mardi 8 mars 2005

Tuesday, fucking Tuesday...

Fond sonore : Marilyn Manson - The death song


Il y a eu aujourd'hui un écho dans mon vide. Voilà que quelqu'un lit mon blabla ?! Merci à toi, ptiforest, ça me fait plaisir. #1 reader ! Yeehaaa !
Il fait un temps radieux aujourd'hui à La Défense. L'astre du jour, voilé par les nappes de pétrole en suspension dans l'air blême, illumine à grand peine les façades glaciales et parfaitement industrielles des grandes frites de béton plantées dans la flaque de ciment qui s'étend sous nos pieds. Quelques arbres tentent, à leur vitesse ridicule et avec leur force colossale, de reprendre le dessus sur l'homme, là en bas, dans leurs enclos pavés. Bon courage, la chlorophylle, nous sommes avec toi.
Si je suis de cette humeur maussade de nouveau, ce n'est pas uniquement parce que mon boulot me gonfle ces jours-ci, ni à cause de la prise de tête à portée restreinte qui a eu lieu ce matin entre ma moitié et moi-même. Quoi que... Bref, si je suis de mauvaise composition, ce n'est pas pour faire celui qui a quelque chose à dire, mais pour exprimer un "pourquoi" plutôt agacé.
Pourquoi est-ce que ce soir, au fabulousse Journal Télévisé, j'ai la certitude que le sujet d'ouverture sera, soit la baston d'hier soir à la Goutte d'Or où une arrestation est partie en couille et plusieurs projectiles ont troué quelqu'un, soit les problèmes sexuels de Michael Jackson (à supposer qu'il arrive à se servir de sa queue sans qu'elle lui reste dans les mains à cause de sutures mal faites), soit éventuellement un quelconque sujet de merde du genre télé-réalité (le bébé de Connassa sur TF1, les états d'âme du Babachelor sur la 6, la recherche de la nouvelle tare ?)... C'est curieux, quand même. Quand on y regarde de près, il y a de troublantes similitudes entre télé-réalité et réalisme socialiste. Et même "télé" tout court...
Quand je parle de réalisme socialiste, il faut comprendre le courant pseudo-artistique développé par les virils fumiers au pouvoir en URSS pendant une bonne partie de la guerre froide, et qui mettait en scène d'humbles ouvriers et de vigoureuses fermières suant sans gémir à la tâche car ils et elles savaient faire le bonheur de leur mère-patrie... Vous savez, cette imagerie proche des délires de surhommes des communiquants de la plus sombre Allemagne. Celle qui vous dit quoi faire, quoi être, quoi penser pour coller au moule du parfait citoyen. Allumez votre télé, et coupez le son. Regardez bien. Oubliez votre statut de lambda, et prenez du recul. Attention, ça fait peur : nous sommes en plein dedans.
J'ai décidé de maigrir, et pour ça j'ai besoin d'un coach, qui m'explique que trop manger augmente le volume de mon ventre, et que si les pots de Nutella ne poussent pas sur les arbres, y'a p'têt' une raison. On a échangé nos mamans, nos métiers, nos partenaires sexuels. Vis ma vie sous l'oeil de la SFP. J'ai décidé d'être une star (c'est quoi, comme catégorie socio-professionnelle à l'INSEE, star ? CSP+? CSP++ ? CSP* ?). J'ai décidé de chanter et d'être le pantin d'Universal et Pascal Nègre jusqu'à la fin de ma vie publique. J'ai décidé d'être belle et de me tartiner la gueule de l'Oréal jusqu'à ce que je vaille bien mon pesant de graisse de phoque. Mais j'ai pas décidé d'être beau, c'est trop "touchy" si on parle de mecs, tu comprends, ils viennent à peine de se mettre aux cosmétiques, alors on risque le shocking-reflex du client-partner, coco. J'ai décidé de vivre comme un con enfermé avec d'autres cons comme moi pendant que des cons encore plus cons que moi s'emmerdent devant leur télé à me regarder m'emmerder dans mon loft/château/villa/île déserte/baisodrome. J'ai accepté que ma télévision diffuse tout et n'importe quoi et me donne le "la", me dise ce qui est bon, me dise qu'il est normal de considérer qu'on a besoin d'être coaché pour apprendre à séduire, à manger, à parler, à vivre et à mourir, qu'on peut parfaitement vivre avec des caméras partout, qu'être une star c'est une profession et pas un état de fait...
C'est pourtant évident ! Tous les meubles chez tous les français sont créés en Suède pour IKEA ! Tout le monde rêve d'un écran super géant avec une définition hyper chiadée qui permettra de discerner encore mieux les petits bouts de merde qui composent l'immense crotte qui s'y affiche (sur écran plat). Qui n'a jamais souhaité écouter PPDA en 5.1 ? En 6.1 ? En 7.3 ? En 3,14159 ? En 6,55957 ? Tous les jeunes rêvent de passer à la télé, parce qu'avoir sa tronche digitalisée et retransmise à des milliers de kilomètres dans des millions d'intérieurs plus ou moins bourgeois pendant qu'on dit "kicékapété", ça, c'est la réussite. Tant pis si on pense que 1515 c'est le degré d'alcool du Pastis et pis de toutes façons, mon portable fait calculette, alors 2 et 2 égal 22, moi j'ai pas besoin de le retenir. Tout le monde veut du fric, tout le monde veut du gadget, tout le monde veut que ça pète et qu'on puisse affirmer "non seulement je ne suis pas comme tout le monde, mais en plus je suis mieux que toi".
J'ai décidé de prendre ma télévision pour ce qu'elle est. Un appareil de diffusion à un seul sens. Je peux dire ou faire ce que je veux, la télé s'en fout. TF1 ne sait pas quand j'éteins mon poste. Et les approximations d'audience de Médiamétrie ne veulent rien dire d'autre que, potentiellement, au moment où 8 millions de téléspectateurs annoncés bavent connement en regardant le cul de Loana ou de quelque autre proie de la machine à pub, environ 5 millions sont en train de ronfler en digérant le gratin de pâtes du dîner, 2 millions sont aux toilettes en train de lire Voici, Paris Match, Minute ou Le Figaro (compter deux heures de WC occupé pour les lecteurs de Minute). 500 000 sont privés de télé parce qu'ils n'ont pas fini leurs courgettes, leurs épinards ou leurs devoirs. 200 000 sont dans une autre pièce en train de s'entraîner à faire des petits. 200 000 autres finissent de faire la vaisselle, en se disant que Nikos Aliagas est vraiment chiant comme animateur. 100 000 sont complètement défoncés par leur quatrième joint d'affilée et pourraient aussi bien être en train d'attendre la résurrection de feu "La Cinq".
Retirez de tout ça une personne, moi, G4rF, malsain de corps et d'esprit, qui est en train de mater un film en DVD sans coupure de pub et qui ne branche plus son câble d'antenne télé que dans les occasions les plus rares. Ensuite, je vais sans doute lire un peu. Et puis me coucher. Dans 3 heures, je me réveillerai et j'éteindra ma lampe. Je ne serai ni plus intelligent, ni meilleur que vous. Mais au moins, en disant "la télé c'est de la merde", j'aurai agi en conséquence.
Allez chez votre libraire, demandez-lui de vous commander le livre le plus marrant et le plus fin qu'il connaisse, et planquez votre télécommande sous un coussin. Rejoignez la guilde des Perdeurs de Télécommande Volontaires. Et faites en sorte de parler de culture plutôt que de télé demain à la cantine, vous me ferez plaisir.
-G4rF

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