jeudi 8 octobre 2015

T.I.N.A. ? Mon cul !

Boum, quand  votre coeur fait boum...
Et PAF ! Un bon pétard vocabulesque pour démarrer ce billet, un peu provocateur, un peu vulgaire. Envoie du lourd, mon gars, faut que ça pète !

Rassure-toi, ami(e) lecteur(trice), je ne vais pas te faire de l'anarcho-bigardisme, tu me connais mieux que ça, allons, voyons voyons... Tu auras bientôt l'explication de cette accroche rageuse, sois patient et lis-moi. S'il te plaît.

Ce 23/09, j'ai répondu à l'invitation d'une relation facebookienne pour participer à un rassemblement citoyen, initié par le Parti de Gauche (PG) du Val d'Oise, dans une salle de Taverny. C'était pas loin, j'avais pas répèt' cette semaine, du coup : zou, j'y vais, un peu dans le même esprit que ma participation ces dernières semaines à quelques réunions du Parti Ouvrier Indépendant de Saint-Gratien.
Réunion politique (allégorie mensongère)

Toi qui me connais, tu le sais, la question politique m'intéresse. Et en ces temps troublés où sévit le chômisme, le vent mauvais d'automne qui nous gèle les pruneaux tout en jaunissant les feuilles, les déclarations péremptoires sur l'accueil des réfugiés de guerre, la mainmise du gouvernement allemand sur les politiques européennes, etc... tout ce qui peut ressembler à un appel aux gens à débattre de la chose politique me semble être un pas dans la bonne direction, pour autant évidemment que le principe recherché soit bien d'ouvrir le débat et non de choisir parmi les visiteurs ceux avec qui on se trouve en accord, comme on ferait son marché.

Première bonne surprise : j'étais à l'heure. Deuxième bonne surprise : la mixité n'était pas feinte.
Dans cette pièce, une quarantaine de personnes, dont une majorité sympathisante du PG, mais pas que. Au menu du débat : éthique, méthode et programme. Moi j'étais à la table "Programme", parce que... bin, faut bien s'asseoir quelque part, et commencer par ça ne me paraissait pas plus con qu'autre chose.
Le contenu des échanges a fortement été axé sur les problématiques régionales, ce qui est logique à l'orée des élections du même nom qui nous attendent de pied ferme à la fin de l'année.


"- Tu vois, c'est là que les bactéries néolibérales attaquent !
- Je cause pas à ceux qui n'ont pas de stylo à la main."
Je retiens plusieurs notions et idées intéressantes de cette soirée.

D'abord, que le chemin vers la constitution d'une force citoyenne suffisamment étoffée pour peser sur son propre destin est encore semé d'embûches.
Bien que le principe même de la discrimination positive me hérisse, force est de reconnaître que cette assemblée regroupait des gens plutôt blancs, plutôt d'âge moyen, ce qui révèle le malaise que doit surmonter tout regroupement souhaitant sincèrement voir la population française, dans son entièreté et sa diversité, prendre la parole et les commandes : ce n'est un secret pour personne qu'une vaste frange de la population du pays, parmi lesquelles une écrasante majorité de citoyens jeunes à faible revenu et issus de 2ème ou 3ème génération de l'immigration, ne se sent représentée par personne et flanque dans la même poubelle tous les groupements d'action politique.

Sans verser dans le misérabilisme ou la victimisation, il me semble incontestable que les politiques nationales successives (plus ou moins bienveillantes) ne les ont pas fait progresser vers une réelle égalité des chances devant l'emploi, devant la police, devant la justice. La réponse la plus évidente à la question "pourquoi ne vas-tu pas voter ?" reste encore aujourd'hui "parce qu'ils sont tous pareils, ils mentent, et après rien ne change jamais". En plus d'être aux prises avec des conditions de vie particulièrement difficiles, avec des revenus bas, des emplois peu fiables et toute la cohorte des problèmes résultant de l'adage "on ne prête qu'aux riches", c'est là toute une tranche de la population de notre pays à qui se refuse le sentiment d'être au même niveau que les autres.

Victimisation (allégorie)

J'insiste, cela doit être compris hors du schéma simpliste de la victimisation ("ces pauvres jeunes des banlieues, sans avenir, mis au ban de la société parce qu'ils ont des gueules de pas-blanc") avec toutes les nuances issues du fait que certains se complaisent en fait dans cet état sociétal et ne ressentent pas l'intérêt d'une participation intégrale à la "vie de la société", trouvant leur confort dans des constructions communautaires leur servant d'"identité locale" nettement plus valorisée que l'appartenance de facto à une même population nationale.



La France moderne illustrée :
santé à 2 vitesses.
Dès lors, soit on tire le constat d'une nation à 2 vitesses (les ceusses qui votent d'un côté, les ceusses qui votent pas de l'autre) et on fait sembler de ne pas voir que c'est la faillite d'un système de pseudo-représentativité en continuant à appliquer les mêmes recettes qui ne marchent pas, soit on œuvre à rendre visibles et audibles les demandes et propositions de projet de société de la classe des écœurés du système...et ça c'est pas évident.
Mais c'est purement inévitable.

J'ai eu le plaisir de voir que le débat portait sur des choses concrètes, sur les difficultés réelles à faire exister d'urgence une authentique prise de parole du citoyen commun sur la chose politique et publique. Sur l'importance de transformer les vœux pieux d'ouverture en actes concrets permettant la confrontation de points de vue avec les personnes issues d'horizons (politiques) autres que ceux des "routiers" locaux des groupements de militants de tel ou tel parti.
Ça m'a fait plaisir de voir qu'on en était à un point de réflexion suffisamment avancé de la part de chacun pour intégrer au plan de bataille l'incontournable négociation avec les non-inscrits, les non-encartés, ceux qui constituent aujourd'hui la plus forte proportion de la population et dont j'ai le sentiment que, dans le regard médiatique, on les traite usuellement de haut, ne leur tendant le micro que pour des banalités d'usage ou des considérations tout à fait primordiales et nécessaires, du genre "la guerre c'est mal", "la pauvreté c'est terrible", "les inondations ça mouille", etc...

Sommet économique mondial de Davos
<-- CLIMAT : La planète est foutue
--> CROISSANCE : Un futur encourageant
J'ai également fait le constat de l'écart existant entre le vœu formulé par le Parti Ouvrier Indépendant et le Parti de Gauche. Je le résumerai en une seule idée : le productivisme.
Pour ceux qui ignoreraient de quoi il s'agit, c'est un principe posant comme non-négociable la réussite d'un projet de société à travers le plein emploi, et qui chez certains en arrive, par une acrobatie d'inversion logique, à statuer que tout emploi supplémentaire ou sauvegardé est donc un pas en avant vers la réussite du dit projet.
L'abjection parfaite que représente, dans une telle construction mentale, le maintien des centrales nucléaires à la Fessenheim pour maintenir l'emploi de ceux qui y bossent, saute aux yeux de quiconque se projette un peu dans le futur : s'il est tout à fait vrai que ce qui fait mal, dans une chute, ce n'est pas le vide mais le sol, il est néanmoins tout aussi vrai que sauter en marche d'une voiture folle 300 mètres avant le mur permet d'augmenter drastiquement les chances de survie qui, lorsqu'on en saute 3 centimètres avant le mur, sont assez minces. Le nucléaire étant une saloperie technique que nous faisons collectivement semblant de maîtriser tout en étant parfaitement incapables d'empêcher régulièrement des fuites de matériaux radioactifs de se manifester, de prévenir des risques d'attentat sur des centrales mal sécurisées ou (plus simplement) de faire face à l'Everest de déchets radioactifs toxiques pour les 100 000 prochaines années, c'est absurde de vouloir s'y maintenir à tout prix.

Le productivisme, selon moi, est ce qui rend irréconciliable pour l'instant les principes politiques du communisme et de l'écologie : produire comme des dingues, ça donne des emplois et des salaires, mais si c'est pour claquer sa thune durement gagnée dans des vacances pourries sur des plages mazoutées, dans des forêts ruinées par les pluies acides ou des campagnes désertifiées par l'agriculture intensive, y'a comme un truc qui couine.

Traduction disponible pour les +  de 18 ans

Mais, en dehors de ça, ces gens veulent la même chose : la fin de la Vème République et de sa monarchie présidentielle, la fin d'une société de castes qui met les notables à l'abri de tout et pousse les hérauts du quatrième pouvoir à jouer les mange-boules plutôt que les agitateurs, le retour de la dignité pour les travailleurs, l'entrée de l'écologie dans la réalité concrète des décisions politiques, la reconstruction d'un secteur industriel national, la sobriété énergétique, la fin de l'impunité des puissants.


La révolution ? Oui, quasiment, oui. Mais pas forcément avec procès politiques à l'appui (j'ose espérer que les revendications de trostkysme des militants du P.O.I. se focalisent plus sur le Trostky de la période de dénonciation des excès bureaucratiques des soviets de 1923 que sur celui qui encouragea la terreur politique, l'internement des opposants et leur rééducation par le travail dans les charmants goulags bolchéviques).

Je m'éloigne toutefois pas mal de mon propos de départ : T.I.N.A., mon cul. Revenons-y.
"There is no alternative !
Be competitive or die !"

T.I.N.A., bande de gueux, c'est l'acronyme honni des années Thatcher, la phrase qui tourne en boucle sur les radios et les télés acquises au capitalisme frénétique, consumériste et en perpétuelle fuite en avant (comprenez : à peu près toutes les radios et télés).

TINA. There Is No Alternative.

Soyez attentifs aux discours des ministres, des pontes, des gros patrons (on ne peut pas dire grand patron, la grandeur de l'entreprise ne déteignant pas sur celui qui la dégraisse), et vous entendrez cette phrase à tout bout de champ : "il n'y a pas d'alternative", "c'est une décision difficile mais inévitable", "la conjoncture ne nous laisse pas le choix"... souvent, c'est pour parler de plan social, de délocalisation, de désinvestissement.

Baaaah... on a tout pété. Désolé !
J'peux débloquer mes stockopcheunz, maintenant ?
C'est terrible, ces gens de pouvoir qui mentent, face caméra, et avouent de fait qu'ils n'en ont pas, de pouvoir, qu'ils ne sont (comme nous) que les pauvres pantins d'un destin cruel les privant de tout levier d'influence, de toute possibilité d'action, de tout élan novateur, iconoclaste et salvateur, qui leur permettraient d'employer leur astuce supérieure et leur perspicacité hors norme à mitonner des approches originales pour se sortir (ou nous sortir) du bourbier dans lequel la Conjoncture, avec un grand C, nous projette sans ménagement...
"Faut comprendre, ma bonne dame, bien sûr qu'on fait du bénéfice, mais ça c'est aujourd'hui. Comment qu'on en fera, du bénéfice, pour les z'actionnaires, si qu'on licencie pas demain, hein ? On va se faire bouffer par les Chinois/Amerloques/Indiens/Martiens (rayez les boucs émissaires inutiles), et là, vous aurez plus de boulot non plus ! Non, croyez-moi, c'est mieux pour tout le monde. Allez, bon courage avec Pôle Emploi, et Joyeux Noël à tous ! Faut que je file, mon Falcon m'attend pour réveillonner aux Maldives."

Le village Alternatiba, place de la République à Paris (27/09)
Zéro image sur les télés françaises... curieux, non ?
Bref, en assistant à des réunions comme celles-ci, et en faisant le tour de l'actualité en dehors de ce que la télévision officielle présente, on découvre que le même élan de construction qui a vu naître Podemos en Espagne ou Syriza en Grèce se manifeste un petit peu partout chez nous aussi. Des cafés politiques, des regroupements festifs, des Alternatiba par exemple, bref des initiatives populaires surgissent en France comme des champignons (ça tombe bien, c'est la saison), et tout ce joyeux fatras pousse sa gueulante sur le changement qui, paraît-il, était censé être maintenant depuis déjà un moment, et qu'on l'attend encore, qu'en fait on ne l'attend plus, que le changement merci bien on s'en occupe, car ça consiste essentiellement à se lever de son siège et à aller parler avec des gens qu'on ne connaît pas de l'avenir que l'on souhaite pour le pays où l'on vit.

Bien évidemment, il est considérablement plus complexe d'aller avec entrain débattre et écouter les autres, en tentant de faire synthèse et de paver doucement et longuement sa route sur le principe d'un compromis qui, forcément, nous fait perdre quelques plumes, que de céder son pouvoir citoyen à un quelconque connard plus ou moins officiel qui promet sur toutes les ondes "gneugneugneu la France gneugneugneu les autres gneugneugneu votez pour moi", à qui l'on va laisser les commandes du pays comme on laisserait à un toxico les clés du placard à pièces à conviction des stups, en s'étonnant ensuite de retrouver le sol blanchi, les scellés éventrés et un gros tas de merde fumant bien au milieu de la pièce, duquel émergerait un délicat bristol souillé par la bilirubine portant en fines lettres d'or ces quelques mots "n'oubliez pas de revoter pour moi".
Cet effort, là aussi, n'est pas évident.

Constitution de 1793, précédée de la Déclaration
des Droits de l'Homme
Admirez l'article 35, page 33 de cette édition
(source : Archives Nationales
http://bit.ly/1Q9U28g)

Mais c'est tout aussi inévitable. Car si nous connaissons assez bien nos droits de citoyens, les devoirs qui vont avec, et notamment celui de s'assurer que le pouvoir populaire ne soit pas dérobé au peuple et d'agir contre de tels détournements, nous restent encore trop souvent inconnus.
Et vu qu'on ne s'aperçoit jamais autant de la valeur des choses que quand on les a perdues pour de bon, il serait temps pour nous tous de gagner un peu en maturité et de sauter en marche de la bagnole, car le mur est très, très près.


Qu'on ne me dise donc plus qu'il n'y a pas d'alternative. J'accepterais déjà à peine d'entendre que l'on puisse estimer qu'il y en a trop. Ce qu'il nous faut, c'est en choisir une, une belle, une bonne, une dont on prenne soin ensemble, qu'on fasse pousser et fleurir, et que l'on puisse s'accrocher à la boutonnière avec la satisfaction méritée d'un travail de citoyen bien fait.

--G4rF--

2 commentaires:

Unknown a dit…

Bon et bien "y a plus qu'à"...

Anonyme a dit…

Je me lève et j'applaudis !!!

Célia