Encore
Laissez moi encore quelques semaines pour savourer la douce quiétude du soir d'été.
Rangez donc les frimas, cachez les pulls de laine.
Ne me prenez pas tout de suite ces instants.
Qu'on puisse encore aller, déambulant par-ci, baguenaudant par-là, trouver le confort simple de quelque estaminet où prendre un verre de vin installé en terrasse dans l'ombre s'allongeant des arbres du boulevard.
Qu'on puisse encore entendre les cris des enfants jouant et courant au soleil du soir, dans les aires de jeux et dans l'eau des fontaines, et les clameurs d'amis s'esclaffant, réjouis, et le claquement charmant de sandales à talon devançant l'onde du vent caressant doucement des jambes ensoleillées.
Que l'on en voit encore qui demandent leur chemin sur la route des vacances et de la découverte, embouteillant pour un instant la rue centrale du village avec leur caravane, un chapeau sur la tête et l'avant-bras rougi, heureux d'être si près de leur but final et vous disant merci comme ils ne savent plus le dire là d'où ils viennent, dans quelque banlieue où ils sont allés vivre pour être plus près du boulot.
Plus près du métro.
Qu'encore pour quelque temps la sensation légère et dérisoire de vivre hors de la pression, de faire durer en bouche le goût d'ivresse lente de jours fabuleux passés sans les compter en bonne compagnie persiste. Persiste. Persiste...
Laissez moi me remplir de ces doux souvenirs, de la chaleur aveugle d'un volet ouvert le matin transperçant mes paupières et m'emplissant de vie, comme une claque adressée à toutes mes cellules criant "debout, lève-toi, le jour est enfin là, remue toi, sors !", et moi restant planté malgré cette douleur à me laisser envelopper de chaleur, comme je restai planté pas plus tard qu'hier soir, moitié nu en pleine nuit sous un ciel plein d'étoiles, la tête dans l'espace et les yeux grand ouverts.
Laissez moi engranger ces pépites de beau, moi qui pourtant souffre de l'excès de chaleur et n'apprécie rien tant que l'immaculée blancheur d'un manteau hivernal de neige fraîche étendu tel un voile sur le monde assoupi.
Il m'en faut encore quelques-unes pour être bien certain de tenir, sur mon visage, le sourire à l'endroit jusqu'au prochain printemps.
Encore quelques-unes.
Encore...
--G4rF--
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