lundi 6 mars 2006

Activons-nous z'un brin

Fond sonore : rien (pas le temps)

       J'ai eu la surprise hier soir, en ouvrant dans le train le bouquin de Philippe Meyer intitulé "Démolition avant travaux" que j'avais chopé au pif dans les rayonnages d'Auchan, de ne pas tomber sur un opuscle comique comme il en avait déjà produit précédemment (voir "Le communisme est-il soluble dans l'alcool ?" co-écrit, je crois, avec son frangin, et toutes les chroniques radio transcrites dans la série des "Heureux habitants...", "Le futur ne manque pas d'avenir", etc).
              Passsque moi, hé bah, j'aime bin rigoler. Ha ha.
       En l'occurrence, c'était pas franchement marrant. Plutôt percutant, surtout à l'endroit de ce pauvre Serge July qui, semble-t-il, est un peu sa tête de Turc. Et ce fut une mise en abîme intéressante de ce que j'ai vécu lors d'un fameux 21 avril.
              La date rappelle quelque chose. C'est normal. Nous la vécûmes, nous l'avons subie (en pleine gueule) et on nous l'a resservie. Depuis cette fameuse date, on a eu droit au moindre de deux maux. Pour reprendre un slogan que j'avais vu brandi dans la foule "mieux vaut un menteur qu'un facho". C'est sûr. Mais l'amputation des libertés, qu'elle soit faite à la hache ou sous anesthésie, ça laisse quand même quelques douleurs.

       La politique. Encore une fois sur mon blog, de la politique. Merde, doit se dire HaTcH (salut mon chtit pépère !) qui compose à lui tout seul l'essentiel de mon lectorat. V'là qu'il en remet une couche. Ben ouais. Ca m'a frappé, hier. J'avais beau ne pas forcément être d'accord avec Meyer, qui dans son long pamphlet en sert un peu une couche à tout le monde, j'ai eu du mal à ne pas finir sa prose. Ca n'aurait pas vraiment correspondu à l'idée que je me fais de moi-même. On ne peut pas décemment choisir de se goinfrer toute la putain de pseudo-constitution indigeste européenne et faire ensuite la fine bouche sur 150 pages organisées sous forme de chronique des jours étranges qui séparèrent les deux tours.

       Ce fut, en effet, une période étrange à vivre. Votants comme non votants, tout le monde s'est pour une fois retrouvé d'accord pour dire qu'on pouvait déconner un peu, mais que donner tant de voix à Le Pen, c'était la limite à ne pas dépasser.
              Depuis, nous l'avons dépassée, cette limite. Pas en aidant Le Pen, non. Pour ça, je suis d'accord avec Meyer : à force de gesticuler et de crier au loup, seules quelques vieilles badernes essentiellement préoccupées par le prestige évaporé de leurs particules poussiéreuses peuvent encore lui trouver un quelconque aplomb politique. Et donc, Le Pen montrant en permanence ce qu'il est, c'est-à-dire un monsieur Loyal qui semble se satisfaire de sa place de meneur de revue beauf pour cirque de troisième zone, il n'est pas censément dangereux. Mais il y a un mais.

       Il n'est pas dangereux pour qui se préoccupe de comprendre un programme électoral. Mais qui les lit, ces programmes ? Combien existe-t-il, et là je suis pas d'accord avec Meyer, de gens que l'expérience de leur vie au quotidien rend sensible à des discours autoritaires et d'un chauvinisme égoïste ? Pour qui va voter la petite vieille du 2ème étage de mon immeuble à Saint Denis, qui s'est faite rouer de coups de pieds par quatre bonshommes dans la fleur de l'âge pour lui piquer son sac à main et ses trois francs six sous ?
              Pour Chirac ? Pour Sarko ? Les flics ont pris sa plainte. Tout le monde sait qu'elle sera sans suite, elle la première, et ses agresseurs en second. Peut-être pensera-t-elle que De Villiers, et son fameux nouveau cheval de bataille du "racisme anti blanc" trouvera-t-il la faveur de cette vieille cabossée par la vie et que la société qu'elle finance avec les sous qui lui restent laisse geindre sans soigner ses plaies à l'âme. Et moi, que Son Appendice Nouillesque m'en préserve, à sa place je ferai peut-être bien ça aussi.

       C'est, à mon sens, un baril de poudre sur lequel nous sommes perchés et qui laisse fuir de fines traînées qui s'enflamment sporadiquement. Sans réel risque d'explosion générale. Pour l'instant. Mais l'inconfort reste.
              Assis sur le couvercle, ceux qui crient au loup et ceux qui appellent au calme, les TF1 et les réactionnaires, les profiteurs extrémistes et les dépassés-par-les-événements de l'UMP, tous regardent à la loupe les fines traînées qui s'enflamment, sans se rendre compte que c'est leur loupe qui fout le feu. Gros plan sur la voiture qui brûle, coco, l'insécurité c'est vendeur. Avec le blé qu'on va se faire, je pourrai enfin rembourser mon découvert, et peut-être payer Eurodisney pour les gosses.
              Trop de passion. Trop d'action. Ca sonne comme Yoda à mes oreilles : "L'aventure ? L'excitation ? Ces choses là, un Jedi ne les désire point". C'est fou comme on apprend en regardant des films. En l'occurrence, je trouve que c'est assez vrai. Le prisme télévisuel, qui est le plus grand medium apporteur de nouvelles aux Français, n'a jamais montré autant de merde et laissé au rencard la bonne volonté des gens oublieux de soi. La compassion, la gentillesse, l'humanité, si on n'a pas d'images avec des petits enfants blancs et blonds, c'est hors-champ.

       Je crois aux vertus du débat démocratique. Je crois à la République. Mais, comme les 60 à 70% d'abstentionnistes de la prochaine élection dont je tente encore de me convaincre de ne pas faire partie, je ne crois pas que cette république soit pérenne et à la mesure des chantiers qu'elle s'est flanquée dans les pattes en laissant dériver la foule des sans-thune à la merci des courants qui les aspirent un par un au plus profond de la solitude. Etre solitaire en société devrait être un oxymore. C'est aujourd'hui une réalité.
              Toute société a les monstres qu'elle mérite. Ca j'en suis convaincu. Mais il y a deux sortes de monstres : les gros balourds évidents, tellement voyants qu'ils en deviennent risibles comme des caricatures de méchants dans une série Z italienne à la Mario Bava, ou des Godzillas de caoutchouc dont on peut voir qu'ils sont fantoches sans chausser ses lunettes. Et les monstres sournois, qui sont pires parce qu'ils sont présentables et ne ressemblent pas à des monstres.
       Ni Francis Heaulme, ni Guy Georges ne portent sur leurs visages la mention "prédateur sanguinaire". Et pourtant ils ont été condamnés pour ça. Les reconnaître pour ce qu'ils sont exige d'aller au delà des apparences. Si nous sommes capables de le faire pour les auteurs de faits divers sordides, nous devons être capable de le faire dans l'intérêt de notre bien-être et de l'avenir que nous nous réservons en grattant le vernis des hommes de pouvoir et des institutions qui orientent malgré nous nos vies et nos choix.
              Nous reprochons à l'Italie d'avoir laissé tous les médias partir sous la coupe de Berlusconi. En quoi la France est-elle plus propre ? Combien de magazines commerciaux (pléonasme) et de journaux dits d'opinion sont aujourd'hui regroupés dans la pogne de Bernard Arnault ? De Havas ? Quel espace reste-t-il à l'expression d'un débat construit ? Aucun. Le Figaro est à droite. Libé à gauche. L'Humanité est un journal de parti qui n'a jamais aussi mal marché. TF1 laisse toujours PPDA présenter le 20h, malgré l'ardoise longue comme l'A7 qu'il traîne derrière lui. Canal+ a depuis longtemps perdu la capacité de s'auto-filer des baffes pour se réveiller de son assoupissement satisfait dans les souvenirs lointains de l'époque où tout pouvait s'y dire (ou presque... Rousselet et Mitterrand étant comme cul et chemise).
              Tout ce qui reste, ce sont les satires, parce que leur ton grinçant bien qu'efficace ne leur octroiera jamais la place de référent qu'ils méritent, mais les empêche de tomber dans la docte médiocrité où stagnent les autres. Les autres...

       Etre Français, c'est en ce moment être la victime d'un système public conçu pour supprimer toute velléité d'expression aux gagne-petit.
              Tribunaux engorgés : toutes les saloperies qu'un pouvoir quelconque, même petit, peut vous faire resteront impunies suffisamment longtemps pour que vous en perdiez tout goût de vivre.
              Politique d'immigration sans mémoire : habitez et bossez en France 20 ans, claquez sur place tout le maigre pécule que vous aurez produit pour pouvoir vivre à la limite de la décence, vous ne serez pas pour autant français. Droit de vote mon cul.
              Chômage galopant, radiations en masse, nouvelles règles de calcul, explosion des populations vivant avec les seuls minima sociaux : on va vous créer une nouvelle formule de contrat qui, au lieu de vous conforter dans l'idée que vous n'êtes pas une merde et que vous avez en vous assez de ressource pour gagner correctement votre vie, donne les pleins pouvoirs à ceux là même qui en avaient déjà bien assez.

       Nul n'est censé ignorer la loi. Mais personne n'y comprend rien à moins d'en faire son métier (et encore, y'a des avocats spécialisés dans des domaines bien particuliers). Cependant, le fait de ne pas savoir jouer de la musique n'empêche pas d'entendre quand quelque chose sonne faux.
              Et la petite musique des énarques, des trop bien-nés, des racoleurs de basses opinions, des incapables d'assumer leurs conneries, des anciens puissants mis au rencart, véhicule en elle depuis de longues années la même note porteuse et discordante, qui résonne aux oreilles de n'importe qui qu'on laisse au bord du chemin : tu es pauvre, donc tu n'as pas de poids, donc tu es une merde. Tant que tu n'auras pas d'argent, tu n'auras pas réussi. Si tu passes pas à la télé, ta vie vaut que dalle.

       Tel est le credo de cette nouvelle nation de castes. Tel est le slogan de la Star Academy et de ses clones. Voilà à quoi participe Marianne James, qui franchement aurait mieux fait de se contenter d'être Ulricha dans l'Ultima Recital plutôt que devenir le pantin consentant de la télé moisie.
              Les aveugles ne se laissent pas berner par une fausse couleur de cheveux et des dents reconstituées, simplement parce que ça n'existe pas pour eux. Pourquoi serions-nous incapables de voir notre monde au-delà des apparences ? A moins que la première règle qui nous soit enseignée et inculquée avec force et répétée inlassablement soit la suivante : fie-toi à ta première impression. Et la première impression que nous nous laissons imposer, c'est ça : tu es petit, tu n'as pas pouvoir, reste dans la merde et tais-toi. La vie de la société, c'est pas tes oignons. On n'est pas loin de t'exiger un permis de parler avant de te laisser t'exprimer en public.

       Je vais reprendre une fois de plus les mots de quelqu'un d'autre, mais je pense qu'ils constituent ce que j'envisagerai comme un premier pas salutaire vers un pays de gens plus éclairés de l'intérieur qu'irradiés par les projecteurs cathodiques à l'extérieur. Ces mots sont de Brian Warner, 37 ans depuis le 5 Janvier 2006, né aux Etats-Unis en 1969 à Canton dans l'Ohio.
              Voilà ce qu'il chante (ce qu'il hurle) : "Kill your god, kill your TV".
              Son nom de scène est Marylin Manson.
-G4rF-

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Hé oui, encore et toujours, je reste fidèle lecteur, passant (quasi) chaque jour, espérant de voir quelque nouvelle diatribe à lire avec intérêt !
En fait, c'est drôle, j'étais en train de classer les 200 Mo de mails de ma boite pro (qui est pleine et du coup je dois faire du ménage !!), de relire certains, et j'étais en train de m'enfiler quasiment la totalité des échanges haggiesques depuis 2003, avec un immense plaisir... Et puis je me suis dit "Tiens, je suis pas encore passé sur le blog de mon G4rF ce matin !!", chose que je fais généralement dans les 17 secondes qui suivent ma connection au boulot :)
Et quelle ne fut pas mon plaisir de voir un nouvel article... Bah, il parte de politique, ben m'en fous, j'aime bien ces douces remarques acides, corrodant le bien-penser d'une masse ignorante et ne comprenant même pas, par exemple, que la taille du barreau qu'on leur met dans le -TÛÛT- à chaque fois qu'ils vont prendre du gazole à la pompe équivaut à la taille de la citerne de camion qui lui, l'apporte...
Et le DADVSI, et les médicaments qui ne sont plus remboursé, et les Wampas qui hurlent pour "Voir Chirac en prison", et, et, et... trop de "et" en fait.
A côté de cela, votre puce est tellement belle, je reste sur la photo avec un sourire béat chaque fois que je reviens ici...
Oui, je sais, elle est si mignonne, sauf quand elle dort pas héhé.
Je vous fais un gros bisou à tous.