mardi 30 octobre 2018

Poème express [100/365] - Froid

Froid

Il faisait un temps à cacher les ours blancs
Un froid tellement polaire qu'il sentait la boussole
Que les congélateurs en pleuraient leur maman
Que même les icebergs remontaient leur cache-col.

Que les pingouins fuyaient, direction les Tropiques,
Et la banquise en grossissait de contentement.
C'était par ce temps-là qu'une rencontre épique
Manqua ne pas se faire pour cause d'hiver ardent.

J'étais seul sur ce quai, à me geler les prunes.
Tu te caillais les miches sur le quai juste en face.
Les trains ne roulaient plus, pour comble d'infortune :
Des heures qu'on attendait qu'au moins l'un d'entre eux passe.

D'impatience et de rage, les usagers fâchés
Tout rouge malgré le froid partaient en maugréant
Contre l'hiver, le vent, contre la CGT,
Victimes usuelles de leur emportement.

Ainsi, l'un après l'autre, ils désertèrent les lieux
Soudain je me vis seul, comme toi (donc à deux)
À subir stoïquement les outrages glaciaires
Chacun engoncé dans son manteau, sa polaire.

Après un long moment à attendre pour rien
Sans qu'un salut ferré en gare ne se présente
J'ai eu cette pensée pratique mais inconvenante
Qu'en se serrant un peu ça réchaufferait bien.

As-tu pensé de même ? Il faut le croire sans doute
Puisque lorsque je fis mouvement pour quitter
Mon quai désert et de toi venir m'approcher
Tu agis de concert et pris la même route

Vers l'escalier gelé du passage souterrain
Qui devint toboggan dès ton troisième pas
Et c'est sur le derrière que tu attins son bas
Comme je le fis moi-même, meurtri et mal en point.

Nous patinâmes ensuite du mieux que nous le pûmes
Sur le sol glacé du tunnel trop venteux
Tombant, nous relevant, progressant peu à peu
Dans la neige en pagaille ramenée par la brume

Et je fus enfin là, à portée de ta main
Idiot et interdit, ne sachant quoi te dire
Lorsqu'au dessus de nous passa ce maudit train
Et qu'après son fracas, j'ai entendu ton rire

Qui réchauffa mes os, dégela ma carcasse
Et dont le beau son clair mit le feu à mon cœur
Me poussant à sortir enfin de la torpeur
Et à mon grand plaisir, j'ai su briser la glace.

--G4rF--

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