lundi 14 mars 2005

Un aller simple vers Pluton, SVP

Fond sonore : Jeanne Cherhal - Le petit voisin


    Atous ceux qui se disent que la vie réserve parfois de superbes surprises, je souhaite rappeler aujourd'hui, à toutes fins utiles, qu'il est vital de savoir se serrer les coudes et de ne pas se laisser totalement aller à la seule jouissance de son propre bonheur, ceci pour permettre à d'autres d'avoir l'occasion de profiter également du même genre d'instants. Je pense en particulier en ce moment à une femme, Madame ou Mademoiselle Milka Budimir, qui a sans doute bien besoin de chaleur humaine.
    Si vous fouillez un peu dans les nouvelles, ou si vous lisez 20 minutes, sans doute ce nom vous sautera-t-il aux yeux demain. Parce que là, franchement, là, l'aventure qui lui arrive et qui tourne salement au vinaigre a de quoi faire lever les yeux au ciel et demander à Dieu pourquoi il autorise de telles concentrations de connerie à se déverser sur une seule et même personne.
    Soyons clairs et nets : je ne la connais pas, cette Budimir. Tout ce que j'en sais, c'est ce que je lis dans les news sur Internet régulièrement depuis quelques semaines, à propos de Kraft Foods et de leur manie très capitaliste de ne pas transiger le moins du monde avec qui que ce soit, et surtout pas la populace à qui ils veulent bien vendre leurs saloperies bien chargées en sucre et en graisse qui vous rendront bien gros et bien gras, bien luisants comme des touristes américains de base sur la croisette, mais à qui ils refusent tout droit d'ouvrir leur gueule pour simplement faire remarquer qu'on s'en sort souvent mieux dans la vie avec deux sous de bon sens qu'avec 12 000 euros de procès.



    Madame Budimir (il me plaît d'imaginer que c'est une dame, d'un âge que l'on veut discret), Madame Budimir, donc, est couturière vers Valence. Je crois me souvenir qu'elle est originaire de Roumanie, d'où lui vient ce prénom, qui est le sien. Milka. A cet instant, je prie tous ceux qui trouvent ça rigolo qu'elle ait le nom d'une vache mauve de bien vouloir fermer leurs gueules et lire attentivement la suite.
    En effet, Madame Budimir a reçu lors de sa naissance un prénom qui devait s'avérer, bien des années plus tard, devenir une marque commerciale assez répandue. Rigoler d'elle, bande de schtroumpfs incultes, c'est comme rigoler en découvrant que dans la Grèce antique, Clio était une muse, et qu'elle s'appelle comme une bagnole. Ah ben ouais, c'est drôle. N'empêche, c'est son nom, c'est son nom, c'est comme ça, on ne se refait pas. Et pis elle est arrivée prem's ! Seulement, aujourd'hui, si vous appelez votre fille Mégane, les gens iront plutôt dire que vous avez déconné et que ça va pas être facile à porter (bon, y'a plein d'anglophones qui s'appellent Megan, mais vous n'êtes pas sensé le savoir). Et a priori Renault ne viendra pas vous faire chier avec ça. C'est ton prénom, t'en fais ce que tu veux, c'est la vie, c'est comme ça. La vie d'abord, le commerce après. Point.


    Prenons maintenant le cas de Madame Budimir. Milka Budimir, couturière, retoucheuse de vêtements et "petite main" expérimentée. Surfant sur la vague Internet pour élargir sa notoriété et se faire mieux connaître, elle enregistre son prénom comme nom de domaine. Milka.fr. Moi je dis, pourquoi pas ? Maaaais... il y a Kraft Foods. L'ogre tentaculaire dévoreur de marques, propriétaire des chocolats Milka, ceux qui ont, entre autres, retiré des rayons le Pastador, qui était la seule pâte à tartiner à avoir un goût de chocolat et pas de graisse de yack (vous connaissez pas, c'est normal, vous lisez des blogs, vous êtes trop jeunes). Peut-être parce qu'il y avait vraiment du chocolat dedans, et que ça coûtait trop cher à fabriquer pour ces bouffons de clients ? Qui sait ? Eux, en tout cas, le savent. Mais de notre opinion comme de la tienne, ami lecteur, comme toute bonne machine à fric de ce siècle de démence, ils n'en ont rien, mais alors rien à branler - du - tout.
    Et ce n'est pas l'honnêteté qui les étouffe quand ils envoient leur avocate (compromise d'office) pour négocier "à l'amiable" la reddition dudit nom et du site qui va avec. Entre nous, Maîtresse du barreau, toi qui est capable de dire qu'un site Web bidouillé vite fait avec 2 photos et des horaires de boutiques nuit gravement à ta méga corporation internationale sans tête et sans âme, à ta place j'irai bouffer ma robe et je changerai de métier, faire la pute pour ce genre de types et taper à coups de code civil sur une petite couturière, c'est un boulot de clébard, pas d'humain (ça se sent, que je te méprise, là ?).
    Sachant que leurs arguments sont foireux comme pas un (genre, la couleur de fond du site qui s'apparente au lilas des emballages, et autres conneries du même genre qui amèneront peut-être un pseudo-client pas très potentiel de la vache mauve sur 20 millions d'internautes français à devoir perdre 3 secondes de plus sur Google avant de trouver le site avec la vache), avec ces prétextes à deux francs, donc, on se dit qu'ils vont finir par se reprendre et s'apercevoir que ce serait plus simple de se mettre d'accord avec la dame pour qu'elle colle un lien vers chez eux depuis sa page, parce qu'après tout, c'est pas parce qu'elle a une petite société et eux une grande qu'elle devrait céder les droits sur son propre prénom... Hein ? Hé... non, sérieux... BWA-HA-HA-HA ! On y croit tous !

    Réveillez-vous les gars, on vit sur MoneyPlanet.com, l'America$h domine le monde, nos secondes sont des euros ! Où t'as vu que le bon sens rapportait quoi que ce soit ? Qu'elle aille se faire mettre, la vieille ! Dans l'cul, ses aiguilles ! Ha ha ! Thune power, mon ami, mon frère, mon client, car mon pognon, il a plus de force que toi !



    Alors voilà où nous en sommes : pour parfaire le ridicule dans lequel s'embourbent les chocolatiers grinçants, ça se finit au Tribunal d'instance, qui, en guise de point d'orgue à cette cacophonie juridique, donne bien évidemment raison à Goliath contre Milka. En ce triste jour pour la justice, mesdames et Messier, une vache mauve de papier d'emballage a eu raison au tribunal de la République d'une vraie femme, qui n'était ni une voleuse, ni une criminelle, mais une couturière faisant sa pub avec les moyens du bord.
    Je le sais. Vous le savez. Tout le monde le sait. C'est une connerie à la prétention monstrueuse, mais personne n'est dupe.

    Et tout ce qu'il y aura sur le futur milka.fr de chez Kraft Foods De Mes Deux Copyright, je le sais aussi. Ce sera une page de marketing merdique avec des belles couleurs pas franchement vertes ni jaunes, gerbées en trois clics par un graphiste stagiaire mal payé façon intermittence, qui vanteront très mal et sans la moindre conviction les vertus nutritionnelles virtuelles des produits déféqués par le bovin coloré. Une page de Photoshop qui n'intéressera personne. Et ne vendra rien.
    Et n'améliorera pas l'image de crétins lunaires que vient de se forger, à grands renforts de milliers d'euros et de procédures sans autre fondement qu'une poussée d'égocentrisme digne d'une crise d'identité prépubère, le géant alimentaire Kraft Foods France, 55 630 330 € de capital, mais pas deux sous de cervelle dans le citron et un logo qui sent un peu la poubelle d'il y a 30 ans (en passant, bonjour l'image à défendre ! 'feriez peut-être mieux d'la refaire, l'image, non ? P't'êt' que la vraie Milka vous la broderait sur des écussons ?)
    Après quelques mois d'inactivité commerciale absolue, tristement prévisible car caractéristique des sites de pub corporate, le domaine sera redirigé automatiquement vers le site Kraft principal des empêcheurs de coudre en rond. En tout cas, une belle grosse bouse mauve directement sortie du cul de la vache idoine, un pur produit du capital inhumain et triomphant, susceptible d'attirer au mieux un autiste amateur de couleurs gerbantes, au pire un vieillard de Floride qui cherche où son fonds de pension investira l'argent qu'il n'emmènera de toutes façons pas en Enfer.



    Honte à toi, l'avocate servile et tenue en laisse par l'or malsain d'un client si vil qu'il transpire la peur qu'on puisse, avec des aiguilles et du fil, nuire à sa pub bien chère et sans intérêt et à tout son bon argent. Tu t'es fait chier à étudier des années pour aller détruire aujourd'hui dans la légalité parfaite ce que des brutes sans cervelle détruiraient illégalement avec autant de tact et d'aplomb que toi. A 8 ans de droit près, toi d'un côté, une paire d'hommes de main issus des plus bas fonds de l'autre, ben... il y a photo. Car vous êtes strictement identiques en terme de résultats. Change de métier, assume tes tendances, prostitue-toi directement. Ca te donnera une occasion d'enlever cette robe grotesque qui fait rire dans le dos de tous les hommes de loi, d'enfiler quelque chose de moins habillé et de plus plaisant à l'oeil, et peut-être quelque brave type en manque d'amour aura-t-il l'occasion par la suite de racheter l'honneur de ta victime de ce jour en t'enculant sèchement car, à toi aussi, ton tour viendra de mordre l'oreiller.
    Honte à toi, juriste de chez Kraft. Honte à toi, responsable mercatique (pour ceux qui ne savent pas, c'est comme ça qu'on traduit marketing en bon français de France). Honte à vous pour les euros qu'on vous paie à rien foutre en défendant (contre quoi ?) une image et une "réputation" qui n'abusent que vous. Gamins égoïstes qui ne veulent pas qu'on touche à leur jolie marque/jouet. Transis de peur par une dadame qui fait de la couture, bien trop prompts à dégainer les flingues et les procès-verbaux.
    Honte à toi, le juge qui a accepté d'instruire ce dossier pour ne pas déplaire à Monsieur Kraft-je-dégouline-de-fric-et-de-moyens-de-pression-juridique. Ton métier, c'est de renvoyer dans leur coin les petits roquets agressifs comme eux. Car malgré tout leur pognon, ils ne sont rien de plus. Mais tu les as laissé aboyer. Ils ont effrayé la vieille dame, ils lui ont fait du mal. Et comme tu n'as rien fait pour les en empêcher, c'est aujourd'hui de ta faute qu'il s'agit. Lorsque tu fais ça, tu ne vaux pas mieux qu'eux. Tu le sais, et les gens qui t'entourent le savent aussi.



    Que dire maintenant ? Tout simplement que je souhaite du courage à Madame Budimir. Sachez qu'en plus de moi, madame, il y a encore des gens en France qui savent faire la différence entre le bon droit outragé et la vraie connerie brute. Comptez, madame, avec tout mon respect dans l'épreuve qui vous accable, sur le soutien de tous ceux qui lisent ces lignes et, terrifiés par tant d'aberrance, se disent comme moi : "mais dans quel monde de cons vit-on ?"
    Voilà... Vous, les gars, je sais pas. Mais moi en tout cas, c'est pas demain la veille qu'on me fera gober du chocolat en paquet mauve...

- G4rF

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ah mon cher GarF...
Quel bonheur de dévorer ces quelques articles, qui ne sont pas sans me rappeler quelque chroniques de notre regretté Pierre Desproges, constatations acides de l'étendue et de la profondeur abyssale de la connerie puante et de l'insalubrité glauque de l'esprit humain torturé, dans lequel baigne et se complait toute notre minuscule et insignifiante présence sur ce grain microscopique de poussière qu'est notre "belle planète"...
Quelle excellente idée ce blog... Ca fait quelques jours que je traine dessus, bravo :)
Et pour toi qui aime aussi la liberté informatique, va faire un tour du cote des WiKi, ce système de partage qui permet à tous d'apporter leur pierre à un site par un système d'édition HTML online. Ca te donnera peut-etre de nouvelles idées !