vendredi 21 janvier 2011

Le mois de la loose

Bon, ok c'est peut-être un peu fort. N'empêche qu'il s'en passe 2-3 pas terribles en ce moment, et il faut quand même en parler.

Number ouane, la presse libre est de moins en moins libre. Coup sur coup, 2011 a vu le trépas de deux publications que j'achetais chaque semaine. La mèche s'est consumée, faute d'un lectorat suffisant. Journal variant, inconstant, parfois franchement dégueu, mais violemment réjouissant. D'opinion multidirectionnelle, de débat, de gueulante et de mauvaise foi. Dommage. Une bonne part de la bande de Siné Hebdo y démontrait mieux qu'un Grenelle de l'environnement que, quand on veut vraiment recycler, on peut.

L'autre trépassé, c'est Bakchich Hebdo. Sur la mauvaise pente pour trouver des financements, ce titre commençait à laisser de la place à un peu de pub. Mauvais signe. Mais il reste que Bakchich version papier était un bon journal, qu'on a rarement crédité pour l'origine de ses scoops (on sent l'amertume dans les derniers papiers des auteurs), faisant un grand écart permanent entre Paris et Marseille, parlant beaucoup de politique (et avec un certain talent, malgré mon désaccord régulier sur certains points qui n'engagent que moi) et aussi de foot, ce qui me gave, m'enfin bon, si ça les amuse.

Sinistre décennie que celle débutée l'an dernier. Car un autre journal libre, Le Plan B, a mordu la poussière durant cette année. Ultime coup d'éclat, la remise de la Laisse d'Or à David Pujadas. Je pense qu'ils ont eu du mal à départager les candidats, mais en même temps le prix ne pouvait échoir qu'au gentil David du service public du cirage de pompe et de l'autocensure.

Qu'on ne dise pas que je n'aime pas les journalistes, c'est faux. Mais, tout comme j'ai trop de respect pour la liberté pour appeler 99% des blaireaux vendeurs de soupe de la bande FM "radios libres", j'ai trop de respect pour appeler "journaliste" des pisse-copie sans opinion qui branlent du chef sous la tyrannie actionnariale dans les colonnes des Figaro, Parisien et autres. Avoir sa carte de presse ne fait pas de quelqu'un un journaliste à mes yeux. Et bien qu'il ne s'agisse pas de son emploi premier, j'ai plus de respect pour le droitiste virulent Jean-François Probst, qui officiait encore récemment dans les colonnes de Bakchich, que pour les simulacres d'informateurs et épandeurs de propagande à la façon dont les exploitants agricoles épandent le lisier que sont, pêle-mêle, PPDA, Pulvar, Pujadas, Ferrari, Roselmack, et j'en oublie des tombereaux.

Je le clame toujours, et ça bouillonne en moi quand je vois les commuters qui m'accompagnent dans mes trajets métropolitains se jeter sur des bouses genre DirectMatin, DirectSoir, 20 Minutes, Metro et que sais-je. Y'en a même qui disent que c'est mieux que la télé et qu'ils s'informent en lisant un quotidien. Putain ! Par quelle illusion sordide, quelle perversion intellectuelle peut-on imaginer obtenir réellement une information valable sans aucune contrepartie, c'est-à-dire gratos ?

Ca me désolerait que la superbe fille aux yeux de glace qui distribue un de ces torchons devant la sortie 13 de la Gare de Lyon le matin perde son taff à cause de ça, mais faut se le mettre dans la tête une bonne fois pour toutes : UN JOURNAL GRATUIT, PAR DÉFINITION, ÇA NE VAUT PAS GRAND-CHOSE.

Ou plus clairement, pour ceux de mes lecteurs qui passeraient par là et ne connaîtraient pas encore mon tempérament à dire ce que je veux, si tu veux être informé, va falloir accepter de raquer, mon gars.

Entre nous, mon budget information n'a jamais pété la barre des 10 € la semaine. Et maintenant qu'il ne me reste que le Canard Enchaîné et Le Monde Diplomatique, en attendant de me bouger le fion pour m'abonner à CQFD et La Décroissance que ma kiosquière ne reçoit pas, bah il est encore plus bas.
Pourtant, je suis encore mieux informé sur la réalité de notre petit monde qu'une vaste part de mes relations encore tournées vers la télévision dans l'attente improbable d'une vérité nue qui leur tomberait dans l'oreille, comme ça, entre 2 pages de pubs (on devrait dire "2 romans de pubs", parce qu'au-delà de 2 minutes de réclame, moi j'ai le temps de lire plusieurs pages d'un de mes canards).

Bref, je digresse. J'ai parlé de la mauvaise nouvelle number ouane.

La mauvaise nouvelle number tou, c'est que j'ai vraiment du mal à écrire en ce moment. Je n'aime pas ce que je produis. Ou plutôt, ça m'indiffère pas mal. C'est relou, pour quelqu'un avec mon genre d'ambition plumitive. A la bourre sur tous les fronts, depuis les voeux aux copains jusqu'à ma participation aux travaux du conseil de parents d'élèves de la classe de ma grande fille, je me tate, je doute, je hoquète et je trébuche sur la première ligne de tout ce que j'ai à pondre.

En plus de ça, mon boulot m'a apporté quelques sordides désillusions récemment, et j'aurai prochainement l'occasion de digresser ici sur le concept de plus en plus répandu dans nos beaux métiers du secteur tertiaire qu'on appelle "le village Potemkine". J'ai découvert qu'une meuf de mon boulot, qui est intelligente en plus d'être bien foutue, est capable sans sourciller de donner un écho favorable à un monceau de conneries issu de sa hiérarchie, sans le moins du monde tenter de glisser dans la logorrhée manageriale un quelconque indice de réflexion personnelle laissant subsister le fol espoir que, cerveau en marche et pensée latérale en action, elle ne se laisse pas berner dans le jeu de dupe qu'on lui impose de nous imposer. Je suis déçu. Et du coup, sa séductivité (je sais ça existe pas, mais ça me paraît mieux que sex-appeal et plus mieux encore que potentiel de séduction) en a pris un sacré coup. Bon, je sais, on s'en fout, mais que veux-tu, gonadé comme je suis je ne pense pas toujours avec le bon côté de la b(r)aguette.

Ouaip, décidément, ça pourrait commencer mieux cette année. Heureusement que la petite dernière dort un peu mieux (cf mon haïku précédent), ça redevient possible d'avoir de l'espoir quand on a un peu dormi.

Aspect positif tout de même : avoir un gosse en bas âge, c'est se mettre à la portée de l'existence d'un navigateur en solitaire, qui dort par tranche de 15 minutes. Sauf que lui n'est pas obligé de prendre le putain de métro et de faire du travail de bureau toute la journée avec la tête dans le cul. Change de cap, tourne le winch, bidouille les drisses, agad' la météo, tout ça. Un seul truc à faire.

En fait, j'en suis convaincu, être parent et travailler, c'est un acte héroïque de dévotion. Dire qu'on n'y gagne pas de médaille ni les félicitations du jury... c'est vraiment trop nain juste.

--G4rF--

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tu peux rajouter à ce mois de la loose, la grève des employés de "L'Association". J'espère que ça n'annonce pas la fin de cette édition... qui a entre autre publié "Persepolis" de Marjane Satrapi.
A+
Bise
LN