lundi 27 mars 2006

révolution dot com

Fond sonore : No one is innocent - Revolution.com

       La veille du grand jour... ou chronique d'un gros bordel annoncé.
       Voilà quelques sous-titres auxquels j'avais pensé. Mais je pense que révolution dot com se suffit à lui-même. Après tout, on est loin du bouche-à-oreille et du ras-le-bol général qui a soulevé par le passé les grands mouvements populaires descendeurs de dictatures, de royautés et de despotes.
              C'est là que l'on constate l'avancée de notre civilisation occidentale (qui a ses gros inconvénients quand même, s'agirait pas de les oublier) : aujourd'hui, on se révolte en préemptant le bordel à venir.

       Faut dire aussi qu'on vit déjà en permanence dans un foutoir assez oppressant, qui selon une de mes théories personnelles n'a d'autre utilité que de faire diversion dans notre esprit pour nous empêcher de constater la futilité de nos élans de vie en société. Bon, c'est assez pessimiste. Je préfère caresser l'idée de Chuck Palaniuk dans Fight Club. Le principe, au bout d'un certain temps passé à subir le carcan urbain du métro-boulot-dodo, est de se libérer d'une partie de ses chaînes pour assumer ses choix, son besoin d'agir librement et faire enfin ce qu'on a toujours eu envie de faire au fond de soi.
              Pour moi, ça consiste à écrire des livres. Et je rêve du jour où je pourrai claquer la porte au nez de mon taff et dire "Salut les gars, je me barre. Désolé pour ceux qui y croient, et qui comptaient sur moi pour marcher dans leur combine, mais l'informatique, c'est absolument pas fait pour moi. Ici je faisais de l'alimentaire. A partir de maintenant, je bosse sur ce qui compte vraiment pour moi."
              Ca m'évitera de me taper des boulots sans intérêt avec des cliens au moins aussi passionnés par leur tâche que moi. Fini la paperasse pour la paperasse. Fini les heures à essayer de forcer mon intérêt mitigé pour un sujet qui ne me rapportera rien.
       Fini la sensation que tout ce que je fais et ce pourquoi on me paie est d'une telle vacuité que je ne pourrai jamais palper physiquement la différence entre avant mon travail et après mon travail. Fini les heures de contention mentale, obnubilé par les exigences de perfection et de résultat, et l'impossibilité d'être franc avec mes interlocuteurs sous peine de ternir l'image de marque d'une boîte entière (comme si les gens étaient assez cons pour assimiler les performances de toute une boîte et ses watt mille employés sur la base d'une seule expérience plus ou moins heureuse...)(remarque, y'en a qui sont effectivement assez cons pour le faire).

       En attendant le jour de ma libération (qui coincidera avec le jour où je pourrai effectivement retirer un quelconque bénéfice de la sueur accumulée en écrivant mon premier ouvrage pour financer le suivant), je suis assez déçu par ma propre incapacité à me bouger le cul et à poser des congés pour aller manifester avec mes pairs.
              Oui, parce que je partage l'idée que le CPE est un outil de plus qui creuse le fossé séparant les nantis des miséreux, les énarques des pauvres, les téléprésents et les téléregardants, j'estime que ceux qui défilent sont mes pairs. Le confort du CDI que j'ai signé est indéniable. Et il me procure une certaine assurance parce que je sais qu'avec des hauts et des bas en règle générale c'est un accord d'échange avec ma boîte qui est gagnant-gagnant. Ca n'empêche pas que mon taff m'emmerde épisodiquement. Et même que je sois actuellement en train de refaire mon CV pour retourner (je l'espère) à un travail alimentaire plus exaltant dans une boîte plus proche de mes espérances.
              Mais voilà, quand j'ai un coup de moi, je bosse moins dur, mais la boîte n'y perd que ce que je lui ai fait gagner quand je taffais 24h/24 7j/7 il y a un peu plus d'un an et que je n'ai pas eu la moindre prime ni la plus petite compensation.

       Le CPE est une vraie saloperie, qui en plus de précariser le salarié, précarise aussi l'employeur. Ben ouais. Parce que si tu exiges de l'expérience pour avoir quelqu'un qui fait bien son boulot, et que tu bosses avec tes employés qu'en CPE, tu défonces comme un grand tes propres petites plate-bandes. Hé ouais bonhomme. Tu prends un gars, tu le fais taffer trois mois, 6 maximum en CPE et puis te le vires. Du coup : pas d'expérience réelle pour le bonhomme, et pas de savoir-faire à revendre. Il devient précaire. Mais si toi et tous tes potes vous faites pareil, plus personne n'a d'expérience de travail de plus de 6 mois sur la grand-place de l'embauche.
              Autrement dit, CPE oblige, la précarité que tu instaures parce que ça t'arrange bien sur le coup t'empêche à coup sûr de trouver la perle rare le jour où tu en as besoin parce que tu demandes aux gens ce que tu as refusé de leur donner : de la stabilité, de la qualification, du savoir-faire.
              Faut pas espérer faire pousser des pétunias dans tes jardinières si tu pisses dedans tous les jours. Hé ben pareil pour le taff : faut pas espérer trouver sur le marché des gens qui conviennent à tes besoins si tu entretiens consciencieusement leur absence de compétence et d'expérience pour gratter un demi euro par mois.
              Après ça, si tu persistes, ben tu finiras comme un con, aux côtés des employés que tu as contribué à transformer en intermittents du taff, à manifester auprès de l'état en réclamant des plans de formation plus généraux pour tes employés. Et, comme aujourd'hui, ton joli gouvernement de bourrins de droite bien réacs et bien distants des préoccupations quotidiennes du RMiste moyen (qui consistent à savoir comment payer le loyer et à manger au petit avec un vingtième de ton salaire mensuel) te rira au nez et sortira un plan encore plus foireux qui taillera encore plus dans la masse des règles de bonne conduite de l'emploi qu'on appelle le Code du Travail.

       Manifestez, les gars. Et pétitionnez. Taggez-le aux murs des ANPE et au sol devant les ministères : le CPE est une loi forcée, il faut forcément la dégager.

       Courage à tous, et tenez bon. Contrairement à ce qu'a dit en son temps (et franchement, faut avoir la mémoire courte comme un poisson rouge ou un adhérent de l'UMP pour en sortir de pareilles) Juan Pedro Raffarin, alias El Gringo : depuis 1789, en France, c'est la rue qui gouverne. Le pouvoir c'est la masse, et la masse c'est toi et moi et nous tous, ensemble. Céder, c'est accepter. Résister, c'est protéger son futur.
-G4rF-

Aucun commentaire: