mercredi 23 mars 2011

Un peu d'Histoire (et sa résonance contemporaine)

Je viens de finir de lire "Eichmann à Jérusalem", d'Hannah Arendt, gentiment prêté par ma collègue Catherine.

C'est elle aussi qui m'avait passé le bouquin de Jean-Claude Michéa, "L'empire du moindre mal", que j'avais promis de chroniquer (sans tenir ma promesse, une fois de plus, mais je finirai par le faire un jour parce qu'il y en a, des choses à dire sur ce très bon bouquin).

Pour vous faire un topo très court, c'est un livre à lire en le replaçant dans le contexte de sa sortie. On est en 1963, un peu moins de vingt ans après la fin de la IIème, et un an après l'exécution d'Eichmann. C'est un livre extrêmement polémique, par la controverse qu'il a suscité en décrivant l'accusé beaucoup plus comme un rat de bibliothèque falot, amoureux du travail bien fait et obsédé par son avancement et ses signes extérieurs de réussite sociale, que comme un monstre sanguinaire prêt à massacrer ses victimes à la main s'il venait à manquer d'outils.

C'est un livre qui a un mérite, à mon sens, celui de poser à plat les critères moraux et juridiques sur lesquels juger un crime de guerre et un crime contre l'humanité, sur l'inévitable poids des circonstances et de la volonté politique évidente de Ben Gourion d'appuyer à fond sur l'axe de l'accusation. Ça permet de se faire une idée du principe amenant à créer un tribunal international. Ça permet de se faire une idée de la difficulté à rendre la justice quand on est du côté des victimes et qu'on juge l'un de ses bourreaux, bien qu'il n'ait techniquement sur les mains que du sang qu'il n'a pas lui-même versé.

Ca permet aussi de voir, préfigurant le Rwanda, la Bosnie, et toutes les autres "purges" ethniques intervenues depuis, de quelle manière une société entière peut devenir partie prenante d'une mécanique de destruction déshumanisée au point que le respect de la loi nationale prend le pas sur le respect de la vie d'autrui (qui transcende toute loi). L'expression "banalité du mal", la banalisation des actes jusqu'à noyer toute trace de leur obscénité primitive sous la masse des formulaires, actes administratifs, "éléments de langage" et autres faux-nez, voilà qui résonne en une sinistre harmonie avec notre époque, avec les pratiques de notre pays où on entend des voix proposer de "remettre des émigrants dans leur bateau", où l'on met en place des "centres de rétention administrative"...

Lisez-moi ce bouquin. Moi, j'y vois un argumentaire très convaincant pour inciter à prendre du recul sur les conséquences de nos actes, surtout ceux que l'on fait en appliquant des consignes et des lois. Encore un truc pour vivre moins cons !

--G4rF--

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