"Les signes des temps", c'était plus classe quand Prince les chantait... |
Je vous encourage à aller lire le navrant article ci-joint. C'est le triste cri de colère pamphlétaire d'un (con)citoyen nous expliquant, à sa façon bien à lui (parce qu'il est prêtre et qu'il sait "lire les signes des temps", dixit), que les victimes du Bataclan l'ont bien cherché.
Les commentaires sont, hélas, du même niveau que l'article.
Moi, je me rappelle avoir lu des controverses volant à peu près aussi haut (c'est-à-dire sous les racines des pissenlits) qui émaillèrent en leur temps la sortie d'un des plus gros succès des Rolling Stones, Sympathy for the devil. C'était déjà grotesque à l'époque, mais on n'avait pas fait un massacre de masse dans un concert des Stones pendant que leurs chansons passaient.
Un minimum de recherche et d'auto-culturation permettant de comprendre assez vite que les Stones étaient à la provoc' ce que les Beatles étaient à la variété, c'est-à-dire des surdoués, on pige que les pitreries outrancières de camarade Jaeger et de ses potes rockers avaient autant à voir avec le culte du diable que mon plan d'épargne logement en a avec le salaire de Gattaz.
Vu d'ici, tout ça est devenu bien poussiéreux et foncièrement ridicule.
Cette image t'effraie ? Les gens du marketing vont t'adorer. |
Mais la détestation du rock provocateur retombe généralement assez vite à plat, comme un soufflé raté.
Pour décrire la situation et expliquer l'attrait ressenti par les spectateurs des artistes plus ou moins provoc', on savourera d'ailleurs particulièrement les paroles des albums "Holy Wood" et "Golden Age of Grotesque" : voilà quelqu'un qui a compris son époque, qui surfe avec une intelligence indiscutable sur le besoin d'expression du mal-être des ados des classes moyennes occidentales, et qui est d'une rare lucidité sur ce qu'il représente aux yeux des non- et bien- pensants. Confere l'extrait ci-joint du "Bowling for Columbine" de Michael Moore, où le grand public put découvrir (mais z'un peu tard) que le propre du spectacle, c'est... bah, de n'être que du spectacle, et que l'artiste qui les choque y parvient peut-être justement parce qu'il est plutôt malin.
Mais paf ! Même pas peur ! Apparemment doté d'un sixième sens (imputable à une foi inébranlable ou un foie malade à cause d'abus de beaujolpif frelaté absorbé lors du culte), notre sympathique éructateur néglige les indices évidents de myopie de sa double vision et se mélange les crayons avec une divine allégresse entre :
- les paroles évidemment satanistes (autant, d'ailleurs, que le "Highway to Hell" d'AC/DC, qui, c'est bien connu, accroît dramatiquement l'emprise des forces du mal sur terre à chaque fois qu'on l'écoute),
- les 600 avortements (prétendument) pratiqués le jour même,
- le prix de la boîte de pâté Hénaff chez Monoprix,
- la perte de valeurs de la jeunesse païenne
- la perte de valeurs de la jeunesse païenne
le tout aboutissant à un brouet mystico-délirant à mi-chemin entre la démence sénile et la partie de Kamoulox.
Bon, j'avoue, le pâté Hénaff, c'est de moi, mais avouez que ça ne dépareille pas dans cet inventaire farfelu.
Et là, il me semble temps de faire une petite pause et de réfléchir dans une dimension peu explorée en ces époques troublées : la profondeur.
Lorsque les frangins Kouachi ont débarqué début janvier chez Charlie Hebdo pour tirer dans le tas, se réjouissant d'avoir "vengé le prophète", des allumés leur ont trouvé des excuses : fallait pas dessiner le prophète, y'en a qui se sont sentis insultés, faut comprendre, c'est la religion, c'est un sujet sensible, faut quand même respecter les croyances des autres, j'excuse pas mais je comprends que ça irrite, et blablabla.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire, tout cet argumentaire, c'est d'la merde, point, et ça tient à une simple raison : personne n'a jamais obligé qui que ce soit à acheter Charlie Hebdo. Donc, ne se sentent offensés que ceux qui font l'acte volontaire de donner des sousous au kiosquier en échange du journal, et ensuite se sentent insultés quand ils constatent que ce canard utilise sa liberté d'expression pour cracher avec irrévérence sur tout ce qui lui passe par la tête.
Là, autant se plaindre d'être écrasé par le train après avoir sauté la barrière du passage à niveau : ce qui t'arrive, tu l'as cherché, mec, c'est pas la faute du train, c'est la tienne. Blaireau.
Est-ce que quelqu'un a forcé qui que ce soit à écouter les Eagles of Death Metal (qui sont, par ailleurs, aussi représentatifs du Death Metal que David Guetta est représentatif du festival Wagner de Bayreuth) ? Quelqu'un a-t-il, avec cette sournoiserie caractéristique des vendeurs de billet à la sauvette au sujet desquels les annonces de la RATP nous mettent régulièrement en garde, fourré vicieusement dans la main d'innocents quidams des tickets de concert pour les forcer à écouter ce groupe de leurs vierges et pures oreilles désormais violées et salies à jamais ?
Non.
Donc, je pose la question : "Qui ça gêne ?
- Bah... euh... des cons ?
- Bravo, tu as gagné !"
En toute sincérité, ne peuvent se sentir réellement offensés que des gens qui constatent une tromperie sur la marchandise, à qui l'on force la main : des versaillais balais-dans-le-cul qui, par exemple, partiraient avec les enfants voir Vice Versa au cinéma et tombent sur un porno hardcore amateur de Hong-Kong, ou bien le gagnant du gros lot de l'Euromillions qui se ferait taxer direct 50% de ses gains au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Sommes-nous dans un tel contexte ? Non.
Cela n'empêche nullement cet ignoble "homme d'église" (je mets des guillemets, parce que des hommes d'église pas cons, j'en connais un paquet, celui-là ne mérite pas tant d'honneur) de pisser verbalement sur des corps à peine refroidis. Ils l'avaient bien cherché.
Quelle éclatante, mirifique, fabuleuse connerie ! C'est tellement éblouissant qu'on la monterait en chevalière, à passer au doigt de tous les rois des cons.
Convalescence (allégorie) |
J'imagine que les rescapés du Bataclan encore en convalescence à l'hôpital qui entament aujourd'hui le douloureux travail de reconstruction après le trauma, la terreur et les blessures, seront ravis dès qu'ils en seront capables de souffler à l'oreille de ce cuistre les mots acérés et froidement polis donnant la juste mesure de l'imbécillité de son jugement. Ils l'avaient bien cherché... Triste baudruche gonflée d'autosuffisance, de certitude apprise, de paternalisme fouettard !
Pour ceux qui chercheraient à mieux comprendre le calvaire des survivants, sachez que Philippe Lançon décrit chaque semaine dans Charlie Hebdo, depuis les attentats, la façon dont il vit cette reconstruction. Ça fait parfois mal à lire, mais c'est riche d'enseignement. Et plutôt bien écrit, mais ça, ce n'est que mon opinion. Je parie deux tickets pour le prochain concert des LVDP que le cureton dont je vous entretiens n'en a pas lu une ligne. Pas sûr, même, qu'il les aurait comprises.
Quand je lis les jérémiades bouffonnes de cet excité du goupillon, suivies de la gouaille commentatrice fielleuse des batraciens de bénitier qui lui donnent raison et le béatifient pour son super franc-parler qui a des couilles et tout ça (ils le disent différemment, je traduis pour vous), et qui ne retiennent manifestement du fait religieux que le rituel pompeux et le sacré intouchable, en oubliant délibérément le principal qui, toutes religions confondues, pose des valeurs de partage et de fraternité humaine supposées aider le commun des mortels à supporter leur condition le temps d'une vie, je me dis qu'avec des "pasteurs" de ce niveau comme référents moraux pour les croyants français de toutes les chapelles, Daech a déjà gagné.
Inutile d'envoyer d'autres gars avec des pétards et du C4 dans le fion, les mecs, le mal est déjà fait.
Achmed le terroriste mort a des principes bien ancrés (voir le sketch qui est juste énorme !) |
Va à un concert, et un allumé se sentira insulté.
Vis sans te prendre la tête avec la foi des autres, et un allumé se sentira insulté.
Vis sans te prendre la tête, et un allumé se sentira insulté.
Vis, et un allumé se sentira insulté.
Bref, en tout temps, tout lieu, toute circonstance, tu trouveras toujours, dans notre pays et de par le monde, un humanoïde avec qui tu partages 99,99% de ton ADN et le même besoin d'air et d'eau pour vivre, et ce sinistre trou d'balle aura une façon personnelle de légitimer l'acte de te trouer la peau.
Ça s'appelle la barbarie, et bien que les scores régulièrement en hausse du Fronfront Nanational le laissaient deviner depuis un moment, je n'avais pas conscience qu'elle fût à ce point déjà installée, ancrée confortablement dans l'esprit étriqué de radicaux fascisants de notre pays, qui n'ont dès lors rien à envier dans leur condamnation post mortem des défunts des attentats à ceux qui les ont précipités de vie à trépas.
Mais rassurons-nous, ô mes frères et soeurs : comme le disait très justement le vieux Red dans "Mon nom est personne" : celui qui vit par l'épée finit toujours par la recevoir dans le cul.
Gageons qu'il en est de même pour ceux qui redessinent les frontières de la justice et de la responsabilité de la pointe haineuse d'un goupillon rouillé.
Si son paradis existe, pas sûr qu'il en voie un jour la couleur, le padre...
Si son paradis existe, pas sûr qu'il en voie un jour la couleur, le padre...
--G4rF--
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