jeudi 6 septembre 2018

Les mainates au perchoir

Décidément, cette rentrée n'en finit pas de monter en épingle des non-événements qui occupent apparemment pas mal les pisse-copies des salles de rédaction.
Je dis non-événement parce que, si on est à peu près certains d'une chose dans la situation actuelle, c'est que remplacer un partant adoubé par Macron par un arrivant adoubé par Macron ne donne aucune garantie que le dernier arrivé fasse en quoi que ce soit mieux que son prédécesseur.
Être adoubé par Macron c'est accepter de faire les quatre volontés de Manu. Comme le mec d'avant, en somme. D'aucuns appelleraient cela le changement dans la continuité... vieux relent pompidolien, en tout cas signe incontestable d'une gouvernance préférant travailler l'image du changement que donner à celui-ci une chance d'exister et de faire bouger les lignes. Sors de ce corps, VGE !

Il y a eu un seul vrai événement, mais c'était avant l'été : l'affaire Benalla. Celle qui a mis en évidence l'usage normalisé d'une violence systématique, armée et démesurée par les dépositaires de l'autorité publique à l'encontre de civils non armés et ne présentant pas de risque manifeste de trouble à l'ordre public autre que celui consistant à faire du bruit parce qu'ils ne sont pas contents. Oui, certes, en plus des CRS normaux, y'en avait un faux. Mais en attendant, ça tabassait des impuissants, peu importe qui, et ça n'est pas vraiment le signe d'un pays ayant trouvé le juste équilibre entre répression des troubles et liberté d'expression des opposants politiques, n'est-ce pas ? Imaginez ce qu'on en dirait si un truc comme ça se passait à Cuba, au Venezuela... Vous l'entendez, le PPDA qui sommeille en vous, vous soufflant à l'oreille "police politique", "répression des contestataires", tout ça ? Hmm ?

Bin oui, aujourd'hui en France, tout le monde a l'air de trouver normal qu'on puisse balancer des engins explosifs dans les pieds de manifestants pacifiques, qu'on puisse les asperger de gaz irritants et incapacitants (donc les asthmatiques sont de facto interdits de manifs, ce qui n'est pas très constitutionnel), qu'on puisse les nasser et les empiler en cellule ou dans des bus pendant des plombes sans bouffe ni pause pipi, et tout ça SANS AUCUN PUTAIN DE BESOIN DE PRESENTER LA PREMIERE TRACE DE PREUVE DE MALVEILLANCE DES GENS.
Mais, hélas, ami·e lecteur·trice, je dois le rappeler :  c'est pas normal d'envoyer des soldats (parce qu'avec des matraques, des bombes de gaz, des grenades, des casques et des boucliers, des canons à eau et des fusils à flash ball, c'est plus vraiment les gardes-champêtre de mon enfance) contre des civils qui manifestent. Souvenez-vous en. Et lisez ça pour vous aider à vous en souvenir.
Mais revenons à aujourd'hui et sa non-actualité que je vais tenter de mettre en évidence.

Au départ, déjà, Hulot a donné sa dem', j'en ai parlé en omettant quand même un détail que je trouve savoureux et qui est passé sous les radars : l'aveu fait par Macron, au détour d'une phrase où il commentait cette démission, de son interventionnisme assumé dans l'équipe gouvernementale.
Car Manu a dit en évoquant le recrutement de Hulot comme ministre : "[...] lorsque je l'ai choisi [...]". Va te coucher, Edouard Philippe, toi qui est le nouveau Manuel Valls qui était le nouveau François Fillon : toi aussi, chef du gouvernement, tu n'es même pas celui qui compose ton équipe.
Mais bon, tout le monde le savait déjà : même si ça va mieux en le disant, passons.

Le premier non-événement du jour, c'est la course à l'échec l'échalote pour trouver son remplaçant au plus fameux hélicologiste de France.
Ca a fini par aboutir sur le Jean-Kévin Von Karayan de l'hémicycle, De Rugy himself. L'homme --qui a fait voter sur le glyphosate en loucedé en rallongeant la séance parlementaire d'1h en pleine nuit sans prévenir l'opposition-- va donner des leçons d'écologie à la France et, pourquoi pas, à la planète. Make our greenwashing great again.
Avec une constance dans le retournement de veste qui force le respect, l'homme qui promettait par écrit fidélité au vainqueur de la primaire socialiste et qui n'a pas laissé à l'encre le temps de sécher avant d'enfiler ses bobottes de marcheur, l'homme qui se disait écologiste et disait (il y a longtemps) de Macron qu'il n'avait pas d'écologie dans le programme, cet homme donc va s'occuper de la transition écologique pour la plus grande gloire de Manu. Je lolle, tu lolles, nous lollons, vous lollez.
Mais où sont les Guignols quand on a besoin d'eux ?...ah oui, merde, Bolloré les a tué. Meeerde...

Le deuxième non-événement du jour, induit par le premier, est la chasse au portefeuille confortable candidat le plus à même de remplacer De Rugy en tant que président de l'assemblée.
Ca devrait pas être trop dur, hein, dans la mesure où sous sa haute présidence :

  • les commissions refusaient les débats de fond,
  • l'agenda était bordélique, ultra chargé et inmodifiable,
  • l'opposition n'avait que le droit de l'ouvrir de temps en temps mais pas d'être écoutée,
et enfin dans la mesure où, on s'en souviendra, celui qui laisse aujourd'hui son fauteuil se sera surtout illustré par des manœuvres pleines de filsdeputerie pour tordre le bras à l'agenda parlementaire et faire fonctionner l'assemblée à marche forcée, mais aussi illustré par la prise en charge prioritaire de problèmes d'une importance vitale pour les français.
Je veux bien sûr parler ici de l'interdiction pour les gens qui parlent dans l'hémicycle d'avoir la chemise qui dépasse du froc ou de mettre un maillot à la tribune pour alerter visuellement la ministre des sports --démissionnaire elle aussi, pour cause fiscale semble-t-il, c'est fou ce qu'on est exemplaire à la république en marche-- de la nécessité de reverser, par la grâce de son projet de loi, quelques piécettes du trésor du sport de haut niveau pour alimenter le sport amateur où éclosent tous les futurs champions qui gagnent des coupes du monde et tout ça tout ça pour nous les gueux.
Superquiz : qui donc remplacera la carpette préférée de Manu d'Amiens au perchoir ?

Les candidats sont légion. Enfin, pour l'instant. Si le choix des candidatures internes au parti macroniste fonctionne à l'identique de l'élection de son ex-rocardien de délégué général, il devrait très vite y avoir un consensus --comprendre : Manu va choisir son courtisan favori-- pour que tout le monde ferme sa gueule et que le (ou la) plus servile l'emporte en forçant tous les autres à tourner casaque au lieu de déposer officiellement plusieurs candidatures, ce qui fait désordre car trop démocratique, sans doute.
Mais bon, admettons un instant l'hypothèse que la jurisprudence Castaner ne s'applique point ici.
Les candidats pour occuper ce poste, président de l'assemblée nationale, un job où la prise en compte de la nécessaire expression des diversités d'opinion, de la pondération dans la fixation du calendrier des travaux et du respect du rôle de représentation populaire des députés priment, sont :

  • Richard Ferrand, un cacique du PS surtout connu pour ses mélanges de genre avec les Mutuelles de Bretagne
  • Barbara Pompili, ex-EELV alliée du PS, secrétaire d'état pour Hollande dans le gouvernement Valls
  • Yael Braun-Pivet, avocate, qui dirigea avec le talent que nous connaissons tous les travaux admirables de la commission d'enquête arrachée par l'opposition sur l'affaire Benalla, concluant après un nombre ridiculement bas d'auditions et un enterrement de première classe de ces très nécessaires travaux que tout va bien, y'a rien à dire, circulez (attendons un peu que le Sénat, qui n'est pas sous domination complète En Marche, finisse le boulot de sa commission d'enquête, il faudra s'attendre à un peu de sport)
  • Cendra Motin, ex-gérante d'une boîte de RH, qui est selon moi la moins inintéressante du lot parce que non entachée d'un passé politique trouble et, paraît-il, une des plus assidue aux sessions parlementaires de tout le paquet du fan-club de Manu (elle a voté toutes les lois les plus dégueulasses, donc faut quand même pas oublier de qui on parle, mais quand même, elle fait acte de présence, peut être bien pour se rapprocher du siège d'ailleurs).

Voilà pour la short-list. D'après moi, Manu va hésiter entre Pompili pour faire jeune, féministe et pseudo-écolo --mais elle a une tâche de PS sur le CV, c'est pas propre-- et Braun-Pivet pour lui dire merci d'avoir torpillé la commission d'enquête parlementaire sur son copain Alex-la-cogne, avant de se rabattre sur l'ami Ferrand qui sauvera ainsi plus facilement son cul et lui sera redevable en cas de pépin ultérieur.

On peut aussi citer, venue d'un bord qui ne lui laisse aucune chance d'être élue, mais peut être une chance de dire ce qu'elle pense du cirque abominable que cette assemblée est devenu depuis que Macron a été couronné : Mathilde Panot, LFI, diplômée en relations internationales et qui a bossé comme militante associative dans les quartiers craignos de la couronne parisienne. Genre, elle pense que les gens pauvres, si ils votaient, pourraient élire des gens qui s'occupent vraiment d'eux. La pauvre... pas du tout Manu-compatible. Ca passera jamais.

Mercredi 12 septembre prochain, l'élection aura lieu, et sans surprise, un nouveau fan-boy ou fan-girl de Macron récupérera les bagnoles de fonction, le paquet de collaborateurs et le petit marteau de président de séance, ainsi que l'obligation professionnelle de faire et dire tout ce que réclame Jupiter. Tout pareil qu'avant, quoi.
Un mainate au perchoir. Ou une.
Des non-événements, je vous dis.

En attendant, aux USA, l'étau légal se resserre autour de Trump. Ses premiers soutiens du parti républicain ont les juges aux fesses, ses responsables de campagne plaident coupable de tout un tas de fraudes, un des journalistes qui avait révélé l'affaire du Watergate sort un énième bouquin sur Trump révélant le foutoir intégral qu'est son administration...
C'est pas chez nous que ça aurait lieu, un truc pareil : le mec qui se déclare "responsable de tout" est juridiquement irresponsable. Bé oui, renseignez-vous si vous me croyez pas : pour coller un Manu en cabane, faudrait le destituer d'abord, et ça c'est le taff d'un truc qui s'appelle la Haute Cour de Justice de la république, qui est une des formes de rassemblement du Parlement, présidée par... le président de l'assemblée nationale (LOL), composée de 22 membres choisis par... le bureau de l'assemblée et du sénat (re-LOL), dans un volume supposé représenter les effectifs des forces politiques présentes (hyper-LOL).

Pour l'égalité des citoyens devant la loi et devant leurs pairs, et la façon admirable dont les institutions actuelles la concrétisent, on dit tous "merci la Vème république".

--G4rF--

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