qui ont émaillé mon passé et qui sont malgré moi devenus les fondations de celui que je suis aujourd'hui. Comme toi, comme nous tous, j'ai un max de squelettes dans le placard.
              Tout ça, il m'a fallu l'aimer. Accepter ma part d'ombre, pour pouvoir la distinguer et m'en détacher autant que possible, la traînant derrière moi comme un boulet qui frotte le sol et qui s'use, lentement. Jusqu'à, peut-être un jour, se détacher ?

       Le temps a beaucoup passé. J'ai fini mes études. J'ai un taff. J'ai un logement. J'ai une femme incroyable, et j'ai une petite fille qu'il va me falloir guider sans la pousser, et à qui je devrais offrir plus de liberté et d'amour que je ne pense pouvoir en produire. Mon groupe de musique cartonne dans son petit coin. J'ai écrit le bouquin que je rêvais d'écrire, j'ai une suite en chantier, j'ai des projets plein la tête et l'envie d'accomplir dans le concret ce que mon travail m'empêche tout simplement d'obtenir. Je n'ai plus franchement d'ennemi juré, j'ai plutôt des rancoeurs et des déceptions, mais je m'efforce aujourd'hui d'aller vers l'autre, de garder le contact avec ceux qui m'ont blessé ou ceux qui me fatiguent. Je n'y arrive pas toujours.

       Et le parfum d'Emmanuelle, dont je ne veux pas connaître le nom, tire parfois vers la surface un pan entier d'existence où j'étais plus vif, plus fort, plus violent, plus con et plus intelligent à la fois. J'étais un moi plus petit qu'aujourd'hui, nerveux et instable. Et malgré toutes mes conneries de l'époque, j'en garde de la nostalgie. Il m'a fallu presque 10 ans pour me regarder avec un air compatissant, et dire au "moi" de cette époque : "t'es qu'un petit con, et tu ne t'en rends pas compte, bouffi de suffisance et de terreur que l'on voie ce que tu es vraiment. Comme si quelqu'un en avais quelque chose à foutre de tes angoisses existentielles : ils ont déjà les leurs ! Eux aussi les cachent ! Mais c'est pas trop grave, petit gars. On peut encore sauver les meubles. Un jour tu supporteras ton visage dans le miroir, parce que tu ne seras plus le même".

       Les meubles sont à peu près sauvés à ce jour. Je suis presque en paix avec mon passé. Celles qui ont gravé leur nom bien malgré elles dans ma vie, Soizic (maternelle), Hélène (primaire), Véronique (collège), Béatrice (lycée), Emmanuelle (IUT), Céline (IUT - école d'ingé), Nathalie (école d'ingé), Céline (la même un peu plus tard), Anne-Laure (paix à son âme), Nathalie (pas la même), je pense que je pourrais aujourd'hui leur faire face et leur demander simplement pardon d'avoir été si bête. Pour soulager ma conscience, mais aussi pour être enfin parfaitement honnête avec elles, ce que je n'ai jamais su faire vraiment avec qui que ce soit avant de rencontrer ma femme.

       Il ne suffit pas de l'écrire, il faut aussi le faire. Il faut le faire vraiment. Ce sera plus dur que tout. Mais j'en sortirai encore bien plus droit que je ne pourrai jamais l'être sinon. Quelques coups de lime sur le boulet, quelques particules de limaille tombées à terre pour alléger mon fardeau.
-G4rF-

lundi 12 juin 2006

Verbiage

Fond sonore : François Pérusse - Cette petite chose

       Dormi 4 heures cette nuit. J'aurais pas dû finir de regarder Shaolin Soccer, mais bon c'est tellement con qu'il fallait que je tienne.
              De nombreuses choses se passent en ce moment dans ma vie. En version télégraphique : bébé un peu malade STOP allergie reprend malgré traitement cortisone STOP chaleur insupportable STOP mal de crâne persistant STOP musique de plus en plus cool STOP galères avec des copains qui restent en souffrance STOP plein de Pérusse à trier STOP Alien Versus Predator à regarder STOP un maximum de taff à écouler dans un temps ridiculement court STOP j'en ai plein les bottes de traverser Paris matin et soir pour aller bosser STOP il me faut une bagnole avec la clim STOP fais chier ça pollue mais c'est pour la môme STOP pas mal de poids à perdre, pas pour faire le kéké cet été mais simplement pour me sentir mieux dans ma peau.

       Ouf.

       La rédaction du scénario de la trash pop BD avec BleZzZ n'avance pas des masses. Cependant, nous avons des bonnes idées, mais il faudrait qu'on se voie plus souvent pour leur donner corps et les pousser dans leurs retranchements. Le tome 2 de mon bouquin n'avance pas beaucoup lui non plus, et ça m'embête un peu. Mais 8h-19h tous les jours, le bébé à gérer, plus la bouffe, plus le taff en retard, plus la péniche, plus les soucis de bagnole à vendre, ça laisse tellement peu de temps que ma jolie gratte électro-acoustique n'est pas sortie de l'étui depuis trois semaines. Alors tu penses, écrire...
              Tout ce qu'il me reste comme temps, c'est celui que je consomme en bloguant, pour un public à dimension variable mais qui, je le pense, me retrouve ici comme je suis au fond : coups de gueule, bonne foi relative, envie de paix (qu'on y vive et qu'on me la foute), et accessoirement envie de temps pour assouvir mes pulsions (ré)créatrices.

       Ce fut un week-end de ouf, qui vient couronner un mois et demi de cinglé tellement on a bougé et tellement on a speedé avec ma moitié et le produit de nos chromosomes. Faudra quand même à un moment que je me prenne environ 8 ans de congés sabatiques. Pour me poser. Et souffler. C'est quand même chiant, à bien y regarder, d'avoir tant besoin de couper le rythme avec la vie que j'ai.
              D'un côté, j'ai des copains qui galèrent sans taff et avec peu de moyens, mais qui semblent globalement avoir une vie plus peace que la mienne (même si je me doute que cette paix est fragile et sans doute seulement apparente). D'un autre côté, j'en connais qui n'en foutent pas une parce qu'ils débordent sous le pognon et n'ont que l'embarras du choix dans la vie, et sont donc également peace à donf.
              Au milieu, y'a moi. Trop bien payé pour me prétendre dans le besoin, et pas assez fortuné pour pouvoir m'acheter de la quiétude. Comme quoi, effectivement, l'argent ne fait pas le bonheur. Enfin, en tout cas, il ne l'achète pas. C'est prétentieux à mort de ma part de poser les choses sous cet angle. Mais objectivement, c'est comme ça que ça se passe.

       Je préfèrerais 1000 fois être homme au foyer et garder ma ptite môme tout en écrivant toute la journée et en matant des DVD plutôt que m'emmerder à venir ici tous les jours gagner une thune qui de toutes façons s'évapore très vite en :
              - éléments de confort moderne qui servent juste à me faire gagner le temps que je n'ai pas pour moi puisque je travaille toute la journée ;
              - paiement de traites de logement qui de toutes façons ne devrait pas coûter un prix aussi exhorbitant (après tout, merde, c'est pas l'espace qui manque sur cette planète !) ;
              - nourriture assez équilibrée pour me permettre de tenir le choc de l'énergie à dépenser pour pouvoir bosser et ainsi gagner du pognon qui s'évaporera aussi sec en éléments de confort moderne, paiement de traites, nourriture équilibrée qui me permettra... etc, etc, etc.

       En ce moment, mon taff consiste à maîtriser Word et à savoir relire entre les lignes les gribouillis ou les cafouillages des uns et des autres. Jamais la vacuité de mon activité professionnelle ne m'était apparue si violemment flagrante. Ou pour être plus clair, je m'étais déjà fait profondément chier au boulot par le passé, mais là, les raisons professionnelles, techniques, humaines et politiques qui m'amène, avec mes collègues, à faire le travail que je fais maintenant sont si désespérantes de prévisibilité, de manque de fondement intellectuel et de "sauvez les meubles" qu'il y a de quoi en pleurer.

       Si je pouvais consacrer le quart du temps que je passe sur Word aujourd'hui à rédiger mon nouveau bouquin, j'en serai déjà au tome 12.

       Sinon, le monde tourne toujours de plus en plus branquignol. Et la France m'énerve. Ségolène Royal m'énerve, parce qu'elle vend sa tronche avant d'avoir la moindre idée concrétisable et correctement préparée en étalage. Méthode pour agir contre la précarisation, l'explosion du nombre de pauvres, la souffrance quotidienne de ceux qui vivent avec le couperet de la banque au dessus de la tête ? Euh... j'ai pas trouvé. Par contre, j'ai bien vu toutes les paillettes et tous les effets d'annonce, et toute la bonne récup du discours bien facho de Sarko (genre "La France on l'aime ou on la quitte" - autrement dit, n'espère pas faire changer de direction ton pays, même s'il va droit dans le mur. Saute plutôt en marche !).
              Cette espèce de course démente au temps de présence média qui n'est pas sans rappeler les exubérances délirantes des campagnes électorales américaines me met dans un état d'agacement et de découragement profond. Franchement, c'est tout ce que la gauche française a trouvé ?

       Tout ce qu'ils savent faire, c'est communiquer sur une gueule, et pas sur une méthode. Ca m'agace. A tout prendre, s'il faut prendre gueule pour gueule, je préfère parmi tous les membres du parti "socialiste" (parce que côté social, on fait quand même mieux actuellement) donner ma voix à Elisabeth Guigou. L'apaisante élégance et le discours réfléchi, structuré et fondé de cette femme me paraît franchement plus apte à incarner ce qu'on peut espérer attendre d'un chef d'Etat (pas seulement en terme d'image, mais aussi en terme d'engagement, de fermeté et de pondération) que tout ce que les concurrents de droite ou de gauche ont à offrir.
              Et cela, même si (mais je peux me tromper) je crois me souvenir qu'elle était pour la constitution européenne version zéro. Ca, franchement, y'a pas de quoi être fier, et ça m'embête. J'en ai longuement discouru par le passé, c'était de la grosse daube ce machin. Ca n'avait rien à voir avec une règle du jeu fondamentale et populaire, c'était un ramassis indigeste de bouts de ficelle "je-tire-tu-pousses-et-on-gagne-tous-les-deux" dépourvu de toute honnêteté, de toute simplicité, bref, de toute constitutionnalité.

       Je vois quand même quelqu'un d'autre vers qui ma voix pourrait partir. Bien que je désapprouve pas mal de ses positions, un type comme Bayrou m'a l'air suffisamment posé dans ses baskets pour être crédible.
              Je veux dire par là que, dans un monde bien foutu, on n'aurait pas ce que ces gros connards de politicards professionnels appellent de la "politique politicienne" (traduisez : concours d'éloquence et de perfidie) à se goinfrer tous les jours dès qu'on entend parler de nos chers (dans le sens coûteux du terme) gouvernants. Non, on aurait un discours calme et fondé, avec de temps en temps un gars qui s'arrête pour écouter ce que lui rétorque son interlocuteur, et qui dirait : ah ben oui, vous avez raison, j'ai tort, on ferait mieux de faire comme vous dites.

       Aller au delà de la logique de parti, d'embrigadement, de "le chef a dit qu'on faisait comme ça et je ne vais surtout pas réfléchir pour autant", ça ce serait une vraie amélioration. Penser la politique comme un effort d'optimisation, d'adaptation de l'outil gouvernemental aux réalités vécues par le pékin moyen, ça ce serait faire le boulot pour lequel on crache de la thune dans les poches de ces blaireaux.

       Et pour faire ce travail, je pense que des gens comme Guigou, Bayrou, Delanoë et Montebourg (et il doit bien y en avoir d'autres à l'UMP qui ont envie qu'on avance et pas qu'on couvre le grand patron pour toutes ses vieilles crasses) sont plutôt les têtes d'affiche qui selon moi, par leurs actions passées et par leur mode de travail et de discours, ont mérité leur place. Fabius, Sarkozy, Villepin, Chirac, Hollande, Robien, Villiers, Le Pen, Laguiller, Krivine : plutôt du genre à brûler les sorcières parce que c'est de l'image qui tape plutôt que se demander si c'est bien, au fond, de brûler des gens comme ça parce que "machin a dit que...".

       Mais je me rassure très vite. Les télés continuent de lécher les bottes des politiques, de leur offrir du temps de blabla sans la moindre espèce de débat sérieux sur le concret de leurs slogans et de leurs "il faut ... !" (applaudissements pas du tout spontanés). Le Figaro est toujours aussi servile. Le Monde toujours aussi biaisé. Michel Pollac toujours interdit d'antenne. PPDA et Fogiel présentent toujours leurs émissions. Lagaf' toujours animateur. Sébastien toujours échangiste. Les chiffres du chômage, de la délinquance, des violences, de la haine, du racisme : toujours aussi bidonnés.
              Même Médiamétrie est critiqué actuellement pour la confiance assez hasardeuse qu'on peut mettre en leurs estimations d'audience.

       TF1 continue toujours à couper "La Liste de Schindler" en 2 pour pouvoir passer des pubs de lessive. Les clips de hip-hop/R&B continuent toujours à faire de l'audience avec les bonnes vieilles recettes : danseuses à moitié à poil, gros plan sur les fesses, mec habillé en deux fois trop grand pour lui qui change de fringue à chaque plan et qui se la pète "gangsta", comme s'il y avait de quoi se vanter d'être un gangster.

       "Street cred", ça s'appelle. La crédibilité de rue. Faut avoir l'air vrai. Tu commences comme ça, et pis tu finis mort, comme les potes d'Eminem, et puis Tupac, et puis Notorious BIG... un vrai gangsta, ça meurt connement dans son sang et l'odeur de sa merde qui s'échappe des trous de balle dans son intestin, effondré entre les poubelles dans une ruelle qui sent la pisse. Jeune. Riche. Mais mort comme une merde quand même. Ouais, ça c'est la classe.
              Au matin, une âme franchement meilleure qu'eux appelle la police ou les pompiers. Ils ramassent le corps avec des gants, le collent dans un sac, puis ils vont laver leurs mains et vont boire un café. Ils ont l'habitude du sang et de la merde, parce que des gangsta ils en ramassent tous les jours.
              Le soir, ils rentrent chez eux, dans une voiture normale, peut être en écoutant de la country ou des vieux standards des années 60-70 sur un radio K7 sans affichage multicolore et sans néon sous la caisse. Ils embrassent leur gosse, l'engueulent à cause du bocal à poisson cassé, le privent de dessert ou de télé pour la soirée, et puis vont lui faire la bise au moment où il s'endort, dans sa chambre couvertes de posters de gangsta morts. Ils n'osent pas leur dire que, le matin même, ils ont ramassé l'idole du petit baignant dans sa merde, sa pisse, son sang, le bout des doigts grignotés par les rats, avec sur sa tronche de héros désappointé toute la misère du mec qui croyait contrôler le monde et qui se retrouve à se pisser dessus en appelant sa mère avant de crever, seul, sans personne.
              Ils trouvent ça triste, mais ils ont l'habitude.
              Ils s'endorment devant un film, assis dans le canapé même pas en gros cuir noir très cher mais tellement confortable, avec leur femme qui est habillée classique, sans string ni décolleté de 30 mètres. Elle a un peu de farine sur le coude, et elle n'est pas très élégante quand elle fouille entre ses dents pour déloger un fil de viande, mais ils l'aiment quand même.
              Ils lui font l'amour sans la traiter de salope, ni de pute, sans lui coller des claques sur les fesses et sans la forcer à faire des trucs qu'elle ne veut pas faire. Après, ils s'endorment en pensant qu'il faut payer le loyer et que ce serait bien d'aller faire un tour à la mer un de ces jours, avec le petit.

       Oui, le monde est toujours aussi branquignol. La connerie fait toujours recette, la vache Milka a effectivement terrassé la couturière de Valence (allez voir le site milka.fr - à l'époque, j'avais prophétisé ça. C'est pas pour dire, mais j'en ai marre d'avoir raison). Total continue à faire un fric monstre et à priver les pays africains du riche produit de leurs ressources. Les dictatures ont toujours le vent en poupe. Guantanamo n'est toujours pas fermé. Y'a toujours pas de Noir ni d'Asiatique dans les prospectus des banques ni dans les pubs de lessive. Le fric est en hausse, l'amour est en baisse. Plus que jamais, l'habit fait le moine.
              La guerre menace partout. La princesse de mon cul épouse le roi des cons. Ca c'est pas de moi, c'est du Desproges, mais vingt ans après c'est toujours aussi actuel.

       Le côté sympa, c'est que ma soeur passe son bac aujourd'hui, qu'elle ambitionne de bosser avec des enfants, et qu'elle est la première à dire que la Star Ac' et tout ce qui va avec, c'est vraiment trop de la merde. Vous je sais pas, mais moi ça me redonne un peu confiance. Je sais que le clan des cinglés et des brutes perd des membres chaque jour qui passe. Ca me fait sourire. Ca me donne envie d'écrire.
-G4rF-