jeudi 30 août 2018

Les vacances de M. Hulot

Le Nico on le préfère vraiment quand il n'a pas de boulot.
(merci à Jacques Tati pour le titre)


Hé bin j'avoue, j'y croyais pas. Et pourtant c'est bien vrai : un membre du gouvernement Macron a tenu une promesse de campagne et a fait preuve, du même coup, de probité comme d'intégrité intellectuelle.


J'avoue que le cas Hulot me laisse partagé.
Bien que ne le vouant pas aux gémonies avec la même intransigeance que les féroces plumitifs de La Décroissance --lesquels ont des arguments qui, tout acerbe qu'ils soient, font mouche--, j'ai un problème avec Nicolas Hulot depuis qu'il a accepté la main tendue, non par le premier ministre qui est supposé être celui qui compose le gouvernement, mais par le président, lequel est supposé nommer le premier ministre et le laisser ensuite faire son shopping.

J'ai un problème parce que le personnage est traversé d'ambivalence depuis le début.
Plongé dans le sport mécanique à ses débuts (donc pas très éco-friendly),  il s'est révélé au public comme l'animateur remarquable d'une émission de télévision très bien ficelée axée sur la découverte par le grand public français de trésors naturels (donc très éco-friendly) qui passait sur la chaîne de la famille Bouygues (donc pas très éco friendly) avec un gros logo "Rhone-Poulenc" incrusté partout (donc pas très éco friendly), mais il a aussi fait savoir depuis longtemps qu'il jugeait nécessaire une action d'ampleur au niveau étatique pour faire face à l'urgence du réchauffement de la planète (donc très éco friendly) tout en laissant dans le même temps la marque Ushuaïa user de son aura verte pour orner des produits cosmétiques vendus fort cher et gagner plein de sousous sans franchement protéger la planète (donc pas très éco friendly).

On pourrait aller très loin dans le jeu de la balance pour ou contre. Et ce serait intéressant.
Toutefois on aboutirait probablement à une confirmation factuelle d'une opinion pifométrique qu'on est d'ores et déjà capable de se faire avec ce qui vient d'être dit.
En l'occurrence :  Nicolas Hulot apparaît être un exemple vivant démontrant qu'il existe effectivement chez des personnages publics français une évolution des consciences concernant la place primordiale à accorder à l'environnement dans toutes les décisions publiques, mais qu'il reste encore à lui comme à beaucoup d'autres (moi compris) pas mal de chemin à faire pour agir soi-même en adéquation complète avec ce principe d'action générale.

Beaucoup de gens s'inquiètent de ce qu'il va arriver maintenant que le ministre de l'écologie a jeté l'éponge, comme auraient dû le faire, selon moi, ses prédécesseurs dans leur totalité, tant eux aussi furent en butte à l'impossibilité effective d'agir plus qu'en façade au service de la cause environnementale, étant englués dans des gouvernements axés prioritairement sur la triade croissance-compétitivité-libéralisme qui nous sauvera tous.
Moi pas, je ne m'en inquiète pas. Et si vous vous en inquiétez, je pense que c'est parce qu'il vous échappe un point du problème méritant votre intérêt. Car Nicolas Hulot, dans son message de ciao bye bye, a mis très efficacement le doigt sur le nœud pas gordien du problème : dans les conditions prévalant actuellement pour l'exercice du pouvoir en France, un ministre de l'écologie n'a absolument aucun pouvoir.
Qui que soit son remplaçant, il ne fera donc rien de mieux.
On enfouira toujours à Bures, on gendarme-mobilisera toujours à NDDL, on repoussera toujours plus loin l'interdiction des saloperies BayerMonsantosiennes, on laissera crever les boîtes innovantes du secteur des énergies renouvelables, on jettera des compteurs qui marchent pour les remplacer par des Linky qui puent et flambent... bref, à l'Ouest, rien de nouveau.

La raison de cette fatalité éco-catastrophique est assez claire : c'est la chaîne politique de l'Europe, dont Macron est le maillon saillant en France, qui l'impose.
Exemple : BayerMonsanto, entreprise allemande, obtient que la représentation européenne de l'Allemagne rejette l'interdiction de cette saloperie roundupoïde, et tous les leaders jetables à brushing agitant la queue en rythme avec les décisions de la Commission Européenne où la domination écrasante de l'économie allemande n'est un secret pour personne répercutent à domicile le diktat, sans écouter la population ni la science ni la raison, qui clament tous haut et fort : LE GLYPHOSATE C'EST DE LA MERDE, ET REPANDRE VOLONTAIREMENT DE LA MERDE SUR LA BOUFFE DES GENS C'EST PAS MALIN ET TRES MALSAIN.

Nicolas Hulot n'a pas pu être l'homme providentiel qu'on nous avait vendu partout, et s'est ainsi retrouvé immobilisé parce que ne devant pas déplaire à la FNSEA, Avril-Sofiprotéol, BayerMonsanto et le lobby des "écologistes de terrain"*.
Plus simplement dit, la vitrine médiatique de l'écologie n'a rien pu faire pour l'écologie, alors même que nous sommes dans une ère où c'est la présence médiatique qui fait et défait les maîtres.
Corollaire : si Hulot n'a pas pu agir, alors qu'il était ministre d'état à la demande expresse du président qui a à sa botte le gouvernement et le parlement, c'est à dire tous les pouvoirs pour faire, alors personne d'autre ne le pourra.

Car le problème de l'écologie politique en France aujourd'hui, ce n'est pas Nicolas Hulot.
Le problème, c'est qu'il n'y a pas une once de sincérité dans le discours écologique de la République En Marche (je vous renvoie d'ailleurs à l'interview hallucinante de Macron par le responsable français du WWF pendant la campagne des présidentielles).
Parce que le leader des marcheurs se fout de l'environnement.
Parce que l'environnement, c'est de là qu'on tire la richesse, et donc si on commence à remettre dedans pour le sauver le fric qu'on en retire en l'exploitant, bah on gagne plus rien, voyez ?
Parce qu'il ne faut pas attendre de cette pompeuse baderne, exigeant de voir votre cravate avant de vous considérer comme sérieux, qu'elle se mette d'un coup à se soucier de ce qui se passe chez les orangs-outangs, et de ce que ça peut bien signifier pour nous tous de les laisser mourir pour planter des palmiers à huile pour avoir du gras pas cher parce qu'on paie pas l'empreinte carbone à son vrai prix.

Et il en va de même pour tous les autres pays dits développés dont les chefs d'état, et parfois aussi la population, se donnent des airs conscientisés mais ne s'intéressent à la verdure que pour y agiter un putter.

Une civilisation effectivement consciente du péril environnemental pesant sur son destin et qui choisit malgré tout de laisser la conduite des affaires à des représentants qui se torchent avec l'écologie n'en a plus pour très longtemps.

A nous de choisir, dès lors : on change la civilisation, ou on crève avec elle ?

Je vous laisse réfléchir là-dessus.
--G4rF--

*paraît que les chasseurs veulent qu'on les appelle comme ça, maintenant, est-ce un clin d'oeil à 1984 ?

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